À ceux qui estiment qu’il est plus intéressant d’explorer des grottes ou de parcourir les forêts à la recherche de plantes spécifiques que de rester assis à son bureau, Bart Steen répondra que non. En toute humilité, il rétorquera, non sans une courtoise assurance, que selon lui, ils se trompent. Son laboratoire, c’est un bureau partagé avec trois autres collègues au troisième étage du bâtiment Géopolis. De son poste, il tourne le dos à la grande fenêtre qui donne sur l’autoroute, et son quotidien, cet amoureux de la nature le consacre à taper sur les touches de son ordinateur, en faisant intensément chauffer ses neurones. Ses expériences scientifiques à lui, elles se concrétisent sous forme de code informatique. Du code, beaucoup de code, et encore du code.
Chasse aux invahisseurs
Depuis 2021, Bart Steen est doctorant au sein du groupe de recherche d’Écologie Spatiale (Ecospat) de l’Institut des dynamiques de la surface terrestre (IDYST) de la Faculté des géosciences et de l’environnement. Il y mène, en cotutelle avec l’Université La Sapienza de Rome, une thèse en géo information sur la modélisation spatiale des espèces exotiques envahissantes, telle que la Berce de Caucase. Concrètement? Il élabore un modèle mathématique pour créer des cartes – déjà bien abouties pour l’heure – qui montrent la distribution de ces plantes dans le présent et qui prédisent leurs emplacements futurs. À terme, sa recherche devrait aider, il l’espère, les gestionnaires de terrain des aires naturelles qui ont la charge de retirer ces espèces. «Je développe ces cartes pour aider ceux qui ont les pieds dans la boue, pour les orienter sur les zones où les efforts valent réellement la peine d’être déployés.»
Après quelques années de recherche sur le terrain aux Pays-Bas, d’abord durant son master, puis comme écologue, Bart Steen ressent une forme de frustration due au manque d’applicabilité pratique des études auxquelles il participe. «Je me demandais sans cesse quelle serait l’utilité réelle des données récoltées.» Porté depuis enfant par un fort besoin de concret, le jeune homme a l’impression d’accumuler des connaissances… dans le vide. «Lorsqu’on fait du terrain, c’est fantastique, reconnaît-il. On visite de nouveaux endroits, on essaie des nouvelles méthodes, on est curieux chaque jour de ce que l’on va trouver, puis impatient d’analyser les résultats. Mais cette partie dure généralement peu de temps. Au retour, le processus d’analyse devient vite répétitif.» De la stimulation, il en trouve aujourd’hui bien plus à travers son doctorat. Se pencher chaque jour sur des lignes de codes informatiques, répond parfaitement à sa quête de sens. «Cela peut paraître paradoxal, mais m’asseoir devant un ordinateur me semble moins ennuyeux que faire du terrain. On prend, on gère et on assimile des données tirées de différentes études pour construire quelque chose que l’on pourra utiliser ensuite. J’ai l’impression que c’est un peu comme travailler sur un livre. Plus on écrit, meilleur ça devient.»
L’environnement avant tout!
Et «construire quelque chose dont l’impact sera concret» l’aide aussi à faire face aux aléas de la recherche. «Cela me permet de prendre du recul, confie-t-il. Car l’important, ce n’est pas que mon projet de doctorat aille bien, ce qui compte c’est son utilité pour l’environnement. Alors, si je découvre une erreur qui détruit des mois de travail, en fait… c’est véritablement une chance.»