Avec l’âge, nos organes deviennent moins performants. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est normal de souffrir de maladies, notamment neurodégénératives, estime Gilles Allali, directeur du Centre Leenaards de la mémoire du CHUV.

Nicole Chuard © UNIL
La Suisse est considérée comme l’une des championnes du monde du vieillissement en bonne santé. Est-ce dû aux avancées de la médecine?
En partie, car avec les progrès de la médecine, des pans entiers de pathologies qui étaient mortelles il y a quelques années ne le sont plus, du moins dans les pays industrialisés, comme les maladies infantiles. On a fait aussi énormément de progrès dans le traitement de certains cancers et des maladies cardio-vasculaires. En outre, la population occidentale, suisse en particulier, a été «éduquée». Nous savons quelles sont les habitudes de vie qui favorisent le vieillissement en bonne santé: arrêter de fumer, boire avec modération, avoir une activité physique et intellectuelle, etc. Mais en contrepartie, les limites du handicap ont été repoussées. On découvre aujourd’hui chez les plus de 80 ans des maladies, notamment neurodégénératives, que l’on ne connaissait pas il y a quinze ou vingt ans.
Toutefois, le vieillissement ne s’accompagne-t-il pas toujours d’un déclin de nos fonctions, qu’elles soient ou non cognitives ?
Il existe une certaine confusion entre le vieillissement physiologique et le vieillissement pathologique. Le premier est réel: avec l’âge, les performances de tous nos organes et tissus – du cerveau au cœur, en passant par les muscles, etc.– diminuent. Une personne marche par exemple moins vite à 100 ans qu’à 60. Mais le vieillissement pathologique, c’est-à-dire accompagné de l’apparition de maladies, n’est pas une fatalité. Les centenaires ont certes beaucoup plus de risques d’avoir une maladie neurodégénérative que les trentenaires, mais cela ne veut pas dire que c’est normal d’en développer une. C’est ne pas souffrir de cette pathologie qui est la norme. Il faut changer de paradigme et reconsidérer le vieillissement.
Qu’entendez-vous par là?
Beaucoup de gens pensent par exemple qu’il est normal qu’une personne de 85 ou 90 ans perde la mémoire. Celle-ci n’est donc pas investiguée parce que l’on estime que cela ne sert à rien, ce qui n’est pas vrai, car nous avons accumulé énormément de connaissances ces dernières décennies. Un autre argument est que cela est onéreux. C’est faux. Je pense qu’investiguer coûte moins cher que de ne rien faire et de payer les conséquences de ces maladies.
En matière de santé des personnes du quatrième âge, on devrait donc pouvoir faire mieux qu’aujourd’hui?
À l’échelle de la population, c’est certain. Dans le cas des maladies neurodégénératives par exemple, nous connaissons maintenant les facteurs de risques et nous savons quels sont ceux qui sont réversibles. Mais si l’on ne met pas ces avancées en pratique, elles ne servent à rien. Il faut donc une prise de conscience de la société, mais aussi du monde médical. Dans ce domaine, je pense que nous avons de quoi être optimistes, car il nous reste une marge d’amélioration significative.
Article principal: L’espérance de vie n’a jamais été aussi haute en Suisse