A l’aide d’un de ces micro-organismes, Winship Herr, chercheur au Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL, a réussi à décrypter certains rouages qui rendent les cellules cancéreuses. Explications.
Le virus de l’Herpès simplex est généralement connu pour provoquer des aphtes autour de la bouche et des boutons de fièvre. Mais il s’est aussi révélé avoir un tout autre rôle, bénéfique cette fois: il a permis à Winship Herr, chercheur au Centre intégratif de génomique (CIG) de l’UNIL, de décrypter certains rouages qui rendent les cellules cancéreuses.
Au départ, le biologiste américain avoue qu’il «ne s’intéressait pas vraiment aux virus». Tout a changé lorsqu’il a travaillé au prestigieux institut de recherches Cold Spring Harbor Laboratory, à New-York, dans l’équipe de Jim Watson – celui-là même qui, avec son collègue britannique Francis Crick, a découvert la structure en double hélice de l’ADN.
Ce scientifique de renom ayant décidé d’utiliser les virus pour mieux comprendre le développement du cancer, Winship Herr lui a emboîté le pas. Aujourd’hui, il ne le regrette pas et il ne cache pas son «enthousiasme» pour les recherches utilisant les virus.
Les protéines sortent du bois
Lorsqu’on lui demande ce qu’il trouve de si séduisant dans ces micro-organismes, le biologiste répond par une image: «Représentez-vous marchant dans une forêt: tout est calme, rien ne bouge. Mais, si, tout à coup, vous faites du bruit, tous les animaux sortent des arbres ou des buissons et vous pouvez alors les observer.»
Les virus font la même chose dans la cellule qu’ils ont infectée: ils servent de révélateurs. «Il est difficile de différencier les protéines qui participent au fonctionnement de la cellule et de connaître leur rôle.»
La présence d’un virus modifie l’ordonnancement habituel: «Certaines protéines changent de position, d’autres se lient aux protéines du virus.» Elles «sortent du bois» en quelque sorte, ce qui pe met aux chercheurs de mieux les étudier.
C’est cette technique qu’a adoptée Winship Herr, d’abord aux Etats-Unis puis au CIG où il travaille actuellement. Il utilise le virus Herpès simplex pour étudier les mécanismes de la réplication cellulaire.
Pousser la cellule à se répliquer
Ce processus est à l’origine de la vie: c’est lui qui permet aux toutes premières cellules de l’embryon de se diviser, de se multiplier et de se différencier, pour produire tous les organes et tissus qui constituent notre corps. Cette prolifération doit toutefois rester sous contrôle et, une fois l’organisme «fabriqué», la plupart des cellules cessent de proliférer. Dans le cas inverse, elles le font de manière anarchique et deviennent cancéreuses.
De son côté, le virus qui a pénétré dans une cellule compte sur elle pour se développer; il n’a donc aucun intérêt à ce qu’elle meure sous l’effet de l’infection. Sa tâche consiste à se servir des protéines cellulaires pour inciter son hôte à entrer à nouveau dans une phase de multiplication.
Pour ce faire, on savait que le virus Herpès simplex ciblait une protéine cellulaire nommée HCF-1, mais la fonction de cette dernière restait mystérieuse. Jusqu’à ce que Winship Herr y regarde de plus près et décrive en détail les mécanismes qui permettent à cette HCF-1 de recruter d’autres protéines de la cellule, notamment MLL impliquée dans la leucémie infantile, pour finalement activer la réplication.
Le précédent du Glivec
Quelles implications peuvent avoir des recherches de ce type qui restent, malgré tout, très fondamentales? En réponse à cette question, le biologiste reste prudent. «Je ne détiens pas la solution pour lutter contre les cancers. Toutefois, si l’on trouvait un moyen d’inhiber la fonction de la protéine HCF-1, on pourrait éviter le développement de certaines de ces maladies.»
Le virus Herpès simplex serait alors à l’origine de nouveaux traitements anti- cancéreux. On n’en est pas là, mais il est permis d’espérer lorsque l’on sait que la mise au point du Glivec de Novartis, un médicament très efficace contre certaines formes de leucémie, a pu être effectuée en partie grâce à des mécanismes intracellulaires découverts à l’aide d’un rétrovirus.
Elisabeth Gordon