À travers les contributions de vingt-six auteurs, «Albert, Esther, Liebmann, Ruth et les autres» présente un panorama riche et nuancé du paysage juif en Suisse romande.
Il n’existait pas jusqu’ici de livre spécifiquement consacré à l’histoire des communautés juives de Suisse romande. Une lacune désormais comblée grâce à Albert, Esther, Liebmann, Ruth et les autres. Coédité par Francine Brunschwig, Marc Perrenoud, Laurence Leitenberg et Jacques Ehrenfreund, titulaire de la Chaire d’histoire des Juifs et du judaïsme à l’UNIL, cet ouvrage réunit les contributions de vingt-six auteurs proposant une approche passionnante et polyphonique des «présences juives en Suisse romande». Il se concentre sur les XIXe et XXe siècles, avec une incursion dans le Moyen Âge – les Juifs étant ensuite absents du territoire de la Confédération pendant trois siècles.
L’antisémitisme n’a pas épargné la Suisse, comme le mentionnent plusieurs contributions. Avec Shaul Ferrero, on en suit l’expression dans la presse entre 1860 et 1945. Plus largement, la dimension historique reste bien sûr fondamentale pour comprendre les difficultés et les défis rencontrés par la présence juive, certes minoritaire, mais multiple et riche. Marc Perrenoud précise à ce propos que «c’est seulement à partir de l’adoption de la Constitution fédérale de 1874 que les Juifs bénéficient de l’égalité des droits en Suisse». L’historien, qui fut conseiller scientifique de la Commission Bergier, retrace ensuite «les années dramatiques» qui, entre 1938 et 1948, constituent la période la plus angoissante et la plus compliquée pour les Juifs de Suisse romande. Évoquant la politique d’asile pendant la Seconde Guerre mondiale, il rappelle que furent alors créés un peu partout des camps d’internement pour les réfugiés.
D’autres approches, culturelles et sociétales, émaillent ce gros volume. Ici, Anne-Marie Faraggi Rychner, Laurence Leitenberg et Jean Plançon nous emmènent dans une visite guidée des cimetières. Là, on découvre la biographie souvent étonnante de quelques grandes figures rabbiniques. Ailleurs encore, Marc Elikan passe en revue les différents courants religieux présents dans nos régions. D’autres textes se penchent sur les contributions juives au développement du commerce (avec la création de plusieurs grands magasins), du marché de l’art ou à la vie culturelle. Dans le domaine musical, on souligne également «le rôle éminent» joué par la grande pianiste roumaine Clara Haskil qui vécut en Suisse entre 1918 et 1927. Réfugiée dans le Sud de la France durant la guerre, elle se verra toutefois refuser à trois reprises une autorisation de séjour prolongé dans notre pays. Malgré pas mal de réserves et de réticences administratives, elle deviendra Suissesse en 1949.