Marie Madeleine et Jésus: 12 questions sur un mystère

Marie Madeleine et Jésus 12 questions sur un mystère
La Sainte Cène selon Juan Vicente Macip, peintre espagnol de le Renaissance Document de www.cult.gva.es

Tour à tour présentée comme une prostituée, un apôtre, un témoin de la résurrection, voire comme la disciple préférée de Jésus ou celle qu’il embrassait volontiers sur la bouche, Marie Madeleine n’a laissé personne indifférent. Mais qui était-elle vraiment? Le point avec les professeurs de l’UNIL Jean-Daniel Kaestli et Daniel Marguerat.

Cela fait presque deux mille ans que la rencontre entre Jésus et Marie Madeleine intrigue et suscite tous les fantasmes. Mais depuis deux ans, cet autre débat sur le sexe des anges a pris un tour nettement plus enflammé, et surtout plus populaire, avec le succès incroyable du «Da Vinci Code». Le roman de Dan Brown n’a cessé de caracoler en tête des livres les plus vendus en Suisse romande, c’est du jamais vu! Et la fièvre n’est pas près de retomber puisque le film tiré de ce best-seller sera projeté sur les écrans de la planète au début 2006.

Entre ces deux grands rendez-vous populaires paraît, plus discrètement, dans la prestigieuse collection de la Pléiade, le tome II des «Ecrits apocryphes chrétiens». Cette somme, rassemblée sous la direction du professeur de théologie de l’UNIL Jean-Daniel Kaestli, contient une perle, «L’Evangile de Marie», que devraient posséder les lecteurs du «Da Vinci Code». Puisqu’il s’agit de l’un de ces apocryphes (ces textes qui mettent en scène des personnages contemporains de Jésus mais qui n’ont pas été retenus dans le Nouveau Testament, n.d.l.r.) furtivement cités par Dan Brown pour étayer sa thèse romanesque.

C’était l’occasion de tenter de tracer un portrait plus réaliste de Marie Madeleine, avec Jean-Daniel Kaestli et Daniel Marguerat, lui aussi professeur à l’UNIL et spécialiste du Jésus historique. Un portrait, forcément articulé en douze questions.

1 – Marie Madeleine a-t-elle été une prostituée?

«Certainement pas», répondent en chœur les spécialistes de l’UNIL. «Cette figure de la prostituée a été créée en fondant plusieurs personnages du Nouveau Testament pour en faire une figure unique, résume Jean-Daniel Kaestli. Il y a notamment eu une combinaison entre Marie Madeleine, la disciple de Jésus, et la femme qui vient oindre Jésus, selon l’Evangile de Luc (7, 36-50).»

La scène avait de quoi frapper les esprits: on y découvre en effet une «pécheresse» qui s’approche de Jésus couché à table et qui vient lui laver les pieds avec ses larmes. Puis elle les sèche avec ses cheveux, elle les couvre de baisers et elle y répand du parfum.

Si le geste a choqué Simon le Pharisien, «rien ne dit dans l’Evangile que cette femme, saisie d’une très forte émotion, cette femme qui accomplit un geste risqué, intime, habituellement réservé à l’épouse ou aux filles envers leur père, était une prostituée», rappelle Daniel Marguerat.

«C’est à cause de l’intimité de ce geste et des revenus de cette femme – elle utilise un parfum précieux en grande quantité – que les Pères de l’Eglise ont très vite pensé à une prostituée», explique Daniel Marguerat. On a tout aussi prestement associé la pécheresse inconnue à Marie Madeleine, qui avait été guérie de sept démons par Jésus (Luc 8, 2).

Cette nouvelle figure de la prostituée repentie est promise à un grand succès, notamment au Moyen Age. Mais elle n’est pas la seule: l’autre figure de Marie Madeleine, celle qui la représente en fondatrice de monastères, connaîtra elle aussi un succès médiéval, notamment dans le sud de la France.

