
Son doctorat en sciences de l’Antiquité en poche depuis janvier, Vasiliki Kondylaki est la toute première lauréate de la nouvelle bourse postdoctorale de la Société académique vaudoise (SAV). Destinée à financer des recherches d’au moins six mois dans une alma mater étrangère, cette récompense lui permettra de poursuivre ses travaux à l’Université de Bordeaux, pour un an et demi.
La chercheuse n’a pas choisi cette institution par hasard: depuis 2023, elle est la première de France à disposer d’une chaire en médecine narrative, discipline à laquelle Vasiliki a choisi de se consacrer. Née au début du XXIe siècle, elle invite soignantes et soignants à intégrer le récit que patientes et patients livrent à la prise en charge de leur maladie. Une approche qui n’a rien d’anecdotique: «Les métaphores utilisées pour évoquer la maladie sont souvent infusées d’un vocabulaire guerrier et véhiculent une vision très masculiniste: on se bat contre une épidémie ou un cancer, par exemple. Cela sous-entend que si celui-ci progresse, c’est signe que l’on ne s’engage pas suffisamment dans cette bataille. Or, on pourrait envisager ce rapport comme un voyage.»
À la croisée des sciences et des humanités, cette approche reflète les centres d’intérêt de Vasiliki Kondylaki. Passionnée de littérature, elle a toujours aimé enseigner et s’intéresse depuis longtemps à la psychologie. Elle a cependant opté pour des études en Lettres classiques à l’Université d’Athènes, dans sa Grèce natale. À la fin de son bachelor, un stage dans une grande banque lui ouvre une voie toute tracée. Vasiliki préfère emprunter un chemin de traverse: «Je suis partie faire mon master en Suisse. Vivre à l’étranger me semblait une expérience importante.» Après sa maîtrise, où elle étudie la représentation du deuil dans L’Iliade, elle choisit de poursuivre ses recherches.
Sa thèse, menée sous la double houlette de David Bouvier, professeur honoraire à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité de la Faculté des lettres de l’Unil, et de Vincent Barras, professeur honoraire à l’Institut des humanités en médecine au CHUV, marque un tournant dans son parcours. Elle y explore la poétique de la douleur à travers la figure d’Achille, toujours dans L’Iliade: «La littérature grecque, par son caractère à la fois familier et lointain, permet de repenser la souffrance aujourd’hui», explique-t-elle. Les récits antiques ont un atout particulier: leur portée mythique et historique offre un cadre propice à une réflexion critique utile à la médecine narrative. C’est l’une des hypothèses qu’elle testera à Bordeaux, où des professionnels de santé liront des extraits d’épopée, de tragédie et de littérature contemporaine, cette dernière servant de condition de contrôle. Une manière aussi de démontrer que les études classiques résonnent avec les débats actuels sur la santé.
À son retour en Suisse, Vasiliki espère contribuer à ce que la médecine narrative se fraye un chemin dans les cursus médicaux helvètes.
1) L’lliade comme performance de la souffrance d’Achille: entre conjectures sur la réception antique et perspectives en humanités médicales contemporaines. Via serval.unil.ch
