Fin octobre sortira au cinéma un nouvel épisode de la saga Halloween, marqueur dans les années 70 d’une nouvelle ère dans le genre de l’horreur. L’occasion de se plonger dans l’histoire des films d’épouvante, avec Marc Atallah, maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des lettres.
Une maison abandonnée, une forêt, un lac, la nuit qui vient de tomber, une fête entre ados éméchés. Il n’en faut pas plus pour se douter qu’un truc pas franchement jojo va arriver. C’est parce que avec un siècle d’expérience, le cinéma d’horreur nous a abondamment arrosés de récits à nous foutre les boules, les glandes, les crottes de nez qui pendent. Mais bien au-delà d’une esthétique parfois grossière et des histoires un peu redondantes, le cinéma d’horreur nous en dit souvent bien plus que ce qu’on veut comprendre. Quelques révélations (sans froid dans le dos).
Le premier film d’horreur date du XIXe siècle déjà
VRAI MAIS… > Si les spécialistes s’accordent à dire que le cinéma d’horreur prend ses aises dès les années 20, de nombreuses sources attribuent à George Méliès, l’un des pères fondateurs du cinéma, aussi considéré comme l’inventeur des effets spéciaux, la paternité du premier film du genre. Au XIXe siècle déjà donc, avec Le Manoir du Diable, de 1896. « On peut effectivement dire qu’il s’agit d’un proto-film d’horreur, mais il faut apporter de la nuance, précise Marc Atallah. L’horreur apparaît au XIXe siècle tout comme la science-fiction ou le fantastique, des genres souvent confondus. Selon les définitions, l’horreur, c’est l’intervention du surnaturel angoissant, sous différentes formes, dans un régime réaliste. On parle surtout d’épouvante, d’effroi ou de sidération. Contrairement au fantastique qui, selon le critique Todorov, inspire la peur car on ne sait pas quelle interprétation donner à une situation (rationnelle ? irrationnelle ?). Des sentiments qui sont différents. Le court film de Méliès entre effectivement dans le registre de l’horreur. Mais au moment de sa sortie, le cinéma d’horreur n’existe pas encore. »
Les premières productions s’inspirent surtout de la littérature
VRAI > Dans les années 20 et 30, une part importante des films d’horreur ne sont pas de pures créations, mais bien des adaptations de romans tels que Dracula, Frankenstein ou Le Chat noir d’Edgar Poe. Un genre cinématographique, qui se stabilise donc au début du XXe siècle, permettant aussi de faire émerger quelques stars, comme Béla Lugosi ou Boris Karloff. « C’est normal puisque au moment de sa naissance, le cinéma dispose de très nombreux scénarios et motifs, souvent issus de la littérature populaire et des modes du XIXe siècle. Mais l’apport du cinéma, c’est d’être capable de montrer ce qui, jusque-là, n’avait été que dit ou écrit ». Le cas aussi pour les films d’horreur.
Psychose marque le premier grand tournant du cinéma d’horreur
VRAI MAIS… > Ce serait avec Alfred Hitchcock que le cinéma d’horreur aurait commencé à obtenir ses réelles lettres de noblesses. En commençant par Psychose, aujourd’hui encore considéré comme l’un des grands classiques du genre. Il marquerait surtout un tournant dans l’horreur, préférant la vie réelle à l’univers des monstres ou toute autre créature fantastique, si possible démoniaque. Après tout, histoire de bien coller les miquettes, autant privilégier la salle de bain de Madame Tout-Le-Monde, plutôt qu’un manoir hanté. « Psychose marque en effet un grand tournant, mais on ne peut pas dire qu’il s’agisse du premier. Ce film explore la noirceur de l’âme humaine sans faire appel à des motifs tels que les monstres. Il convoque le surnaturel, mais incarné chez l’humain, son comportement non naturel. »
Le sous-genre préféré de l’horreur est le slasher
??? > Qu’on se le dise : d’une manière ou d’une autre, le film d’horreur tourne autour de meurtres. Si possible bien sanglants, bien dégueus, après qu’un très très méchant ou une force maléfique a décidé d’ouvrir un certain nombre de quidams en deux. Avec le slasher, né dans les années 70, apparaît le personnage du psychopathe tueur en série. Dans des classiques comme Halloween ou Les Griffes de la nuit. Le slasher est par ailleurs souvent cité comme le sous-genre favori des amateurs de films d’horreur. « Il est impossible de dire quel sous-genre est le préféré. En revanche, le slasher est peut-être celui qui nous touche le plus intimement. Comme la figure du zombie née une décennie plus tôt, le slasher adresse une critique contre-culturelle des modes de vie des sociétés industrialisées et leur illusion de normalité et de sécurité. »
