Les transhumanistes rêvent d’une humanité libérée des contraintes biologiques. Un essai et une exposition mettent en lumière les questions souterraines que ce désir prométhéen nous pose.
Tel que livré par la Nature, l’être humain n’est qu’un brouillon. Mais ouf! grâce aux avancées de l’informatique, de la médecine et de la génétique, ce tas de cellules péclotant va être perfectionné, doté de facultés supérieures et débarrassé des menues contrariétés dues à la biologie, comme les maladies et la mort. Dans une optique darwinienne, cette amélioration permettra aux êtres humains de rester dans la course face aux intelligences artificielles, dont les cartes-mères complotent notre éradication.
Soutenu par les grandes fortunes de la Silicon Valley, promu sérieusement par plusieurs conférences TED, le mouvement transhumaniste a acquis une grande visibilité. Il suscite d’interminables et stériles débats «Pour/Contre» depuis des années. Afin d’échapper à cette dichotomie, l’exposition «Corps-concept» – proposée par la Maison d’Ailleurs d’Yverdon-les-Bains jusqu’au 19 novembre – pose des questions plus fondamentales: «Que pensons-nous de notre corps? Comment est-il perçu dans notre société? L’aimons-nous vraiment? Est-il une marchandise? Un objet réparable?»
Les visiteurs peuvent prolonger leurs réflexions grâce à un petit livre rose et argent, le 8e de la série «Les Collections de la Maison d’Ailleurs». Les deux essais qui le composent s’appuient sur les trésors conservés par le musée. Ils sont de la plume de Marc Atallah, chercheur à l’UNIL et directeur de l’institution, ainsi que de son conservateur, Frédéric Jaccaud.
Malgré sa capacité à se vêtir sans cesse de neuf, le transhumanisme a été largement exploré, exploité, critiqué et détourné par la fiction, depuis des décennies. Le texte prend un exemple tout à fait original, avec la franchise 80s des «Maîtres de l’univers» (Si si, Musclor et Squeletor). Ces figurines standardisées, sorties du même moule, arborent des carrures de body-builders. Leurs physiques puissants et conquérants, symboles de bien-être, circulaient chez les enfants. Ils collaient parfaitement à la décennie Reagan & Thatcher.
Avec le cyberpunk et plus récemment Avatar, une étape supplémentaire est franchie. Le corps tuné par les implants et bourré de stimulants demeure trop matériel et donc soumis à des aléas. Pourquoi ne pas le faire disparaître, tout en préservant «l’esprit» ou «la personnalité» dans les réseaux numériques? En prime, ce départ vers le virtuel offre l’immortalité… du moins tant que personne n’a l’idée stupide de passer les disques durs à l’anti-virus.
Le posthumain. Par Marc Atallah et Frédéric Jaccaud. Les Editions ActuSF et la Maison d’Ailleurs (2017), 95 p.