«Mes amis». C’est ainsi que le coronavirus s’adresse à nous dans cet ouvrage publié à l’occasion des Mystères de l’UNIL 2023. Le texte a pour particularité d’être raconté à la première personne par l’agent infectieux en personne, qui adopte le ton paisiblement ironique sans doute propre aux êtres d’une abyssale antiquité.
Après avoir été scruté, c’est le virus qui à son tour se documente à notre sujet. Il explore différents domaines de la connaissance (médecine, sciences des religions ou sciences sociales, entre autres), sur la base de recherches menées à l’UNIL. La créature convoque Sylvain Tesson et Bruno Latour, auteur de cette citation: «Le virus n’est pas arrivé chez nous, nous sommes chez lui.»
Cela permet au virus d’aborder la crise écologique. Les humains se gargarisent de la «transition écologique», lente par nature, «alors que notre biosphère commune est aujourd’hui la victime d’une rupture fondamentale et que votre espèce, comme chacun de ses individus, devrait lutter contre ses causes en redéfinissant ses approches quotidiennes du vivant, par exemple»./ DS
Christophe Gallaz en entretien vidéo au sujet de son ouvrage
La gymnastique ciment des nations
Dans le dernier tiers du XIXe siècle, l’Europe entière, du nord au sud, se couvre de salles de gymnastique. S’il n’a rien de concerté, ce mouvement obéit à un même souci de façonner les corps et, au-delà, la notion même de nation. Ouvrage collectif piloté depuis l’Université de Lausanne, «La fabrique des corps nationaux» interroge, dans toute sa complexité, l’institutionnalisation de l’éducation physique en Suisse et en Europe entre le XIXe et le XXIe siècle. Il relève notamment que ce processus se fait en trois temps, l’éducation physique bénéficiant d’abord de l’essor du développement scolaire et d’une légitimité transmise par l’institution militaire – et plus largement par les guerres. Dans la première moitié du XXe siècle, il se fond ensuite dans le développement des sports en général avant d’être durablement influencé, dans les années 70-90, par «les dynamiques de l’universitarisation des sciences du sport». /MD
Déchiffrer la mort de Jésus
Horreur, effroi, aucun mot n’est trop fort pour qualifier la mort de Jésus sur la croix. Qu’un homme meure fait partie de sa condition, mais que le fils de Dieu connaisse le même sort, dans des circonstances infamantes, ressemble à un désaveu de la toute-puissance divine. À l’occasion d’un cours public organisé par la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’UNIL, des spécialistes des Université de Lausanne et Genève se sont penchés sur l’histoire de la réception de cet événement fondateur. Leurs contributions sont réunies dans un ouvrage au titre coup de poing: «Scandale ou salut? Comment comprendre la mort de Jésus». La question est en partie rhétorique, on s’en doute. Y répondre de façon univoque n’est en effet guère possible d’autant que le Christ n’avait pas lui-même «programmé le déchiffrement de sa mort». Les interprétations qui se sont succédé au fil des siècles s’ancrent en outre dans des contextes culturels très différents et bien spécifiques. L’une des plus fameuses, celle de la mort altruiste – le Christ mourant pour nous ou pour racheter nos péchés – s’enracine ainsi dans la culture grecque de l’amitié. Quant au motif du rachat, comme l’écrivent Frédéric Amsler et Simon Butticaz dans l’introduction, il «n’est pas dérivé de la pratique sacrificielle juive, mais de l’univers gréco-romain de l’esclavage».
Passant de l’Évangile selon Thomas au Coran, le lecteur découvre ensuite qu’il existe, dans le christianisme des quatre premiers siècles, un courant de pensée dans lequel la mort de Jésus et sa résurrection sont «remarquablement absentes». Faire d’un événement négatif un événement positif sera tout un travail. Un travail «opéré par la théologie de la croix»./ Mireille Descombes