La culture populaire nous raconte bien des choses sur Arthur de Bretagne, célèbre porteur d’Excalibur, l’épée des dieux, et ami de l’enchanteur Merlin. Allez savoir ! démêle le vrai du faux avant la sortie cet été sur grand écran du premier volet cinématographique de la saga Kaamelott.
L’un des plus légendaires rois de Bretagne pourrait bien connaître une nouvelle aventure sur grand écran cette année avec la sortie du premier volet cinématographique de Kaamelott, suite du succès télévisé signée Alexandre Astier, prévue le 21 juillet. Mais la série nous raconte-t-elle le souverain tel qu’il était décrit par les pères fondateurs des mythes et légendes arthuriennes ? Réponse en compagnie d’Alain Corbellari, professeur à la Section de français et codirecteur du Centre d’études médiévales et postmédiévales.
ARTHUR A VRAIMENT EXISTÉ
FAUX MAIS… > Kaamelott ne dit évidemment rien de l’existence réelle d’Arthur de Bretagne, mais continue bien de perpétuer le mythe, comme bon nombre de productions culturelles avant elle. Reste que la question d’un roi Arthur historique, en chair et en os donc, revient régulièrement sous le tapis, dirait Guenièvre version Astier. «Arthur tel que nous le présente la légende n’a pas existé, confirme Alain Corbellari. Mais des éléments historiques, comme la victoire des Celtes face aux Angles et aux Saxons au mont Badon en l’an 500 et une certaine gloire d’un chef militaire à cette époque, dont on ne connaît pas le nom, ont pu faire illusion pendant un moment.»
ARTHUR ÉTAIT LE BÂTARD DE PENDRAGON
VRAI > Dans un épisode en compagnie d’Ygerne de Tintagel, la mère d’Arthur raconte qu’Uther Pendragon, alors roi de Bretagne, a pris l’apparence du duc de Gorlais après avoir bu une potion de polymorphie. Résultat: la duchesse ne repousse pas celui qu’elle pense être son mari et donnera naissance quelque neuf mois plus tard à Arthur. «Cet événement est vrai au regard de la légende telle qu’elle est racontée dès les XIIe et XIIIe siècles. Cet épisode est notamment décrit dans le Merlin de Robert de Boron et ses suites, qui raconte la conception d’Arthur.»
LES DIEUX ONT PRÉFÉRÉ ARTHUR À LANCELOT
FAUX > Alexandre Astier laisse supposer que Lancelot, bras droit d’Arthur, était pressenti pour le trône de Bretagne, mais que les dieux auraient finalement choisi Arthur à ce poste à cause du mauvais caractère et des caprices de l’enfant Lancelot. «La légende arthurienne vient de l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, un évêque et historien gallois du XIIe siècle. Il s’agit d’une chronique des rois montrant qu’Arthur s’inscrit dans la lignée d’Uther Pendragon et de Vortigern avant lui». Aucune preuve donc que Lancelot aurait pu diriger le royaume de Logres, mais cela permet aux médiévistes de remettre l’église au milieu de la Bretagne. «Kaamelott essaie de retrouver une ambiance parfois préchrétienne de la légende arthurienne. Beaucoup d’épisodes dépeignent le christianisme comme une invention nouvelle et douteuse. Il y a cette idée que le monde arthurien est un monde païen dans lequel le christianisme commence à s’implanter. Or, les pays celtiques, en particulier l’Irlande, ont été christianisés très tôt, dès le Ve siècle. Si un Arthur historique avait dû exister, il aurait donc sans doute plutôt été du côté des chrétiens que des païens. Il y a quelque chose de biaisé dans Kaamelott au profit d’une culture celte dont on voudrait retrouver le paganisme primitif.»
