De juin 2016 à novembre 2022, Aurélie Netz s’est entretenue avec neuf femmes atteintes de maladies chroniques. Cette anthropologue, titulaire d’un master en sciences sociales à l’UNIL, a exploré leur recours à des thérapies et pratiques alternatives ainsi qu’à la spiritualité dans leur parcours de guérison. Un choix qu’elles n’ont pas effectué par hasard: la médecine conventionnelle se montrait incapable d’apaiser voire de reconnaître leurs souffrances, qu’elles soient liées à de l’endométriose ou à un trouble bipolaire.
Leur quête d’un mieux-être physique, émotionnel et spirituel les a donc emmenées sur des chemins de traverse telles la méditation, la prière, différentes formes de voyage intérieur, l’écriture intuitive ou encore la consultation de personnes pratiquant le «secret».
Ces neuf témoignages démontrent la puissance de la narration dans leur parcours de guérison. Dans les thérapies alternatives, l’échange verbal – mettre les maux en mots – est central: «Pour la cliente, énoncer sa maladie, sa souffrance est une expérience inédite qui l’amène à développer un récit, à raconter le comment qui ouvre déjà sur le pourquoi. Un récit qui permet de sortir du “ rien ” de certains médecins, de la somatisation de l’approche psychanalytique», analyse Aurélie Netz dans son livre. Dire le mal, en somme c’est le faire entrer dans une dimension sur laquelle on peut agir par le geste et la parole. En apprenant à (se) dire et à formaliser ce dont elle souffre, la patiente tisse une histoire qui modifie tout à la fois sa perception d’elle-même et du monde. Cette narration donne aussi un sens à la maladie.
En transcendant leur expérience douloureuse, ces femmes se réapproprient leur pouvoir symbolique et réel. Et intégrer les limites que leur impose la maladie chronique va leur permettre de reprendre les rênes de leur existence.
Le travail anthropologique effectué par la chercheuse prolonge en quelque sorte ce chemin. Lors des discussions, ses neuf interlocutrices ont partagé les récits qu’elles avaient élaborés en amont, durant leurs séances avec les psychiatres et psychologues, les médecins et les thérapeutes. Ce faisant, elles ont continué à tisser le fil de ce récit qui les mène à la (re)conquête de leur unité. /SU
Vous aimez Catherine Colomb, mais n’avez pas envie d’investir dans ses œuvres complètes parues en 2019 aux Éditions Zoé? La publication en poche, avec une préface inédite d’Anne-Lise Delacrétaz, de Les esprits de la terre va vous ravir. Ce roman fascinant met en scène une famille de propriétaires terriens en proie à divers tourments et querelles. On y retrouve l’univers envoûtant et l’écriture novatrice de l’immense écrivaine vaudoise, son goût pour l’alternance des registres et des tons, sa façon particulière de jouer avec la chronologie, les anticipations et les redites. Un régal. /MD
Notice sur le site LabeLettres
«Est-ce qu’un pays est bien gouverné quand il est bien administré?» La question que pose C. F. Ramuz au sujet du canton de Vaud figure dans Conformisme. Cet article joliment féroce est paru en janvier 1931 dans la revue lausannoise Aujourd’hui. Il illustre la manière dont l’écrivain a endossé le rôle de chroniqueur pour la presse. Dans l’introduction, Daniele Maggetti et Stéphane Pétermann, chercheurs au Centre des littératures en Suisse romande (Faculté des lettres), développent justement le «rapport décalé» que l’écrivain entretenait avec l’actualité. /DS
Notice sur le site LabeLettres
Dans son titre même, ce petit livre du Groupe π qui réunit enseignants et chercheurs de différentes facultés de l’UNIL – livre sans ambiguïté son programme. Cerner, dire, explorer L’impossible normalité. Mais de quelle normalité parle-t-on? Quelle normalité recherche-t-on? À partir des réalités de l’autisme, et sur une proposition de Fabienne Giuliani, psychothérapeute, la publication interroge la différence entre normalité et normalisation avant de déplorer que, souvent, la norme mène au conformisme, à la simplification, à l’uniformité. Bref que «la normalité endort, l’anormalité pose question». /MD
Cet ouvrage est né de la rencontre entre quinze productions alcoolisées romandes et autant d’auteurs. Ces derniers ont eu pour mission de goûter l’une des boissons et de rédiger un texte de quelques pages dans la foulée, sur le mode des accords entre les vins et les mets. Chercheur à l’UNIL, le socio-anthropologue Alexandre Grandjean raconte par exemple la manière dont il s’est découvert un totem, lors d’une discussion avec une amie. Ce fétiche est… un cépage, le chasselas, ce qui n’est peut-être qu’une demi-surprise dans le cas d’un Vaudois. /DS
En octobre 2021, 136 pays ont convenu de mettre en œuvre une taxation minimale des bénéfices des multinationales à 15 %. Chef d’orchestre de cet accord, Pascal Saint-Amans raconte l’histoire de la mise au pas des paradis fiscaux. Le professeur titulaire au sein de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique consacre également des pages intéressantes à la bataille livrée contre le secret bancaire suisse. Le sujet est parfois technique, mais l’auteur utilise le ton du polar et recourt à des anecdotes personnelles pour le rendre accessible. /DS