Et si les romans de Michel Houellebecq n’étaient pas si faciles à lire? Un ouvrage récent, composé d’une série de brefs essais, illustre ce doute en mettant l’accent sur la question des «voix» que perçoivent les lecteurs.
Clairvoyant? Repoussant? Il est difficile d’échapper au débat pour/contre lorsque le nom de Michel Houellebecq surgit dans une conversation. Sans prendre parti, Lire Houellebecq. Essais de critique polyphonique traite de sujets d’un autre ordre, en lien avec la lecture des romans de l’écrivain français. Par exemple, leur lisibilité.
Écriture transparente
Cette préoccupation paraît étrange, puisque «son écriture est généralement considérée comme transparente, facilitant l’immersion et la lecture référentielle», ainsi que le note Raphaël Baroni, professeur associé en Faculté des lettres. Le brouillage provient des controverses qui entourent la sortie de la plupart de ses livres, des passages triviaux ou pornographiques qui s’y trouvent, autant d’éléments suscitant le rejet d’une partie du lectorat.
L’instrumentation politique de Soumission, dont la sortie le 7 janvier 2015 coïncide avec une série d’attentats islamistes, dont celui contre Charlie Hebdo, a joué un rôle. En prime, par le passé, certaines interventions médiatiques de Michel Houellebecq n’ont guère clarifié la réception de son œuvre.
Qui parle?
Comment différencier la voix de l’auteur de celles de ses personnages? Cette question hante bien des lecteurs et certains journalistes, à l’image de David Pujadas, dont un échange révélateur avec Michel Houellebecq est reproduit dans l’ouvrage de Raphaël Baroni. En l’occurrence, le présentateur de France 2 veut absolument faire dire au romancier qu’il approuve les idées et les actions du personnage principal de Soumission. Inutile de préciser que le principal intéressé se défend assez mal.
La carte et le territoire, paru en 2010, comporte des aspects autofictionnels. Michel Houellebecq se met lui-même en scène dans le texte, ce qui ajoute une certaine complexité à la lecture. Qui parle? Cité en exergue d’un chapitre de Lire Houellebecq, cet extrait d’un e-mail envoyé par l’écrivain à Raphaël Baroni en 2017, illustre cet aspect: «Ce qu’on oublie de considérer, c’est qu’il est bien possible que l’auteur, après tout, ne sache pas lui-même ce qu’il pense, sur bien des sujets.»
Peut-être qu’il faut s’intéresser à Présence humaine, un disque sorti en 2000 avec la collaboration du musicien Bertrand Burgalat, pour discerner une autre mélodie: «Houellebecq apparaît là où on ne l’attend pas; il fournit une prestation qui ne lui vaut pas le journal de 20 heures […] Houellebecq non soluble dans lui-même.»