Collaborateur au Service d’orientation et carrières de l’UNIL, Orlan Moret nous emmène dans le monde des hockeyeurs suisses des Ligues nationales A et B. Fruit de sa thèse, cet ouvrage est consacré à leurs carrières, depuis l’engagement dans ce sport durant la jeunesse, jusqu’à la sortie de la compétition.
L’auteur, qui a joué deux saisons en Ligue B, a rassemblé un matériau impressionnant, soit 605 questionnaires biographiques et 45 entretiens semi-directifs menés avec d’anciens joueurs. Nés entre 1963 et 1992, ces derniers ont été classés par le chercheur en trois catégories: aînés, benjamins et cadets, afin de mieux mesurer les évolutions au cours du temps. Émaillé de citations de joueurs interrogés – «le hockey c’est un jeu magnifique, ça va vite, y’a de l’engagement, de l’intensité, moi ça m’a tout de suite plu» – le texte propose le portrait socio-démographique d’une population fort peu étudiée. L’auteur l’affine en développant quatre profils: des «recalés» (deux saisons en ligne nationale en moyenne) aux «élites» (18 saisons et plus), en passant par les «précaires» et les «confirmés».
Dans l’un des chapitres consacrés à «l’après», Orlan Moret indique que «les hockeyeurs gagnent en moyenne davantage que la population suisse correspondante, l’écart ne faisant même qu’augmenter avec l’âge […] Ces résultats permettent de formuler l’hypothèse d’une reconnaissance du passé sportif comme un capital.» Un joueur «élite» de LNA – diplômé en économie – avait pour stratégie de filer dans la loge VIP après les matches pour signer des autographes aux «gars importants de la place financière», mais en échange de leurs cartes de visite! Il faut toutefois nuancer, car «les passés sportifs ne jouissent pas tous de la même reconnaissance» et d’autres ont connu bien davantage de difficultés. / David Spring
«Surtout qu’on ne va rien garder»
Dans le silence d’une bâtisse fatiguée du Périgord, deux sœurs trient les livres et les disques, nettoient la cuisine et jettent les produits périmés du frigo. Le temps de quelques jours de novembre, Agathe et Véra se sont retrouvées pour vider la maison de leur père décédé. La première est partie de l’autre côté de l’Atlantique à ses 15 ans, tandis que la cadette, aphasique, est restée. Au fil des jours et des rangements, les souvenirs d’enfance refont surface.
Avec beaucoup de finesse, Elisa Shua Dusapin décrit le lien qui se recrée entre les deux femmes, ainsi que leurs moments de tension. Certaines scènes sonnent très justes, notamment à qui s’est déjà livré à cet exercice, comme les repas improvisés dans le désordre de lieux qui se vident, l’incontournable visite à la décharge ou la dernière nuit de demi-insomnie passée dans une maison promise à la démolition. /DS
Tanner, cinéaste dans son temps
Si la filmographie d’Alain Tanner a accompagné votre jeunesse, cette monographie d’Alain Boillat ressuscitera des souvenirs émouvants. Et si son nom résonne avec celui de vos parents, ce sera l’occasion de parcourir une œuvre qui, tout en étant très suisse, a bénéficié d’une reconnaissance internationale exceptionnelle dans les années 70 et 80. Du Genevois Alain Tanner (1929-2022), et parmi dix-neuf longs métrages de fiction, beaucoup citeront en priorité La Salamandre et Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000. Des histoires de gens «normaux» confrontés à un monde qui change, déroute ou déçoit. Une certaine conception du cinéma également, caractérisée par sa rigueur formelle et des choix stylistiques particuliers comme les plans longs, presque autosuffisants. Analysant le parcours du cinéaste, Alain Boillat souligne aussi que ses fictions, souvent traversées par l’errance, sont toujours ancrées dans le présent et s’organisent en fonction d’un récit strictement chronologique. Il rappelle enfin que Tanner «incarne un cinéma d’auteur qu’aucune compromission ne peut conduire à déroger aux principes théoriques qu’il s’est fixés». /MD