Écrire dans la clarté des Lumières

Isabelle de Montolieu (1751-1832). Pastel anonyme de la femme de lettres vaudoise, 1770. Miniature. Coll. du Musée historique de Lausanne. Photo?: atelier de numérisation de la Ville.

François Rosset nous emmène dans «L’enclos des Lumières», un essai au sujet de la littérature en Suisse romande au XVIIIe siècle.

Si l’on vous dit XVIIIe siècle, littérature et Suisse romande, vous pensez bien entendu Rousseau, Isabelle de Charrière, Germaine de Staël, Isabelle de Montolieu ou Benjamin Constant. Difficile toutefois d’aller plus loin. Or, la vie littéraire «romande» au Siècle des Lumières est beaucoup plus vaste et riche. A condition toutefois, comme nous y engage François Rosset dans son ouvrage L’enclos des Lumières, d’abandonner le terme d’écrivain pour celui d’écrivant et de s’intéresser aux acteurs de la vie culturelle autant qu’aux auteurs. Professeur de littérature française à l’Université de Lausanne, spécialiste du XVIIIe siècle, François Rosset s’appuie notamment pour son analyse sur les règlements de la Société littéraire de Lausanne qui stipule que ses membres se proposent de «s’occuper de concert de la recherche du vrai dans tout ce qui est du ressort de la philosophie spéculative et morale, des belles lettres et des beaux-arts».

Canular et paradoxe

D’une plume alerte et pleine d’humour, l’auteur se penche ensuite sur la production parfois pittoresque de ces «auteurs prolifiques de discours, de traités et d’articles divers, de correspondances souvent très étendues, de livres de raison ou autres formes de notes personnelles, de recueils de citations, de réflexions, de petits récits et même parfois de pièces pour le théâtre de société». Certains ne se sont illustrés dans les lettres qu’en passant, ou par hasard, mais avec talent comme le colonel et conseiller d’Etat neuchâtelois Abram de Pury, auteur d’un des plus fameux canulars de l’historiographie suisse. D’autres furent des écrivains à part entière mais sont tombés dans l’oubli à l’instar de François Vernes, auteur entre autres d’un curieux poème pastoral-épique intitulé La Franciade.

Au fil de dix chapitres, l’auteur passe en revue différents aspects de la vie littéraire romande. Il s’arrête sur le cas paradoxal du célèbre docteur Samuel Auguste Tissot, «écrivain malgré lui» connu pour ses écrits sur l’onanisme et son livre De la santé des gens de lettres. Il se penche également sur L’écriture de soi, un besoin de raconter sa vie que l’on retrouve à tous les échelons de la société. Le militaire et magistrat François Pierre Frédéric de Diesbach s’y est montré particulièrement prolixe. Il a laissé quatorze volumes de journaux personnels, soit près de 5000 pages. Même sa mort est intégrée dans cette chronique d’une vie grâce à l’ajout bienveillant d’un neveu. / Mireille Descombes

L’enclos des Lumières. Essai sur la culture littéraire en Suisse Romande au XVIIIe siècle. Par François Rosset. Georg, 272 p.

 

Laisser un commentaire