2 – «Guérie de sept démons», ça veut dire quoi?

«Nous trouvons dans les Evangiles de nombreux récits dé-taillés d’exorcisme, mais celui de Marie Madeleine n’est pas raconté. Luc la nomme en passant, dans une énumération des femmes qui accompagnent Jésus, et il précise que «d’elle étaient sortis sept démons» (Luc 8,2). Cette mention est une rareté puisque dans les récits de miracles, les bénéficiaires, malades ou possédés, restent toujours anonymes. Du point de vue de l’historicité, j’accorde donc une assez grande valeur à cette information», observe Jean-Daniel Kaestli.

«Cette guérison explique l’attachement de Marie Madeleine à Jésus, ajoute Daniel Marguerat. Il faut savoir qu’à l’époque, la maladie était attribuée soit à une perte de l’énergie vitale, soit à l’action d’un démon. La présence active d’un démon nécessitait alors un exorcisme. Jésus, comme tous les guérisseurs charismatiques de son temps, luttait contre les maladies et pratiquait les exorcismes. Dans les deux cas, le thérapeute devait permettre à la personne de reprendre le pouvoir sur elle-même. Marie Madeleine a donc été guérie d’un trouble qui la dépossédait d’elle-même, mais lequel? nous ne le savons pas.»

3 – A-t-elle été un disciple, voire un apôtre de Jésus?

«Disciple, c’est certain, répond Daniel Marguerat. La preuve la plus spectaculaire de cela nous vient des Evangiles: elle fait partie du groupe des femmes qui sont au pied de la croix, et qui observent la mise à mort du maître. Marie Madeleine est toujours citée en premier dans cette liste de témoins, avec d’autres femmes dont Marie, la mère de Jésus; cette place témoigne de la vénération dont elle était l’objet.»

«Disciple, cela ne fait aucun doute, appond Jean-Daniel Kaestli. Mais le titre qui est disputé, c’est celui d’apôtre. Pour Luc, un apôtre est une personne qui a suivi tout le ministère de Jésus et qui a été témoin de la résurrection. Paul, lui, en donne une définition plus large, qui lui permet de s’inclure dans le groupe. Au sens premier, un apôtre est d’ailleurs un «envoyé». Dans ce sens, il est difficile de refuser le titre d’apôtre à Marie Madeleine, premier témoin de la résurrection et chargée d’en annoncer la nouvelle aux autres disciples.»

4 – Marie Madeleine a-t-elle pu participer à la Sainte Cène?

Cette idée, défendue dans le roman «Da Vinci Code» de Dan Brown, a largement contribué au succès planétaire du livre. Elle n’est pas balayée par Daniel Marguerat. «Les Evangiles ne nous donnent pas de liste exhaustive des participants au dernier repas de Jésus; ils se bornent à dire que «ses disciples» y assistaient. La lecture de Marc (14, 12) induit, mais induit seulement, qu’il s’agissait d’un collectif masculin. Comme le terme de disciple était d’un usage assez ouvert à l’époque, on peut imaginer que des femmes participaient à ce repas; la lecture de Dan Brown s’infiltre donc dans cette faille qu’offre l’imprécision du texte.»

5 – Marie-Madeleine était-elle «le disciple que Jésus aimait»?

Dans son «Da Vinci Code», Dan Brown attribue à Marie Madeleine le rôle du «disciple que Jésus aimait», dont parle l’Evangile de Jean. Il n’est pas le seul à choisir cette interprétation. La philosophe et sociologue Françoise Gange, dans son «Jésus et les femmes» (La Renaissance du livre, 2003), va dans le même sens. Elle s’appuie notamment sur le passage de l’Evangile de Jean qui dit que les femmes et le disciple favori se trouvaient au pied de la croix. Sachant par les autres Evangiles que tous les disciples mâles ont fui avant le chant du coq, elle en déduit que le disciple que Jésus aimait ne pouvait être qu’une femme, donc Marie Madeleine.

