L’arrivée d’Internet bouleverse la sexualité des jeunes et leur rapport aux parents. A la traîne du progrès technique, les adultes se montrent absents et impuissants.
La scène se passe en Suisse romande, pendant l’année 2006. Après avoir commencé leur relation sur un chat, un garçon et une fille de 15 ans se rencontrent physiquement et se plaisent. Gênés par la présence de copains qui les entourent, ils se mettent à l’écart. Puis ils se déshabillent, s’allongent sur le sol et commencent à faire l’amour, lorsqu’un autre garçon du groupe les surprend. Excité par la scène, il se déshabille aussi, se mêle au couple qui l’intègre dans son manège.
Bientôt, le trio pratique une double pénétration, pendant laquelle la jeune fille se retrouve enchâssée par ses deux partenaires. Mais à peine les ébats terminés, les deux garçons se rhabillent et s’en vont, laissant leur camarade féminine nue sur le bitume, comme un objet dérisoire.
Les ados ont étudié la question sur Internet
Comment des rapports sexuels peuvent-ils s’engager avec une telle facilité? Comment se fait-il que des adolescents se livrent à des pratiques d’adultes peu courantes? Enfin, pourquoi ces partenaires, si rapidement attirés l’un par l’autre, se délaissent-ils d’une façon si cassanté Dans un premier temps, la réponse paraît simple: ces trois jeunes gens imitaient les pratiques et les comportements qui constituent la norme des films pornographiques.
La double pénétration, qui mêle sodomie et pénétration vaginale, est une pratique fréquente dans le monde du X. Sa gymnastique demande une science des corps qui ne s’improvise pas. Que ces adolescents l’aient exécutée avec tant de naturel démontre donc – pour le moins – qu’ils ont souvent étudié la question.
Sexualité adolescente brutale
Une dizaine de faits divers récents ont révélé une sexualité adolescente brutale, basée sur la contrainte ou la violence. En juin 2004, quatre garçons entre 16 et 19 ans ont violé une fille de 15 ans à Genève. En février 2005, trois garçons ont abusé d’une camarade de classe dans les Grisons. En 2006 à Zurich, une douzaine de garçons de 15 à 18 ans ont pratiqué une tournante sur une fille de 13 ans.
Des bouleversements psychologiques
Ces affaires spectaculaires cachent cependant des comportements similaires moins médiatisés, mais tout aussi troublants. Ici, ce sont des garçons de 15 ans qui demandent des fellations à des filles qu’ils croisent dans la rue, et qui s’exécutent. Là, ce sont des boums qui tournent à la partouze. Ailleurs, un garçon de 11 ans construit son propre site porno, un autre du même âge visionne des films de zoophilie avec ses copains sur son téléphone portable.
Dans un premier temps, ces comportements choquants désignent un seul et même coupable: Internet. En Suisse, début 2006, on recense près de deux millions de lignes à haut débit. Au même moment, la moitié des habitants de plus de 14 ans navigue chaque jour sur la toile. Cette explosion du réseau déclenche une révolution – parfois dénommée web 2.0 – dont on commence tout juste à évaluer les effets négatifs.
L’Internet nouveau permet de communiquer davantage, de s’exprimer facilement, de faire beaucoup d’affaires. Mais la massification des échanges provoque aussi des bouleversements psychologiques et sociaux problématiques.
Les adultes en relégation
Le premier de ces chamboulements concerne la relation entre les générations. Docteur en police scientifique et en criminologie de l’Université de Lausanne, Olivier Guéniat analyse l’impact du nouvel Internet comme un changement historique: «Pour la première fois, on assiste à une inversion de pouvoir entre les enfants et les adultes. Plus on monte parmi les plus de 30 ans, moins les adultes maîtrisent le monde des ordinateurs et d’Internet. L’écrasante majorité des parents ne sait pas ce qu’est un «peer-to-peer» ou un chat, ces plates-formes d’échanges et de communication que les ados pratiquent quotidiennement. La plupart ignorent aussi le type d’images et de films extrêmes qu’on peut trouver sur le web.»
Grâce au développement rapide d’une technologie dont la place devient de plus en plus centrale, les jeunes ont donc acquis une position de maîtres face à des adultes relégués au rang d’apprentis.
Le porno en libre accès
La deuxième mutation induite par le web 2.0 concerne les représentations de la sexualité. Internet offre un accès rapide et gratuit à des millions de photographies et de films pornographiques. Or, comme le souligne Philip Jaffé, professeur de psychologie légale à Lausanne et Genève: «Le sexe est l’une des principales raisons de la consultation d’Internet dans le monde.»
Que les jeunes regardent des images ou des films pornos n’est pas nouveau. Mais la génération précédente devait passer la barrière d’un vendeur de magasin, et trouver des stratégies pour regarder les images en cachette. Maintenant, il suffit de taper «sexe» et «gratuit» sur Google pour trouver trois millions de sites en un clin d’oeil.
