Nul n’échappe à la solitude et à la mort, même dans un bien joli canton comme celui qui a vu naître l’écrivain C. F. Ramuz en 1878, fils d’un commerçant aisé et d’une mère éduquée. Comment exprimer le sens du tragique dans un environnement bourgeois attendant de ses fils qu’ils deviennent des «Messieurs», ainsi que les nomme le facétieux Charles? Comment vivre pleinement quand on se sent détourné de soi-même par les responsabilités sociales et familiales? Le jeune homme va trouver son véritable ancrage au prix d’une vie quasi-monacale, et plonger par l’écriture dans un décor grandiose où évoluent des êtres incompris et séparés entre eux, paysans, vignerons, artisans, ouvriers, marginaux…
Nous sommes Posés les uns à côté des autres, pour citer le titre d’un roman qui illustre bien ce tragique de la condition humaine selon l’écrivain vaudois. Chercheur à l’UNIL, Stéphane Pétermann se demande qui était Ramuz dans un ouvrage vif, éclairant et joliment illustré. Il suggère un homme inquiet et asocial, aussi fataliste que ses personnages puisqu’il faut bien accepter ce qui nous arrive, impuissants que nous sommes face à la tournure des événements. Lui-même n’intervient que prudemment dans la société, où il craint de passer pour un réactionnaire cabré devant la technique et la modernité politique. N’espérant rien ni des dictatures ni de la démocratie, il semble bien n’avoir qu’un seul pays – c’est la montagne et c’est le lac – et un refuge, la littérature: ce petit livre nous rappelle qu’il faut lire et relire le grand Ramuz. / Nadine Richon
Don du sang, don de soi?
Donner leur sang pour les autres, beaucoup le font généreusement. Mais pour quelle raison? Tout simplement par altruisme et sans se poser de questions? À la suite d’une expérience particulière, voire d’un traumatisme? Dirigé par Jean-Daniel Tissot et Philippe Schneider, cet ouvrage rend hommage à tous ceux qui ont «Le don dans le sang». Il mêle 17 témoignages-portraits de presque anonymes à des textes de spécialistes suisses et étrangers portant sur les questions métaphysiques, spirituelles, éthiques, juridiques, sociologiques ou médicales. Il y est question de la gratuité du don, mais aussi de la résistance à ce don. On évoque le statut particulier de ceux qui récoltent le sang ou en ont fait l’objet de leurs recherches. Et parmi les témoignages, le lecteur retient notamment la déception de Jean-Pierre, octogénaire qui, après une «carrière de donneur» de 47 ans, se désole que la maladie l’ait empêché d’arriver au chiffre de 200 dons./ Mireille Descombes
1980, une année qui a compté
Pour le numéro 312 de la revue Études de lettres, Jérôme Meizoz et Gilles Philippe, professeurs à l’UNIL, ont demandé à leurs collègues de la Faculté des lettres: «Pour vous, ou dans votre domaine, de quoi l’année 1980 est-elle le nom?». Les chercheuses et chercheurs ont décortiqué, relaté, conté, par exemple un événement politique (première mention du terme «dérèglement climatique» devant le Congrès américain), un tournant littéraire (Alice Rivaz, première femme à recevoir le Grand Prix C. F. Ramuz), la naissance d’une discipline (la sociolinguistique historique), ou une révolution culturelle (les manifestations à Zurich pour des lieux de musiques alternatives), ayant marqué l’an huitante. Résultat, les 50 courts textes forment une mosaïque interdisciplinaire, permettant au lecteur de s’imprégner de l’atmosphère de cette année importante qui a vu l’émergence du néolibéralisme et l’arrivée de la «génération Y». / Noémie Matos