Ce raisonnement, qui semble imparable, ne convainc nullement Jean-Daniel Kaestli: «Il se fonde sur une lecture qui harmonise indûment les données des quatre Evangiles et ne tient pas compte de la spécificité du récit de Jean; celui-ci dit expressément que «le disciple qu’il aimait» (masculin en grec) se trouvait au pied de la croix et il rapporte à son propos la parole que Jésus adresse à sa mère, «Femme, voici ton fils» (Jean 19,26-27). Le texte grec ne laisse aucun doute quant à l’identité de ce disciple favori, anonyme, présent au moment de la crucifixion: il s’agit d’un homme.»

«Marie Madeleine n’était pas le disciple favori, mais elle l’est devenue bien plus tard, ajoute Daniel Marguerat. Dan Brown s’est servi de quelques textes tardifs (IIe et IVe siècles) qui lui accordent un statut unique de disciple privilégiée de Jésus. On connaît en effet des écrits de groupes chrétiens marginaux ou franchement gnostiques, comme avec «l’Evangile de Marie», qui vont dans ce sens et que le romancier a utilisés dans son «Da Vinci Code». Si ces mouvements ont été importants (ils ont compté des milliers de disciples), ils se sont développés dans la frange de la grande Eglise qui les a combattus théologiquement.»

Pour fonder leur lecture des Evangiles, ces groupes marginaux devaient s’appuyer sur un témoin qui n’était pas revendiqué par la grande Eglise, fondée sur les trois piliers que sont Pierre, Paul et Jean. Les communautés marginales se sont donc adossées à des figures comme Marie Madeleine ou Thomas, que l’on présente comme les détenteurs de l’authentique vérité, contre celle de Pierre et des autres apôtres. Cependant, à l’époque, tout le monde était conscient qu’il s’agissait là d’une fiction narrative.»

6 – Jésus a-t-il aimé Marie Madeleine plus que les autres disciples?

Voici l’une des idées que véhicule «l’Evangile de Marie», publié ces jours-ci dans la Pléiade, sous la direction de Jean-Daniel Kaestli. Le récit nous fait assister à un dialogue entre les disciples, désemparés après la disparition de leur maître.

Pierre s’adresse alors à Marie Madeleine et lui demande de révéler certains enseignements secrets de Jésus. Celle-ci s’exécute, mais sa révélation déclenche une dispute au sein des disciples.

Certains, dont Pierre, refusent de croire que Jésus ait pu confier des secrets à une femme, à leur insu. Mais un autre disciple, Levi, prend sa défense: «Pierre, tu es depuis toujours porté à la colère, et maintenant je te vois débattre avec la femme comme si c’était un adversaire. Pourtant, si le Sauveur l’a rendue digne, qui es-tu, toi, pour la rejeter? Assurément, c’est sans faille que le Seigneur la connaît, c’est pourquoi il l’a aimée plus que nous» (Evangile de Marie, p. 18,7-15).

Que signifie ce «il l’a aimée plus que nous»? «Il faut comprendre que Jésus l’a jugée plus apte que les autres à recevoir des secrets, des mystères, répond Jean-Daniel Kaestli. L’amour dont parle ce texte est celui qui unit un maître à son disciple le plus proche et le plus cher. Nous avons bien là l’idée d’une révélation ésotérique. Ce n’est d’ailleurs pas un cas unique: dans les Evangiles canoniques aussi, il arrive en certaines occasions que Jésus partage une révélation particulière avec trois disciples privilégiés, Pierre, Jacques et Jean, par exemple sur la montagne de la transfiguration (Marc 9,2-10).»

7 – Peut-on exclure toute signification érotique à cet amour de Jésus pour Marie Madeleine?

Jean-Daniel Kaestli tend la main vers sa bibliothèque et reprend les textes originaux, grec et copte, du passage précité de «l’Evangile de Marie».

