Le microbiote des abeilles, beaucoup plus simple mais pourtant similaire en bien des points à celui des humains, a été étudié par Philipp Engel, chercheur à l’UNIL.
La flore intestinale de l’abeille mellifère (Apis mellifera) est très simple. «Elle ne renferme que huit à dix espèces de bactéries qu’il est possible de cultiver en laboratoire», constate Philipp Engel, professeur assistant au Département de microbiologie fondamentale de l’UNIL. Elle constitue donc un excellent modèle pour étudier le microbiote humain, «bien plus complexe, mais en bien des points similaire».
L’association entre les microbes et les abeilles vivant en colonie a pris naissance il y a 80 millions d’années, au moment où ces hyménoptères ont commencé à adopter un comportement social, comme l’a révélé une étude faite par des chercheurs de l’Université du Texas, aux Etats-Unis. A cette époque, leur ancêtre commun aurait sélectionné dans son environnement cinq espèces bactériennes «que l’on retrouve aujourd’hui dans le microbiote de la plupart des espèces d’abeilles sociales», commente le chercheur de l’UNIL. Les microbes et leurs hôtes ont connu des évolutions parallèles.
Dégrader le pollen
Comme ceux du microbiote humain, les microbes qui sont installés dans leur intestin «ne sont pas indispensables à la vie d’Apis mellifera», précise Philipp Engel. Mais ils leur sont très utiles, car «ils les aident à mieux digérer le pollen», et tout particulièrement sa membrane rigide. Les chercheurs de l’UNIL l’ont mis en évidence en utilisant de jeunes abeilles encore dépourvues de microbiote. Ils les ont d’abord colonisées avec six bactéries cultivées en laboratoire, ce qui leur a permis de constater que la présence de ce microbiote implanté modifiait la composition des métabolites (produits issus de la dégradation des nutriments par les bactéries) dans leur intestin.
Dans une deuxième expérience, les microbiologistes ont transféré les bactéries, une à une cette fois, dans le tube digestif des abeilles. «Nous avons pu ainsi analyser la contribution de chacune d’entre elles à la dégradation de la paroi du pollen», souligne Philipp Engel. Il en ressort que les Lactobacillus digèrent par exemple spécifiquement les flavonoïdes. Quant aux Bifidobacterium, elles ont une autre fonction: elles déclenchent la production d’hormones chez leur hôte. «On ne connaît pas encore les conséquences de ce processus, mais il est possible qu’il modifie le système immunitaire, ainsi que le comportement de l’abeille.»
Une grande diversité
La simplicité du microbiote des Apis permet aussi aux chercheurs de séquencer toutes les espèces bactériennes qui le composent. Car s’il n’existe dans cette flore qu’une dizaine d’espèces de bactéries, chacune d’elles est composée d’un grand nombre de souches qui «ont peut-être des fonctions différentes». Le travail est en cours, mais ses premiers résultats font apparaître «une grande diversité dans la population des micro-organismes».
Les chercheurs comptent maintenant examiner plus précisément les fonctions métaboliques des bactéries intestinales, afin de connaître leur impact sur la santé des abeilles mellifères. Des insectes «qui sont un important pollinisateur dans de nombreux écosystèmes et dans l’agriculture», rappelle Philipp Engel, et qui sont cependant menacés d’extinction en Europe.
Article principal: Microbiote, le bestiaire qui nous habite