Le drame de Chamoson, ou Médée
Trahie et abandonnée par son mari qui en aime une autre, Médée est désespérée. Elle tue les deux enfants nés de son union avec Jason (le héros de la Toison d’Or). Les journalistes aiment avoir recours aux grands mythes qui habitent l’inconscient collectif quand ils doivent expliquer les faits divers. Médée, sans être citée directement, apparaît dans le contexte du drame de Chamoson.
On se souvient de cette mère qui a noyé son cadet de cinq ans avant d’essayer à deux reprises de tuer ses trois autres enfants – d’abord en les jetant dans le Rhône, puis en lançant sa voiture contre une station-service.
Un hebdomadaire a notamment exploré la piste mythologique et a montré par une enquête au Vietnam que le mari de l’infanticide avait, de fait, abandonné sa famille suisse, et vivait là-bas avec une autre femme, asiatique. Médée et la mère de famille valaisanne, victimes de la même tragédie, ont eu la même réaction. Pas encore tout à fait excusé, le geste est en tout cas expliqué. Il en devient moins affreux.
Zidane, le coup de tête inexplicable
Au lendemain de la finale de la Coupe du monde de football, le coup de tête donné par Zidane à Materazzi a occupé toutes les conversations et tous les journaux. «C’est un vrai fait divers, dans la mesure où nous sommes face à un geste qui n’entre pas dans la logique du match, un geste qu’on n’attendait pas de ce joueur-là», explique Jean-Michel Adam.
«Le surgissement de l’inexplicable dans un contexte au déroulement très codifié est une caractéristique du genre» : les règles sont connues de tous, les coups font partie du jeu, mais normalement il ne devrait pas y avoir de surprise.
Plus que la violence, c’est, comme toujours avec les faits divers, la question du «pourquoi» qui explique la profusion d’articles consacrés à cet épisode. «Chacun a essayé de trouver une raison à cet accès de violence, qui en faisant allusion à ses origines kabyles pour expliquer le fait qu’il ne pouvait pas répéter l’insulte, puisque la redire aurait été la renvoyer une deuxième fois à sa soeur et sa mère, qui en listant les précédents cartons rouges pour bien montrer qu’il s’agissait au fond d’une illustration supplémentaire de son mauvais caractère et qu’il n’y avait donc là rien d’inattendu. L’explication la plus souvent retenue fait appel au fatum. Le Dieu du stade aurait été terrassé par son destin au moment de quitter l’arène: il était destiné à n’être «qu’un homme, rien de plus, rien de moins», comme l’écrivit un journaliste.
Natascha Kampusch ou le Petit Poucet
Comment la jeune femme a-t-elle vécu toutes ces années en captivité, quelles étaient ses relations avec son ravisseur? Voici a priori les questions que les amateurs de faits divers se posent en prenant connaissance de l’affaire Natascha Kampusch.
Ces interrogations restées sans réponses ont certes de quoi titiller l’imagination et elles expliquent l’ampleur du retentissement médiatique de ce fait divers. Mais on peut encore imaginer que, si l’opinion publique s’est à ce point intéressée à cette histoire, c’est certainement parce qu’elle fait écho au Petit Poucet.
Comme le héros du conte, Natascha a méticuleusement préparé sa fugue, s’est souvent projetée dans l’«après» et a raisonné très froidement pour retrouver le chemin de la maison. Le mystère qui entoure sa relation très étrange et distante avec ses parents renforce la similitude: on se souvient que le Petit Poucet et ses frères sont «égarés» par leurs parents, qui n’ont plus les moyens de les élever. L’angoisse de l’abandon, très ancrée dans l’inconscient, est un ressort traditionnel du conte. Elle l’est donc aussi du faits divers.
Sonia Arnal