Un ouvrage élégant et accessible, dirigé par des chercheurs de l’UNIL, explore l’héritage du célèbre roman de Benjamin Constant. Un texte dont le succès se prolonge.
Publié en 1816, Adolphe raconte la passion tragique entre un jeune homme et Ellénore, qui va tout perdre par amour pour son séducteur. Le récit de l’effondrement progressif de la relation entre ces deux êtres a traversé avec succès les siècles, les continents, les modes et les cultures. C’est justement aux héritages du roman que se consacre un ouvrage récent et richement illustré, publié sous la direction de Léonard Burnand et Guillaume Poisson (Institut Benjamin Constant).
En quatre grands chapitres, le destin hors du commun d’un texte «vaudois» (au sens large du terme) est exploré. Adolphe, c’est une aventure amoureuse certes, mais également éditoriale. La naissance du roman, dont le manuscrit est conservé à la Bibliothèque cantonale et universitaire – Lausanne (BCU), est exposée.
Un chapitre est ensuite consacré aux illustrations dont le récit fait l’objet dès la seconde moitié du XIXe siècle. Certaines scènes, comme les amants en promenade ou la fin tragique de l’histoire, ont particulièrement inspiré l’imagination des artistes. Tour à tour charmantes, romantiques – bien sûr – et élégantes, ces œuvres ont contribué au succès d’Adolphe, que ce soit dans des éditions populaires ou pour bibliophiles.
Jalonnée de points-virgules et ponctuée de formules qui font mouche, l’écriture de Benjamin Constant représente un défi pour les traducteurs. Les premiers concernés traitent de cette question délicate dans un autre chapitre de l’ouvrage. L’occasion d’admirer les versions japonaise et persane du roman.
La filiation d’Adolphe comprend de nombreuses réécritures, de Balzac (La Muse du Département, 1843) à Chessex (L’imitation, 1998). Avec Ni toi ni moi (2006), Camille Laurens donne la parole à Ellénore, «délaissée par un homme qui ne l’aime pas». Autant de signes de la manière vigoureuse dont le bref texte de Benjamin Constant se joue du temps et de l’oubli.
Un dernier chapitre expose les adaptations du roman sur la scène, en bande dessinée et au cinéma (une réalisation de Benoît Jacquot avec Isabelle Adjani, 2002). Enfin, en guise de cadeau, une série de livres-objets ou de livres-sculptures créés par des artistes contemporains est présentée par Silvio Corsini, conservateur de la Réserve précieuse de la BCU. Comme l’exprime Léonard Burnand dans l’avant-propos, «Adolphe n’a pas épuisé sa remarquable capacité à se réinventer». / DS
Des Confidences pour évoquer, sur un mode personnel, une histoire collective énorme, celle d’un pays colonisé par l’Allemagne puis «confié» à la France et à l’Angleterre, le Cameroun. Le récit tissé par Max Lobe fait entendre la voix d’une ancêtre, Ma Maliga, en alternance avec l’expérience d’une immersion esquissée sur sa terre natale par l’écrivain genevois. Il ne se prive pas de critiquer l’état actuel de ce pays mais la part essentielle revient au passé, au sang versé par la France d’alors, et au combat pour l’indépendance d’un héros méconnu en Europe, Ruben Um Nyobè. / NR
Depuis 1945, la pratique sportive et la médecine ne cessent de dialoguer pour le meilleur (promotion de la santé, soins, entraînement) et parfois pour le pire (dopage, transformations corporelles). Codirigé par Grégory Quin, maître d’enseignement et de recherche en histoire et en pédagogie du sport à l’UNIL, cet ouvrage offre une compilation de regards de spécialistes, dont plusieurs chercheurs lausannois, sur la professionnalisation de la médecine du sport et la spécialisation des savoirs autour des activités physiques.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, nombreux furent les voyageurs russes à se rendre en Suisse. L’Association culturelle pour le voyage en Suisse consacre une grande partie de son bulletin n°18 à ce thème peu connu et passionnant. Le contenu est enrichi de recherches menées à l’Université Lomonossov de Moscou. Le plus célèbre de ces visiteurs fut le tsar Alexandre Ier (1777-1825), qui possédait un lien d’affection avec notre pays. Son précepteur n’était autre que Frédéric-César de La Harpe. Un délicieux chapitre de la revue est consacré aux préparatifs de la visite de l’empereur aux Vaudois, une rencontre qui n’eut finalement jamais lieu. / DS
www.levoyageensuisse.ch.
