L’UNIL garde un œil sur les chouettes

© Guillaume Rapin

Le professeur Alexandre Roulin et son équipe, au Département d’écologie et évolution de l’UNIL, étudient les chouettes depuis des années. Réalisé avec le soutien du Fonds national de la recherche scientifique, le site chouette-effraie.ch présente les travaux en cours et offre de nombreuses informations sur ce rapace. Entretien avec Céline Plancherel, biologiste et médiatrice culturelle dans le groupe d’Alexandre Roulin.

En complément de l’article paru dans Allez savoir ! 77, mai 2021

Le suivi des populations de chouettes représente-t-il un travail important pour le groupe d’Alexandre Roulin ?

Oui. Dans notre région d’étude, qui s’étend de Morges à Morat en passant par la Broye, nous avons installé près de 400 nichoirs au fil des années. De mi-mars à septembre, notre équipe les visite tous chaque mois, afin de compter les œufs, d’anticiper le moment de la naissance des petits, de baguer les jeunes et de mesurer la couleur du plumage des oiseaux, dans le cadre des recherches sur le polymorphisme de couleur. Nous prenons également des données pour d’autres sujets comme des prélèvements de cire de la glande uropygienne ou l’installation de GPS sur le dos des chouettes pour enregistrer leurs déplacements. Enfin, nous prélevons aussi un peu de sang sur les oiseaux, notamment pour le volet de nos travaux en lien avec la génétique. Nous nous intéressons bien sûr à leur santé.

Où se trouvent ces nichoirs ?

Principalement chez des agriculteurs, avec qui nous avons une excellente collaboration. Les nichoirs sont souvent installés dans des granges ou contre leurs parois extérieures. L’effraie des clochers aime faire son nid dans les bâtiments ouverts, comme les clochers. Mais ces derniers sont très souvent grillagés de nos jours. De plus, les édifices agricoles, une fois transformés en logements pour les humains, ne leur sont plus accessibles.

Comment se passe le contact avec les paysans ?

Ils sont coopératifs et intéressés. Une partie de notre site chouette-effraie.ch leur est réservée. Grâce à un mot de passe, ils peuvent voir les données relatives aux oiseaux qui se trouvent dans leurs bâtiments, comme par exemple le nombre de petits nés cette saison. Au début du projet, Alexandre Roulin se rendait lui-même chez les agriculteurs, afin de rendre compte de ces informations, mais avec le grand nombre de nichoirs existants aujourd’hui, ce n’est plus possible. Le lien entre science et société est désormais réalisé via le site internet.

Est-il facile de manipuler ces chouettes ?

Nous ne les touchons que lorsque c’est nécessaire. Ce sont des animaux assez calmes, au contraire des faucons crécerelle, qui ne se laissent pas faire. Comme les oiseaux n’ont que très peu d’odorat, il est possible de manipuler les petits sans risque que les parents les rejettent, au contraire de ce qui se passe avec les mammifères.

Est-ce un animal menacé ?

Pour l’UICN, l’effraie des clochers a le statut «préoccupation mineure», ce qui signifie qu’elle ne risque pas l’extinction. Il faut toutefois signaler que les populations varient beaucoup. Les estimations courent de 200 à 1000 couples nicheurs par an, en Suisse. La chouette est sensible au froid. Quand les champs sont couverts de neige, elle ne peut pas chasser. La mortalité chez les oiseaux récemment émancipés est importante, selon les hivers. De plus, comme ce rapace vole lentement et assez bas, il est souvent victime de collisions avec les voitures.

De nombreuses informations au sujet des chouettes, à destination de tous les publics, se trouve sur chouette-effraie.ch. Comment ce site, dont vous êtes responsable, est-il né ?

L’idée est née durant mon travail de master en biologie dans le groupe d’Alexandre Roulin. J’étais déjà intéressée par l’idée de lier sciences et société, et j’avais donc fait, en plus d’une recherche sur les comportements exploratoires des chouettes, une partie «médiation» sous la forme d’une première version du site avec le système WordPress. Cela nous a motivé à déposer une demande de subside Agora auprès du Fonds national de la recherche scientifique. Il s’agit de fonds conçus pour financer des projets mettant en lien la société et la science. Le groupe du professeur Alexandre Roulin en a obtenu un, pour une durée de deux ans, ce qui a permis de créer ce site, en association avec Pixinside, et de m’engager en tant que médiatrice culturelle.

Quels sont les projets en cours ?

Nous avons prévu de traduire ces pages en allemand et en anglais, ainsi que publier une «foire aux questions», qui répondra à des interrogations courantes comme : «Que dois-je faire si je trouve une chouette ?» Enfin, lorsque la pandémie le permettra, nous reprendrons nos activités destinées au grand public. Depuis quelques années, elles ont lieu au Château de Vullierens, dans les hauts de Morges. Des animations pour les classes sont en cours de préparation.

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