«Le verbe grec utilisé dans la phrase «il l’a aimée plus que nous» est agapao, traduit en copte par ouôsh. Ce verbe est assez rare en grec classique, mais il est devenu très important pour les juifs et les chrétiens, qui l’ont notamment utilisé pour exprimer le commandement biblique «tu aimeras ton prochain comme toi-même». Il signifie «accueillir avec amitié», «traiter avec affection», «chérir (ses enfants)», «avoir une préférence pour» et, beaucoup plus rarement, «aimer d’amour». Je pense donc que les auditeurs de ce texte n’y voyaient aucune référence à une relation érotique ou conjugale.»

8 – Marie-Madeleine a-t-elle semé le trouble chez les disciples, suscité des jalousies dans le groupe?

«Si vous me demandez ce qui s’est vraiment passé vers l’an 30 de notre ère dans l’entourage de Jésus, je dois dire honnêtement qu’il est impossible de le savoir», répond Jean-Daniel Kaestli. «Cela dit, nous avons des traces de tensions entre les disciples dans des sources moins contestées que les récits apocryphes. Dans l’Evangile de Jean par exemple, on découvre une rivalité entre Pierre et «le disciple que Jésus aimait». Mais ce texte reflète surtout les rivalités qui ont surgi par la suite entre diverses communautés chrétiennesDaniel Marguerat est un peu plus affirmatif: «Le groupe des disciples n’était pas aussi uni et hiératisé que la tradition veut bien le dire. Les Evangiles arborent une image des Douze qui, par moments, n’est pas brillante. Ils apparaissent comme des pleutres en fuyant au moment de l’arrestation de Jésus, alors que Marie Madeleine, elle, est au pied de la croix et joue un rôle central dans le récit de la Passion. Il n’est donc pas exclu que Marie Madeleine ait provoqué des tensions dans leur groupe, en tout cas après la mort de Jésus.»: elles se référaient à des figures d’autorité différentes pour appuyer leur interprétation particulière des paroles de Jésus.»

Daniel Marguerat est un peu plus affirmatif: «Le groupe des disciples n’était pas aussi uni et hiératisé que la tradition veut bien le dire. Les Evangiles arborent une image des Douze qui, par moments, n’est pas brillante. Ils apparaissent comme des pleutres en fuyant au moment de l’arrestation de Jésus, alors que Marie Madeleine, elle, est au pied de la croix et joue un rôle central dans le récit de la Passion. Il n’est donc pas exclu que Marie Madeleine ait provoqué des tensions dans leur groupe, en tout cas après la mort de Jésus.»

9 – Marie-Madeleine a-t-elle embrassé Jésus sur la bouche?

C’est l’une des affirmations sensationnelles que l’on tire de l’Evangile de Philippe, un texte apocryphe du IIIe siècle après J.-C., conservé dans l’un des manuscrits coptes trouvés en 1945 à Nag Hammadi, en Haute-Egypte. Dan Brown a tiré profit de ce texte dans son «Da Vinci Code», où l’on peut lire en page 308: «Et le Sauveur avait pour compagne Marie Madeleine. Elle était la préférée du Christ, qui l’embrassait souvent sur la bouche. Les autres apôtres en étaient offensés et ils exprimaient souvent leur désaccord. Ils disaient à Jésus: «Pourquoi l’aimes-tu plus que nous?»

«En réalité, le passage en question est mal conservé et comporte plusieurs lacunes, précise Jean-Daniel Kaestli. Dans l’unique manuscrit copte, le codex II de Nag Hammadi, il figure du bas de la page 63, ligne 30, au haut de la page 64, ligne 9. Si on le traduit dans sa totalité et de manière précise, on lit en réalité ceci (les parties manquantes et reconstituées sont placées entre crochets):

«Quant à la Sagesse qui est appelée «la stérile», elle est la mère [des an] ges. Et la compagne du S [auveur est Ma] rie la Mag [da] léenne. Il l’ [aimait] davantage que [tous] les disciples et il l’embrassait sur sa […de nombreuses] fois. Les autres [disciples…] Ils lui dirent: «Pourquoi l’aimes-tu plus que nous tous?» Le Sauveur répondi: «Pourquoi est-ce que je ne vous aime pas comme elle? Quand un aveugle et un homme qui voit sont ensemble dans l’obscurité, ils ne sont pas différents l’un de l’autre. Quand la lumière vient, alors celui qui voit va voir la lumière et celui qui est aveugle va rester dans l’obscurité.»