Chercheur à l’IDHEAP, Johann Dupuis s’intéresse aux politiques publiques en matière de gestion de l’environnement. Dans cet ouvrage scientifique, il traite de la notion d’adaptation au changement climatique, un discours apparu dans la dernière décennie. Outre un volet théorique, son texte comprend deux chapitres «de terrain», l’un en Inde et l’autre en Suisse. Dans notre pays, le tourisme hivernal est dépendant de l’enneigement et donc touché par le réchauffement. L’auteur s’intéresse aux stratégies d’adaptation, aux mesures prises et aux scénarios possibles. / DS
Chercheur en Section de français, Samuel Estier s’est intéressé aux controverses engendrées par le style de Michel Houellebecq. Si, comme l’a écrit ce dernier, «la platitude de la mer dissipe le désir de vivre», que dire de celle de son écriture? L’essai retrace les moments forts des débats littéraires, de 1998 (Les particules élémentaires) à 2010 (La carte et le territoire, Prix Goncourt). Bien entendu, la place de l’auteur dans la littérature contemporaine, sa posture et ses ambiguïtés sont abordées dans cet ouvrage bref mais riche. / DS
Les Vaudois ont bien de la chance. Ils peuvent désormais revisiter leur histoire en détail à la lumière des dernières recherches. En 560 pages élégamment illustrées, ils passeront de la préhistoire à nos jours, s’intéresseront aux premières traces du christianisme, découvriront comment Vaud se trouve un nom et apprendront qu’en matière d’architecture, les bâtisseurs du XVIIIe siècle préfèrent construire français. Avec 19 auteurs différents, cette Histoire vaudoise offre en outre une grande diversité de points de vue et de styles. Certains chapitres sont assez austères. D’autres, fluides, vivants et accessibles, séduisent immédiatement le lecteur.
«Les deux extrêmes de l’axe du temps ont connu de réels changements: la préhistoire et l’époque romaine ont perdu leur statut d’alibi en intégrant les recherches récentes et la période contemporaine, enfin traitée, couvre même les débuts du XXIe siècle dans les domaines politique, économique et culturel», relève François Jequier dans sa préface. Consacrée aux XIXe et XXe siècles, la dernière et quatrième partie du livre est effectivement riche en informations et en synthèses qui parfois résonnent de façon très actuelle.
Sous le titre «Vaud se confronte à la modernité», Pierre Jeanneret fait une place aux oubliés de l’histoire et rappelle que la dernière grande famine en Europe date de seulement deux cents ans. Il s’intéresse ensuite à l’essor des coopératives de production souvent nées au début du XXe siècle à la suite d’une grève et qui fournissent «du travail à des ouvriers licenciés et inscrits sur des “listes noires” patronales». Il évoque aussi l’espace emblématique représenté par «la Maison du peuple, “cathédrale ouvrière”, “forteresse du prolétariat” et “cheval de Troie” érigé au cœur de la ville bourgeoise». Dans une approche plus politique, Olivier Meuwly relève pour sa part qu’en 1849 le chef du Département fédéral de justice et police Henry Druey «est confronté à la délicate question de l’accueil des réfugiés européens, que les révolutions de 1848 ont jetés sur les routes de l’exil».
La richesse du canton de Vaud tient aussi à ses bâtisseurs et ses artistes. Tandis que Dave Lüthi souligne le rôle fondamental de l’architecte Jean Tschumi et l’impact de l’Expo 64, Roger Francillon retraverse avec enthousiasme deux siècles de vie intellectuelle pour montrer comment «la culture ouvre le canton au monde». Une belle fin pour un voyage stimulant. / Mireille Descombes