Dans son ouvrage «Nicolas Bouvier iconographe», Olivier Lugon met en évidence un pan méconnu des activités de l’écrivain du voyage. Passionnant !
On connaissait le Nicolas Bouvier écrivain, voyageur et photographe. Partant du fonds réuni par l’artiste et conservé au Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève, Olivier Lugon nous révèle aujourd’hui toute l’importance du «Nicolas Bouvier iconographe». Dans ses entretiens et ses publications, l’artiste genevois lui-même aimait attirer l’attention sur ce pan de ses activités. Un métier qui, né au début des années 60, ne survivra guère à l’avènement du numérique.
De quoi s’agit-il exactement? Historien de la photographie et professeur à l’Université de Lausanne, l’auteur se propose justement, par cette étude, de contribuer «à l’esquisse de l’histoire mal connue de ce métier de l’ombre, en s’efforçant d’inscrire le cas de Nicolas Bouvier dans un cadre élargi (…)». Le terme «iconographe», rappelle-t-il, désigne des activités fort diverses selon qu’il est utilisé dans le champ de l’histoire, de l’histoire de l’art, de la documentation, de la presse ou de l’édition. Nicolas Bouvier se voyait lui comme un «chercheur d’images», images de préférence rares et inédites qu’il traquait notamment dans les bibliothèques et qu’on lui commandait pour illustrer livres, articles et autres publications. Le mot «illustrer» semble toutefois réducteur dans ce contexte. Le travail de l’iconographe comprend en effet une dimension créative, «un véritable travail d’interprétation d’un manuscrit par les images», qui explique la revendication, par certains, du statut de coauteur de l’ouvrage.
Marier le passé et le présent
Olivier Lugon se penche ensuite sur quelques projets éditoriaux auxquels Nicolas Bouvier a participé. Il évoque notamment l’aventure des fameuses Éditions Rencontre et de sa collection L’Atlas des Voyages dirigée par le journaliste et essayiste Charles-Henri Favrod. L’écrivain y signe le volume «Le Japon» où il s’occupe à la fois de la rédaction du texte et de l’illustration. Un choix d’images où ses clichés de photographe dialoguent avec des documents anciens tirés de ses propres archives.
Cette façon de marier le passé à l’évocation du présent immédiat resta l’un de ses grands bonheurs. Nicolas Bouvier se passionna également pour la gravure anatomique et l’imagerie médicale. Parmi ses images préférées figurait le troublant masque de correction du strabisme qu’il avait découvert lors de son premier mandat d’iconographe pour un numéro spécial de Santé du monde, le magazine de l’OMS, consacré aux yeux. Il le réutilisera à plusieurs reprises, jusque dans les années 90. / Mireille Descombes
L’Anthropole (ou «B2»), qui a fêté ses 30 ans en 2017, est-il un monument historique? Ce labyrinthe peuplé d’espaces vides, conçus à l’origine pour stimuler les échanges, fait l’objet d’un ouvrage bref mais dense. De Abattoirs à Zoning (en passant bien sûr par Zelig), les articles de ce vade-mecum se concentrent sur plusieurs aspects de l’histoire et de l’architecture de cet édifice en forme d’accordéon (ou de triple X), vu du ciel. Les polémiques (l’affichage libre ou le nom Humense, proposé en 2005) suscitent un brin de nostalgie. /DS
Professeur à l’Institut des sciences du sport de l’UNIL, Grégoire Millet emmène ses lecteurs en montagne en compagnie d’Olivier Girard, spécialiste de la physiologie de l’exercice et ergonome. En plus de son air un peu meilleur, l’altitude – même modérée, dès 1000 mètres – offre des avantages aux sportifs, notamment à ceux qui souhaitent améliorer leur endurance ou leur résistance à la fatigue. Cet ouvrage pratique s’adresse toutefois à tout le monde: bouger au-dessus du stratus aide par exemple à lutter contre l’obésité et fait du bien au cœur. /DS
