Pour son premier roman, Mathias Howald puise dans sa propre biographie pour traiter d’un sujet qui hante bien des familles. Que faire des questions laissées sans réponse, voire des questions que l’on n’a pas posées, quand les personnes ne sont plus là? Mathieu, le narrateur de Hériter du silence, a reçu de son père, un photographe lausannois, un certain sens de l’observation mais surtout une pleine valise de non-dits. Quand le taciturne Pierre disparaît, des suites d’un cancer, son fils tente de «faire parler les morts» en explorant la généalogie familiale, qui ne manque pas de fantômes. Il rassemble les souvenirs de son enfance et convoque les histoires racontées par sa grand-mère. La narration, qui navigue entre le passé et le présent, reconstruit quelques épisodes de la vie familiale en suivant un fil rouge: la parole, et surtout son absence. Parmi ces scènes, des repas finissants aux conversations décousues, entrecoupées d’interjections sans risque comme «c’est clair!». Ou encore la balade de Pierre, Ray-Ban vertes sur le nez – nous sommes en 1979 –, sur les quais d’Ouchy. Mathieu est installé dans un élégant landau Silver Cross que manie maladroitement son père. Ce bref texte de Mathias Howald, qui vient d’entamer des études de master en traduction littéraire à l’UNIL, touche par son écriture évocatrice. Sa grande sensibilité permet de saisir de manière fine ces silences qui passent, comme un fardeau, d’une génération à l’autre. DS
S’aider soi-même et aider les autres
La Suisse compte plus de 2500 groupes d’entraide dans les domaines de la Santé et du Social. Un chiffre qui a quasiment doublé au cours des dix dernières années. Afin de mieux connaître l’évolution du mouvement, son utilité et ses limites, la Fondation Info-Entraide Suisse a confié une étude d’envergure nationale à René Knüsel et à Hakim Ben Salah, de l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne. Ils ont notamment collaboré avec Jürgen Stremlow et Lucia M. Lanfranconi de la Haute école de travail social – Lucerne. Le résultat de cette observation «objective, systématique et approfondie» se retrouve dans cette publication riche et dense destinée à toutes les parties intéressées. Elle rappelle en préambule que la notion d’entraide – basée sur le soutien entre pairs – fait son apparition dans les écrits scientifiques au début des années 70. Elle se termine par des recommandations «pour la promotion de l’entraide autogérée au plan politique», recommandations concernant un ancrage légal et un financement pérenne. MD
Le château de cartes de l’érudit
Cet ouvrage soigné nous convie «dans la petite fabrique du savoir», image Jean-François Bert, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut d’histoire et anthropologie des religions. Guidés par son style élégant, les lecteurs découvrent le physicien genevois Georges-Louis Le Sage (1724-1803). Pendant la majeure partie de sa vie, ce dernier a constitué un fichier composé de près de 35000 cartes à jouer sur lesquelles il a consigné à la plume ses idées, ses théories, ses doutes et toutes les informations dont il estimait qu’elles pourraient lui servir un jour. Ce travail minutieux a pris tellement de place que le savant, curieux à l’extrême et victime d’une mémoire chancelante, n’a presque rien publié… Conservée à la Bibliothèque de Genève, l’œuvre de Le Sage, cette carte du monde inscrite sur des cartes, nous mène au cœur de la création du savoir. De plus, cet objet archivistique fascinant demeure moderne. Egaré dans son époque, l’érudit se posait déjà les questions des scientifiques d’aujourd’hui, autour du plagiat ou de la reproductibilité des expériences. DS