Bien sûr, combler la lacune par «il l’embrassait sur sa bouche» est une possibilité, mais ce n’est pas la seule. D’ailleurs, même si le texte disait effectivement que Jésus a embrassé Marie Madeleine sur la bouche, Jean-Daniel Kaestli continue d’y voir un sens dénué de tout érotisme.

«C’est un langage mystérieux, une métaphore qui signifie que le maître transmet un enseignement ou un pouvoir spécial à son disciple le plus proche. Comme nous l’apprend la conclusion du passage, nous avons là l’idée, typiquement gnostique, que certains êtres humains sont prédisposés à recevoir la lumière. Marie Madeleine est aimée davantage parce qu’elle est capable de comprendre la vérité mieux que les autres disciples.»

Daniel Marguerat n’y voit pas autre chose. «Aujourd’hui, au Proche-Orient, des hommes s’embrassent sur la bouche sans être homosexuels. Bien sûr, le texte sous-entend une forte intimité entre Jésus et Marie Madeleine, mais celle-ci n’est pas forcément érotique. Le langage utilisé renvoie plutôt à être l’intimité du maître et du disciple.»

10 – A-t-elle pu épouser Jésus?

Si l’on ne parle jamais d’une femme ou d’enfants de Jésus, on parle également très peu de sa famille à lui, observe Daniel Marguerat. Les textes sont très discrets sur sa mère, sur son frère Jacques et plus encore sur ses autres frères et sœurs. Cette remarque est également valable pour les apôtres Pierre et Paul. Quant à moi, au fond, ça ne me gêne pas du tout d’imaginer Jésus marié. Parce que, quand on connaît le monde juif de l’époque, on a de la peine à croire que Jésus ait posé le célibat comme une valeur en soi.»

«Le célibat de Jésus est une énigme, ajoute le professeur de l’UNIL. Bien sûr, les auteurs des Evangiles auraient volontiers glissé une mention montrant que Jésus avait une affection particulière pour les femmes, ou pour une femme. Car à l’époque, le rabbi exemplaire avait famille nombreuse. Alors, comment expliquer cette lacune? Moi, je vois ici un héritage spirituel de Jean le Baptiste, dont Jésus a été le disciple; lui aussi était célibataire, mais il pratiquait une ascèse que n’a pas retenue Jésus.»

Peut-on encore imaginer que Jésus vivait dans l’attente d’une venue imminente du Royaume des cieux, et que cette attente rendait la paternité peu souhaitable? «Cette remarque vaut effectivement pour les premières communautés chrétiennes et peut s’appuyer sur certaines déclarations de Paul, par exemple 1 Corinthiens 7, 25-35, répond Jean-Daniel Kaestli. Mais pour ce qui est de Jésus, il est difficile de savoir ce que signifiait exactement pour lui la venue imminente du Royaume de Dieu.»

11 – Le mode de vie de Marie Madeleine étati-il scandaleux?

«Il a dû faire choc, sans aucun doute, et les Evangiles portent les traces du scandale déclenché par l’attitude de Jésus envers les femmes, répond Daniel Marguerat. Qu’une femme fasse partie d’un groupe d’hommes, qu’elle partage comme eux la vie d’un rabbi, qu’elle mange avec lui, qu’elle se montre avec eux et avec lui dans la rue (sans que cela signifie qu’elle partage sa couche), tout cela était provocateur. Assurément, la présence de nombreuses femmes dans l’entourage de Jésus n’a pas plu. Le Nazaréen a eu des positions que l’on peut qualifier de féministes, car il professait que les femmes ne devaient pas être exclues de certains privilèges alors réservés aux hommes, comme l’enseignement de la Torah.»

