Cet article complète le texte paru dans Allez savoir ! 63, mai 2016. Ce dernier expose la manière dont l’UNIL a mis en place des outils réglementaires, pédagogiques et techniques pour lutter contre le plagiat dans l’enseignement. La recherche n’est pas englobée dans ces nouveaux moyens de lutte, même si les scientifiques sont soumis à un code de conduite qui implique le respect de la propriété intellectuelle. L’un des interlocuteurs rencontrés pour le sujet paru dans la version imprimée du magazine a abordé cette question plus largement.
Rencontre avec Christian Grosse, professeur et vice-doyen de la Faculté de théologie et de sciences des religions
Il ne faut pas penser que le plagiat est un problème qui touche uniquement les étudiants. En fait, j’ai davantage rencontré cela dans la recherche que dans l’enseignement. Il m’est arrivé de me faire copier par des collègues d’autres universités. Je l’ai plutôt bien pris, car cela signifie que mes textes sont suffisamment intéressants pour être considérés comme « pillables » !
Dans un cas, par exemple, la tentative a été repérée avant que l’article qui contienne le plagiat ne paraisse dans une revue connue, soit au niveau de la peer review. Menée de manière rigoureuse, cette « évaluation par les pairs » remplace bien les programmes informatiques de détection. En effet, les chercheurs en sciences des religions forment des communautés spécialisées, qui travaillent sur des ensembles de textes et des bibliographies communes. Cette connaissance approfondie du domaine nous permet de débusquer les piratages.
Ces dernières peuvent également être révélées grâce à un exercice que je pratique, celui du compte-rendu. Cette activité consiste à recenser de manière critique les articles et les livres publiés par les collègues. Ces recensions paraissent dans des revues spécialisées, comme par exemple Archiv Für Reformationgeschichte. Cela nous permet de nous tenir au courant de ce que produit la recherche. Mais pendant que vous lisez d’autres ouvrages, vous ne produisez rien. Chronophage et pourtant utile, ce travail n’est pas assez valorisé dans le contexte du publish or perish.
Cette injonction constitue un danger. Les scientifiques sont incités à sortir un article après l’autre, pour progresser dans leur carrière ou décrocher des financements. Or, il est impossible de produire une recherche originale et approfondie par mois !
Un peu plus tard dans l’entretien, le professeur a pris un peu de recul historique en exposant la manière dont le plagiat fait partie des objets traités par sa discipline.
Cette question résonne de manière particulière chez les chercheurs en sciences des religions. En effet, l’érudit français Pierre Daniel Huet (1630-1721) a proposé une « théorie du plagiat », en cristallisant une idée qui était « dans l’air » à la fin du XVIIe siècle. De manière simple, elle consiste à affirmer que toute religion n’est que la reformulation de religions antérieures. Bien entendu, son auteur l’énonce à des fins apologétiques. Les Egyptiens, les Romains et leurs successeurs n’auraient fait qu’imiter la religion de Moïse, considérée comme originale. En fait, la tradition chrétienne n‘est pas du tout unitaire : elle est issue d’un syncrétisme, d’une convergence de cultures religieuses méditerranéennes.
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