«La mousse du café, dans la tasse vide à la cafétéria, dessinait la crête des Alpes savoyardes.» Au fil de cet ouvrage, les poèmes de Julien Burri, chercheur au Centre des littératures en Suisse romande et écrivain, dialoguent avec les aquarelles presque abstraites de la journaliste Florence Grivel. Le Léman (et l’eau) se trouvent au cœur du travail des deux auteurs. Mais le parcours qu’ils nous proposent passe également par les souvenirs d’enfance, les vacances à la mer ou évoquent un bref moment dans la chaleur, au sommet d’un plongeoir. /DS
Nous avons encore en tête les images de la destruction du Temple de Baalshamîn de Palmyre par Daech, lors de l’été 2015. Nourri par les archives de l’archéologue Paul Collart, conservées à l’UNIL, ce livre raconte l’histoire du site antique. Les photographies des années 50 répondent de manière poignante à une série d’images de dévastation prises au printemps 2016, juste après la libération (provisoire) de la ville. Enfin, l’ouvrage se penche sur la restauration et sur la mise en valeur des monuments, grâce notamment à la 3D (voir unil.ch/collart-palmyre). /DS
Éditée au sein de la Section d’histoire de l’art (Faculté des lettres), cette belle revue annuelle est consacrée au patrimoine vaudois au sens large, sous l’angle de l’architecture, des arts décoratifs ou de l’archéologie par exemple. Le numéro le plus récent nous présente les merveilles souvent méconnues d’Orbe et de sa région. Rédigés par des étudiants, des chercheurs ou des historiens indépendants, les articles sont pointus et détaillés, mais toujours accessibles. La richesse des illustrations (gravures, plans, photographies) constitue un autre point fort de cette publication. /DS
L’Ancien Testament? Une bibliothèque à redécouvrir
Quelles sont les différences entre la Bible hébraïque, ou Tanakh, et l’Ancien Testament? Comment s’est formé le Pentateuque? En quelle langue sont écrits les chapitres 2 à 7 du livre de Daniel? Voilà quelques-unes des questions auxquelles répond le Que sais-je? de Thomas Römer, professeur au Collège de France et aux Universités de Lausanne et Pretoria. L’ouvrage se veut accessible «à tous les lecteurs, qui, pour mieux en comprendre les différents développements, sont invités à avoir une Bible à portée de main». L’auteur insiste aussi sur le fait que le terme «bible», qui dérive d’un pluriel grec, signifie à l’origine bibliothèque.
En archéologue minutieux, Thomas Römer analyse ensuite la composition des différents livres de cette bibliothèque, précisant bien qu’ils n’ont pas le même âge, n’ont pas été écrits par une même personne et ont presque tous connu des révisions, des ajouts et des modifications. Il nous rappelle aussi qu’aucune des variantes de l’Ancien Testament (catholique, protestante ou orthodoxe, la plus riche) ne correspond entièrement à la Bible hébraïque. Leur composition n’est en outre définitivement arrêtée qu’après plusieurs siècles – ce qu’on appelle le «canon». Le judaïsme, par exemple, n’a définitivement fixé les livres de sa Bible qu’au IIe siècle, voire au IIIe siècle de notre ère.
Qui dit Bible, dit aussi transcriptions et traductions. L’auteur consacre ainsi tout un chapitre aux «Textes et manuscrits». Après avoir évoqué le passage de l’écriture phénicienne à l’écriture carrée, écriture araméenne, après avoir souligné le rôle des massorètes – les scribes qui ont standardisé les textes hébraïques – il s’intéresse aux traductions grecques qui ont permis de diffuser la Bible juive dans tout le bassin méditerranéen. Il précise par ailleurs à ce propos que la traduction du Pentateuque ne s’est pas faite d’un seul coup, que le processus a pu courir sur plusieurs décennies et qu’il est clair que les cinq livres ont été traduits par des personnes différentes.
Après une brève histoire d’Israël et de Juda, pour permettre au lecteur de «comprendre les contextes sociohistoriques dans lesquels sont nés les écrits qui figureront plus tard dans la Bible juive», Thomas Römer analyse en détail la formation du Pentateuque, des Prophètes et des «Écrits». Sans oublier les livres supplémentaires des Anciens Testaments catholique et orthodoxe. À vos Bibles donc! C’est passionnant, mais complexe! /Mireille Descombes