Après l’impulsion nouvelle donnée par Jésus, le rôle des femmes dans le christianisme du Ier siècle va progressivement diminuer, appond Jean-Daniel Kaestli. «Très vite, on remet les femmes à la place qui était la leur dans la société antique: on leur enjoint de se taire, de ne pas enseigner, et on va rappeler que c’est Eve qui a fauté, et non Adam – un discours qui était impensable du vivant de Jésus et dans les premiers temps du mouvement chrétien.»

Le rôle de Marie Madeleine dans les récits de la résurrection tend aussi à être passé sous silence, comme le suggère le témoignage de Paul en I Corinthiens 15. «Dans ce texte, écrit dans les années 50 de notre ère, l’apôtre cite une tradition, qu’il a lui-même reçue, au sujet des apparitions du Christ ressuscité. Parmi les personnes qui ont bénéficié d’une apparition, cette tradition mentionne Céphas (Pierre), les Douze, Jacques et tous les apôtres. Mais elle ne nomme pas Marie Madeleine qui, d’après tous les Evangiles canoniques, a pourtant été un témoin privilégié de la résurrection de Jésus.»

C’est sans doute que cette révélation, faite à une femme, posait un problème dans un contexte masculin.

12 – Que devient Marie Madeleine après la résurrection?

«La seule chose que l’on sache, c’est que le personnage a connu une très grande notoriété. Elle a donc joué un rôle dans un groupe de croyants après Pâques, où sa place était importante, estime Daniel Marguerat. Pratiquement, cela signifie qu’elle a exercé une activité d’évangélisation où elle mettait en avant son statut de témoin privilégié.»

Le théologien lausannois ne la voit pas forcément s’installer en Egypte, mais relève que son message a connu là un grand succès. Reste la piste de la Gaule, où une tradition tardive, mais très vivace encore aujourd’hui, la fait débarquer en Provence. Cette région lui consacrera d’ailleurs de nombreux monastères, dont l’incontournable basilique de Vézelay, «une présence de pierre très forte, mais une présence muette». Et cela permettra à Dan Brown d’imaginer que les descendants de Jésus et de Marie Madeleine finissent par s’unir aux Mérovingiens.

Mais là, cette fois, nous venons définitivement de basculer dans la fiction.

Jocelyn Rochat

5 Comments on “Marie Madeleine et Jésus: 12 questions sur un mystère”

  1. Voici la référence de l’édition des écrits apocryphes chrétiens dont il est question dans cet article: Écrits apocryphes chrétiens I & II, Bibliothèque de la Pléiade 442 & 516, Éditions Gallimard, Paris 1997 & 2005.

  2. Salut,
    Pour comprendre qui est Marie Madeleine, je vous recommande la lecture du livre d’Emmanuel : le prophète que Dieu avait promis à Moise.
    Livre gratuit chez : http://www.lelivredevie.com

    A mes yeux, l’auteur de ce livre est Pierre le romain mais vous ne le comprendrez que à la lecture complète du livre.

  3. article très intéressant, pour ma part en tant que croyante cela ne me choquerai pas de savoir que jésus et marie madeleine se soit profondément aimer,et qu’ils ai eu des enfants, mais tout ceci date de tellement loin alors je dirais que chacun croit en son coeur car jésus fils de dieu avait un message pour nous tous et pour moi ce message était amour et pardon donc cela ne change rien à sa valeur(aimer vous les un les autres, ou ne fait pas au autres ceux que tu ne veut pas que l’on te fasse à toi même) tout ceci est un message d’amour alors que celui qui à des yeux pour voir voie, et que celui qui à des oreilles pour entendre écoute, que jésus nous protège au mon de son père et du saint esprit amen

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