Toutes les zones du cerveau ne dorment pas de la même manière. Deux chercheuses de l’UNIL ont montré le rôle que joue le noyau réticulaire thalamique dans cette variabilité.
Le sommeil est beaucoup plus complexe qu’on le pensait jusqu’ici. Loin d’être un état statique, «il présente une grande variabilité temporelle et spatiale», souligne Anita Lüthi, professeure associée au Département des neurosciences fondamentales (DNF) de l’UNIL. Non seulement il fluctue au fil des heures, mais il varie aussi d’une région du cerveau à l’autre – toutes ne dorment pas de la même manière. Le sommeil est un phénomène local ou, comme le dit Laura Fernandez, chargée de recherche au DNF, «il se présente sous forme de poches».
Un noyau en forme de coquille
Les chercheuses ont découvert l’un des chefs d’orchestre de ces sommeils locaux. Elles ont constaté que tous sont gérés par une même structure cérébrale, le noyau réticulaire thalamique (TRN, selon son acronyme anglais). Il s’agit «d’une enveloppe fine en forme de coquille qui recouvre le thalamus, explique Laura Fernandez. On dit souvent que le thalamus est la porte du cerveau, car il reçoit toutes les informations venant de l’environnement. Dans ce cadre, le TRN est le gardien de la porte.»
Ce noyau est lui-même organisé en poches, ou secteurs, qui correspondent à chaque type de grande fonction cérébrale (l’audition, la vue, le toucher, mais aussi les émotions, les fonctions cognitives, etc.). «Chacun de ces secteurs a une activité spécifique, ce qui permet de générer des types d’oscillations différentes pour chaque fonction cérébrale. C’est cela qui rend le sommeil hétérogène.» C’est donc ce noyau qui est responsable du fait que, dans certaines régions cérébrales, il y a plus d’ondes delta (qui apparaissent quand on est fatigué et qui rendent donc le sommeil réparateur) ou au contraire plus de fuseaux du sommeil (ondes liées à l’apprentissage, à la mémoire, etc.).
Pour mettre au jour son rôle, les chercheuses ont d’abord utilisé des souris génétiquement modifiées. «Nous avons inhibé l’activité du noyau TRN et nous avons constaté que le sommeil devenait global, homogène, explique Anita Lüthi. Puis, à l’aide des techniques les plus modernes utilisées en neurosciences, notamment de la chemogénétique (qui allie chimie et génétique), nous avons manipulé directement l’activité locale du TRN. Nous avons reproduit ce même comportement et perturbé le sommeil local dans le cortex.»
Alléger les mauvais souvenirs
Il est donc possible de modifier les cellules de ce noyau et d’influencer ainsi toute une zone du cortex cérébral. Vu sous cet angle, le sommeil pourrait devenir un outil thérapeutique. Par exemple dans le cas de stress post-traumatique. «En intervenant sur les zones cérébrales qui sont concernées par l’expérience douloureuse que ces personnes ont vécue, on pourrait prévenir la mémorisation de leurs mauvais souvenirs, ou alléger ces derniers», suggère Laura Fernandez.
De la même manière, il semble envisageable «d’effacer un apprentissage, ou au contraire de l’améliorer en boostant le sommeil, selon Anita Lüthi. Cela paraît de la science-fiction, mais notre étude montre que c’est à portée de main.»
Article principal: Comment notre cerveau fabrique les rêves