L’approvisionnement de la Suisse en sels français sous l’Ancien Régime était déjà largement documenté. La période de la Révolution et de l’Empire beaucoup moins. C’est cette lacune qu’Étienne Hofmann, professeur honoraire à l’UNIL, entend combler dans Napoléon, le sel et les Suisses. Au départ, sa recherche se focalisait sur la mission effectuée par deux Vaudois – Jules Muret et Henri Monod – à Paris en 1810, voyage ayant pour but de sonder les visées expansionnistes de Napoléon tout en abordant le renouvellement du traité sur l’achat et le transport des sels. Au final, cet épisode ne devient toutefois plus qu’un élément parmi d’autres dans une vaste étude replaçant le cas vaudois dans l’ensemble du commerce des sels français avec l’étranger.
D’où vient ce sel dont les Suisses semblent si friands? Pour l’essentiel des salines franc-comtoises et lorraines, de celle de Bex également, mais sa production reste relativement faible. L’auteur précise aussi qu’il s’agit dans tous ces cas de sel de source, dont l’extraction n’est pas aussi aisée que dans les marais salants en bord de mer. Les chapitres suivants, très fouillés, un brin austères et pour tout dire plutôt destinés aux spécialistes, examinent les traités liant les Suisses aux Français, tout d’abord sous la monarchie et pendant la République helvétique, puis sous la Médiation de Bonaparte. De quoi relever l’incapacité de nos compatriotes à s’unir face à l’emprise d’un quasi-monopole. De quoi noter dans la foulée que «l’approvisionnement de la Suisse en sels français n’est pas un long fleuve tranquille, mais une suite de heurts, de récriminations et de brouilles réciproques». /Mireille Descombes
Chabag, une colonie suisse au bord du Dniestr
Pendant plus de cent ans, entre 1822 et 1944, une importante colonie suisse vécut à Chabag, sur les bords du Dniestr, près d’Odessa. Pour mettre en valeur les terres fraîchement conquises de la Bessarabie, le tsar Alexandre 1er avait fait appel à des étrangers. Des conditions avantageuses furent offertes pour tous ceux qui voulaient s’expatrier. En 1822, un convoi de colons quitta la Suisse pour aller cultiver la vigne. Le début d’une épopée pleine de rebondissements et digne d’un authentique western. Sujets russes puis roumains, ces colons restèrent toujours attachés aux traditions et aux dialectes de leur patrie d’origine.
Dans son livre Une cinquième Suisse au bord de la mer Noire, Elena Simonato, spécialiste de l’histoire des relations Suisse-Russie, retrace la destinée de cinq générations de colons, pour la plupart vaudois et bâlois. Un travail pas toujours aisé en raison de la dispersion de sources et de la complexité des situations vécues. Le destin des familles restées en URSS après 1940 fut souvent tragique. Celles qui rentrèrent en Suisse durent commencer une nouvelle vie./MD
Un nouveau regard sur l’enfant
Dès le milieu du XVIIIe siècle, les questions de formation suscitent un intérêt grandissant au sein des élites européennes. Les traités fleurissent, à une époque marquée par le succès de l’écriture personnelle. Ainsi, la pratique du journal d’éducation, tenu par les enfants et les adolescents eux-mêmes, se répand. Des gouvernantes, des précepteurs et certains parents se livrent également à cet exercice de chronique pédagogique.
Première assistante en Section d’histoire (Faculté des lettres), Sylvie Moret Petrini nous raconte le développement d’un nouveau regard, souvent très attentif, porté sur l’enfant. L’auteure s’intéresse également à la redéfinition des rôles parentaux, ainsi qu’à la place des femmes dans l’éducation. Son ouvrage est nourri de nombreux exemples, tirés notamment d’archives de familles romandes./DS