Quand un gouffre sépare les données du ViCLAS des sondages parmi les criminels

L’outil informatique canadien donne des taux de sérialité plus faibles que les enquêtes menées auprès des agresseurs.

Des études menées auprès des agresseurs identifient de 42 à 79,8 % d’auteurs sériels. © Iuri Gagarin / Dreamstime.com

Dans un article publié dans la Revue internationale de criminologie et de police technique et scientifique, Julien Chopin et Marcelo Aebi, professeur à l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, ont comparé les données tirées du ViCLAS avec les sondages de délinquance auto-reportée par les criminels, soit des questionnaires remplis anonymement par des agresseurs emprisonnés. 

Les données du ViCLAS proviennent de la police française – soit un échantillon de 3901 cas d’agressions sexuelles extrafamiliales et 3500 agresseurs. Les auteurs liés à une seule affaire représentent 91,5 % des auteurs. Ces affaires uniques représentent 82,1 % de l’ensemble des affaires. Cela implique que 17,9 % des affaires de la base de données sont des affaires sérielles et que 8,5 % des auteurs ont commis des agressions sexuelles en série. La majorité des auteurs sériels, soit 76,5 %, sont reliés à 2 affaires. Par rapport à l’ensemble des agresseurs sexuels sériels, le pourcentage de ceux qui sont reliés à plus de deux cas représentent un cinquième des auteurs sériels. Leur pourcentage par rapport à l’ensemble des auteurs est de 1,7 %, ce qui est anecdotique d’un point de vue statistique. Marcelo Aebi et Julien Chopin se sont notamment intéressés aux victimes de moins de 15 ans. Les auteurs de l’article constatent que la proportion de criminels reliés à plusieurs affaires et la proportion de crimes en série sont plus élevées pour ces cas. Pour les moins de 15 ans, 26,6 % des affaires et 13,5 % des auteurs sont sériels. À remarquer encore : la plupart des auteurs sériels, soit 78,5 %, sont reliés à deux affaires alors qu’à l’autre extrême, 2,2 % des auteurs sont reliés à 5 affaires.

Les deux criminologues ont ensuite comparé les données du ViCLAS avec les réponses données par des agresseurs, lors de sondages anonymes organisés en prison. 

Si seuls 8,5 % des cas classés enregistrés dans le ViCLAS sont des affaires en série, le pourcentage avancé par l’étude de Gravier (1) est de 42 %.

Le pourcentage est encore plus grand lorsque les victimes sont des mineurs jusqu’à 16 ans (et non 15 comme dans les données du ViCLAS). Une étude (2) identifie 52,7 % d’agresseurs en série et une autre (1) arrive à 79,8 % d’auteurs sériels. Marcelo Aebi et Julien Chopin citent encore deux autres études qui arrivent à « une même distribution générale de la sérialité ». Ils concluent que l’outil informatique canadien présente certaines limitations, mais qu’il pourrait être amélioré, notamment en réduisant le questionnaire. « Avec un total de 156 questions, il est difficile pour les analystes de relier des cas qui deviennent trop spécifiques pour que des similitudes puissent être prouvées. »/SP

(1) Gravier B., Mezzo B., Abbiati, M., Spagnoli J., & Waeny J. (2010). Prise en charge thérapeutique des délinquants sexuels dans le système pénal vaudois: Étude critique. snf.ch/SiteCollectionDocuments/nfp/nfp40/nfp40_gravier_schlussergebnisse.pdf

(2) Smallbone S., & Wortley R. (2000). Child sexual abuse in Queensland offender characteristic and modus operandi.

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