Les dents de la mer est bien un film d’horreur
VRAI > Du côté de l’horreur, il n’y a pas que des vampires, des loups-garous, Satan et toute la clique de gros dégénérés type Freddy Kruger. Certains réalisateurs ont préféré mettre sur le devant de la scène des animaux, comme Hitchcock dans ses Oiseaux, ou Spielberg et ses Dents de la mer, incarnées par un grand requin blanc. Un classique, souvent contesté dans la famille du cinéma d’horreur, qui en reprend pourtant tous les codes. « Les Dents de la mer entre pleinement dans le registre du slasher. Et là encore il s’agit d’une critique forte de la petite bourgeoisie américaine, en vacances à la mer, donc des pratiques humaines et les illusions de normalité. Le « monstre » utilisé dans le cinéma d’horreur est toujours là pour signifier une réalité autre que lui. Dans ce film, tout le monde semble avoir oublié que la mer est dangereuse. Le requin n’est en réalité que le signe de l’insouciance de tout un chacun. »
L’Exorciste s’inspire d’une histoire vraie
??? > Tout en haut de la liste des grands classiques du film d’horreur caracole L’Exorciste, qui a traumatisé plusieurs générations dès sa sortie au cinéma, le jour de Noël 1973. On sait en revanche moins qu’il s’agit de l’adaptation d’un livre paru en 1971. Mais surtout qu’il s’inspirerait d’un cas réel d’exorcisme d’une fillette. « S’il s’agit d’une histoire vraie, ce que je ne sais pas, la question est de savoir ce que ce film apporte. Soit il n’est que la retranscription d’un événement réel et, dans ce cas, n’est pas vraiment intéressant. La notion de contamination est en revanche réellement intéressante dans L’Exorciste, apparu à la fin de l’époque de la contre-culture. Un film, comme beaucoup dans ce même registre, qui digère d’une certaine manière la violence sociale. Qu’elle soit de l’ordre du foyer, puisque l’histoire se passe comme souvent dans une maison, ou de l’ordre de la religion. Il s’agit d’une contre-culture qui cherche à attaquer les symboles américains, parce qu’ils sont devenus aliénants : la religion, la maison, la société de consommation. »
L’horreur, c’est forcément gore
FAUX > Des types (le plus souvent) qui vous zigouillent. Au moyen d’un couteau de cuisine, une hache, une batte de baseball. Au choix. Un vampire qui vous suce tout le sang. Une bête féroce ou des zombies qui s’amusent à vous déchiqueter. Le Malin qui s’est emparé de vous et vous fait vomir tripes et boyaux. En vrai, le plus souvent, le cinéma d’horreur ne fait pas franchement de la dentelle. Pas vraiment un pour rattraper l’autre. Vrai ? Bien au contraire, selon Marc Atallah. « L’horreur est particulièrement horrifique quand elle n’est pas gore. En littérature, on le voit très bien chez Lovecraft par exemple. Le gore est présent pour son aspect spectaculaire, mais n’a rien à voir avec l’horreur. Mais le film d’horreur a la capacité à venir pointer les monstruosités de nos sociétés de différentes manières. » Un exemple ? Repensez au Projet Blair Witch. Si vous osez.
Le film d’horreur peut aussi être comique
VRAI > Depuis bien des années, certains cinéastes se sont amusés à détourner le genre et proposer des parodies de film d’horreur, qu’on connaît aussi sous le nom de comédie d’horreur. C’est le cas notamment du gros succès Scary Movie. Ou plus récemment, ce début d’année, avec Studio 666, le film réalisé par le groupe de rock Foo Fighters. Dans lequel apparaît d’ailleurs un certain John Carpenter. « Il faut faire la différence entre comédie et parodie. Il est évident qu’avec un genre maintenant centenaire apparaissent des films parodiques, qui en reprennent tous les codes et les clichés pour les détourner. La parodie est intrinsèque à un genre dès lors qu’il possède un répertoire sans fin de clichés. »