ARTHUR ÉTAIT DÉPRESSIF
VRAI > Sans même parler de la tentative de suicide du roi en fin de saison 5, l’entier de la série Kaamelott montre un Arthur en proie au doute et entouré d’une belle brochette de semi bras-cassés, qui ne lui sont pas franchement d’un grand soutien dans sa quête du Graal. Sans compter encore que de sa propre bouche, le roi se décrit comme quelqu’un ayant une forte tendance à la dépression. « Il n’est pas constamment dépressif dans la littérature. Des romans nous montrent un Arthur jeune et entreprenant. Mais à partir du moment où il ne fait plus que gérer son domaine et n’être plus que la caution d’aventures arrivant à d’autres, un côté dépressif ou mélancolique apparaît chez Arthur», souligne Alain Corbellari. Un exemple? Au début du Conte du Graal de Chrétien de Troyes, Arthur se montre autant mélancolique que passif suite au vol d’une coupe en or. Au point que Perceval, pourtant pas le chevalier le plus réveillé dans la saga Kaamelott, tente de le faire se ressaisir.
ARTHUR A ÉTÉ ÉLEVÉ À ROME
FAUX > Afin d’éviter d’être tué par son père Uther Pendragon, apprenant que sa supercherie pour terminer dans la couche d’Ygerne a donné lieu à la naissance d’Arthur, sa mère le cache en premier lieu chez un paysan avant de l’envoyer en formation militaire de ses 6 à 20 ans. «Ce sont des restes de vieilles hypothèses liées au chevalier romain Artorius, qui quitte la Bretagne pour combattre en Armorique. Les théories romaines évoquées dans Kaamelott trouvent aussi peut-être leur origine avec Ambrosius Aurelianus, chef de guerre breton et prédécesseur de Vortigern, dont on pense parfois qu’il aurait apporté sa contribution à la création du personnage d’Arthur.»
ARTHUR ÉTAIT DÉJÀ MARIÉ LORSQU’IL A ÉPOUSÉ GUENIÈVRE
FAUX > Au cours de la saison 6 de Kaamelott, celle qui suit Arthur lors de sa formation militaire à Rome et avant qu’il ne devienne chef de guerre puis souverain, le futur roi de Bretagne tombe amoureux de la noble Aconia et finit par l’épouser. C’est d’ailleurs elle qui fait promettre à Arthur qu’il n’aurait aucun ébat avec une autre épouse s’il devait se remarier. Ce qui expliquerait pourquoi Arthur, dans Kaamelott, a toujours refusé de se prêter au devoir conjugal avec Guenièvre. Une romance qui ne tient évidemment pas la route dans la mesure où Arthur n’a en réalité pas été élevé à Rome.
ARTHUR ÉTAIT SURNOMMÉ LE SANGLIER DE CORNOUAILLES
VRAI > Lorsqu’on lui adresse des courriers, souvent pour le provoquer en duel, Arthur est aussi évoqué en tant que Sanglier de Cornouailles. Un surnom qu’il découvre par hasard dans Kaamelott et qu’il n’apprécie pas particulièrement. «C’est pourtant parfaitement vrai au XIIe siècle, comme on peut le lire dans les Prophéties de Merlin, de Geoffroy de Monmouth.» Après un échange pour le moins houleux avec Merlin et fâché d’apprendre dans Kaamelott que ce surnom lui a été donné par l’enchanteur, Arthur finit par attribuer lui aussi un surnom officiel à Merlin : Coco l’asticot. Une création pure d’Alexandre Astier et donc parfaitement erronée au regard de la littérature arthurienne.
ARTHUR A ÉTÉ TUÉ PAR SON FILS ILLÉGITIME
VRAI > Le décès d’Arthur ne survient pas (encore) au cours de la saga Kaamelott. En revanche, dans la bande originale du premier volet cinématographique, un titre, La Mor le Roy Artu, fait bel et bien référence à la triste fin d’Arthur de Bretagne. Laissant aussi supposer qu’Alexandre Astier pourrait bien faire mourir le roi. Arthur est en effet tué par Mordred, le fils incestueux qu’il a eu avec sa demi-sœur Anna de Tintagel, épouse de Loth d’Orcanie. « C’est conforme aux textes du XIIe et XIIIe siècle. Au cours de la campagne d’Arthur pour conquérir la Gaule, Mordred usurpe le pouvoir et tente de séduire Guenièvre. Arthur revient en catastrophe de Rome et sera mortellement blessé par Mordred lors de la bataille de Salesbières.» Un épisode narré dans La Mort du roi Arthur, un roman de XIIIe siècle dont on ne connaît pas l’auteur.