Le téléphone portable et l’échange de fichiers entre ordinateurs (le fameux «peer-to-peer») permettent aussi une diffusion rapide entre amis: «En Grande-Bretagne, 90% des internautes de moins de 14 ans ont été confrontés à des images de pornographie dure», dit encore Philip Jaffé. Qu’on le veuille ou non, les ados d’aujourd’hui subissent donc une exposition généralisée aux images les plus extrêmes.
Cette exposition n’entraîne pas tous les adolescents vers des comportements sexuels anormaux ou agressifs, loin de là. «Dix pour cent des jeunes internautes exposés à la pornographie deviennent des «pornsearchers» qui recherchent activement du matériel pornographique sur le net», dit Philip Jaffé.
5% de filles deviennent «pornsearchers»
Et parmi ces surconsommateurs, 5% sont des filles. Les déviances de la sexualité adolescente ne frappent ainsi qu’une minorité. Les récentes affaires de viols entre ados ne concernent également qu’une petite portion de jeunes.
Chef de la Police de sûreté de Neuchâtel depuis plusieurs années, Olivier Guéniat insiste pour qu’on ne généralise pas le comportement sexuel des adolescents. Plus de 90 % d’entre eux ne provoquent jamais d’affaires pénales.
Une société pornophage
La confrontation régulière aux normes du porno provoque néanmoins un changement général dans la vision des représentations sexuelles. Cette évolution fait dire à Olivier Guéniat que notre société, après les stades de la pornophilie (les années 70) puis de la pornographie (les années 80), est aujourd’hui passée au stade de la «pornophagie».
Ce néologisme désigne une surconsommation d’images sexuelles dont ne souffre réellement qu’une minorité de personnes. Mais le criminologue et homme de terrain note un changement d’attitude face au porno chez Monsieur et Madame Tout-le-monde: «Depuis le milieu des années 90, la pornographie a pris un ancrage toujours plus visible dans les familles. Il y a dix ou vingt ans, les parents gardaient leurs films pornos sous clé, dans une armoire inaccessible aux enfants. Maintenant, les DVD de pornos se mêlent aux films tous publics dans la vidéothèque du salon. C’est une chose que j’ai régulièrement constatée lors de mes dernières perquisitions.»
Combler le vide rituel
C’est donc, une fois de plus, vers les adultes et leurs défaillances que les regards se tournent. En pleine transformation physique et psychique, tout adolescent cherche des éléments pour comprendre le monde, pour savoir se comporter en société, pour se comprendre lui-même.
Le monde contemporain n’offre cependant plus rien qui le soutienne dans cette tâche. Maître-assistante à l’Institut de psychologie de l’Université de Lausanne, Tania Zittoun explique l’impact de la pornographie sur les jeunes par le vide rituel qui les entoure: «Dans les sociétés traditionnelles, les futurs adultes étaient collectivement pris en charge. On les isolait, on les soumettait à des épreuves chargées de les transformer. Des cérémonies permettaient de les introduire officiellement dans l’âge adulte. Aujourd’hui, il n’existe plus rien de ce genre. Les jeunes doivent construire leur identité d’adulte sans repères ni marche à suivre. Ils inventent alors eux-mêmes une sous-culture constituée d’épreuves et de rituels qu’ils mettent en oeuvre au sein de leurs groupes.»
Des parents absents
Perpétuellement disponible et foisonnant d’informations, Internet est devenu un fournisseur de première importance dans cette construction d’identité. Livrés à eux-mêmes, les adolescents y puisent les références dont ils ont besoin.
Mais si les parents sont absents, comment vont-ils gérer les émotions qu’ils ressentent et leur donner un sens? «L’entourage proche est aujourd’hui la première source d’informations pour la construction de soi, dit encore Tania Zittoun. Si un jeune est très réceptif aux images pornos, c’est d’abord parce que l’entourage ne lui a pas montré de modèle alternatif, ou qu’il n’a pas rendu évident que les relations sexuelles ne se passent pas comme ça.»
Dotées d’un grand pouvoir de fascination, les images pornographiques peuvent submerger les adolescents jusqu’à les transformer en imitateurs consentants – y compris chez les filles, qui n’ont pourtant pas le beau rôle dans le monde du X. Qu’on examine le problème par un biais ou un autre, on en revient donc toujours à la même cause. Aux grandes personnes de jouer maintenant.
Pierre-Louis Chantre
Bonjour à toi Bisounours,
Comme nous sommes toujours en septembre 2011, j’en profite ! 🙂
En fait, on a prouvé que les personnes en ménage avant le mariage avaient moins de chances de tenir que les autres.
Quant aux effets sur les jeunes : taux de suicide x2 chez les filles, alcool x4, cannabis x3,5 et taux de fugue x2 chez les garçons.
Merci à l’auteur pour son appel à la responsabilité des adultes contre ce fléau social.
bonjour
je voudrais dire qu ils ont bien raisons
ils vaut mieux qu ils aient des experiences multiples avant le mariage ca evite les divorces
En plus pendant qu ils s amusent comme ca ils ne volent pas ou ne se mettent pas dans la drogue