Ces invisibles qui nous soutiennent   

Après avoir exploré les cercles de femmes puis leurs pratiques de guérison, l’anthropologue Aurélie Netz aborde les spiritualités alternatives dans son dernier ouvrage, En dialogue avec l’invisible. Six femmes et deux hommes y témoignent de leurs liens avec des êtres spirituels. Quel que soit l’interlocuteur, de Dieu à ses archanges en passant par des figures plus exotiques telles Guanyin ou Kali, ces relations ont des points communs: «Chaque histoire se construit par étapes et démarre à la faveur d’une période de transition existentielle, type deuil, séparation ou reconversion», résume l’auteure. Elle précise: «Ces êtres ont servi de relais à un moment où aucun être humain n’était à même de jouer ce rôle. »

Cette fois encore, Aurélie Netz a travaillé sur la base de récits. Des expériences intenses, tant par leur contenu que par la participation d’«invités» surprises: «Charlotte, qui dialogue avec les esprits, a ainsi décelé une présence dans la pièce pendant l’un de nos entretiens. Quant à Stéphane, il a ressenti celle de Guanyin», se remémore-t-elle. Si elle n’a rien éprouvé de particulier à ces instants précis, elle s’en rappelle comme de moments forts et riches en enseignements. L’auteure a choisi de compléter la généalogie de chaque relation par une présentation du courant religieux ou de la pratique dans laquelle la rencontre s’inscrit, ancrant ces dialogues dans une tradition.

La seconde partie de l’ouvrage propose un degré de distance supplémentaire, s’intéressant à ce que signifie le fait de parler de et à l’invisible. Un thème revenu sur le devant de la scène ethnologique depuis une trentaine d’années, après avoir été évacué par la recherche sous de multiples prétextes. On a ainsi longtemps considéré que ce type de discussion relevait exclusivement de sociétés primitives ou très exotiques. «Or, toutes les personnes avec qui j’ai évoqué le sujet pendant la rédaction du livre connaissaient quelqu’un qui vivait une telle relation ou en entretenait une», souligne Aurélie Netz. La question semble donc débarrassée de son aspect tabou.

«Interagir avec des êtres spirituels nous ouvre à la dimension poétique du monde. La frontière qui sépare le rationnel et le visible de l’invisible et de l’irrationnel s’estompe, nous invitant à penser notre prochain dans un univers plus vaste que celui dans lequel on l’envisage au quotidien.» / Sylvie Ulmann 

En dialogue avec l’invisible. Par Aurélie Netz. Éditions Saint-Augustin (2024), 168 p.

Il fallait oser! Gaël Grobéty l’a fait. Dans un ouvrage de plus de 500 pages, ce passionné de romans policiers qui, après un doctorat sur l’Iliade, travaille dans l’administration de l’UNIL, nous propose une relecture de la Genèse en forme de polar. Le meurtre, on le devine, concerne Abel. Quel rôle a joué Caïn, son frère aîné disparu sans laisser de trace? Face au meurtre originel, la famille s’organise. Et Adam charge Thémech d’enquêter pour démêler les fils du mystère. L’enquête, on le devine, prend des détours inattendus. Jusqu’à la grande scène finale. / MD

Au commencement était le meurtre. Par Gaël Grobéty. Éditions Cousu Mouche (2024), 514 p.

La Suisse ne s’est pas ménagé sa place par la force, mais grâce à son économie. Dans cet ouvrage, Cédric Humair raconte comment notre pays est devenu une «petite puissance» à la veille de la Première Guerre mondiale. Maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des lettres, l’auteur décrit la manière dont les industriels, les commerçants et les banquiers helvétiques, entre autres, ont conquis le monde dès la deuxième moitié du XIXe siècle, dans un contexte d’accélération de la globalisation. /DS 

La Suisse et les Empires. Affirmation d’une puissance économique (1857-1914). Par Cédric Humair. Éditions Livreo-Alphil (2024), 171 p.

Grâce à la donation Bruno Decharme, l’art brut figure désormais au Musée national d’art moderne de Paris. Pour marquer l’événement, l’institution lui consacre l’un de ses fameux Cahiers. Il s’ouvre avec une interview du collectionneur expliquant que ses multiples acquisitions relèvent «d’une sorte de rituel d’ensorcellement». Parmi les diverses contributions de spécialistes, on relèvera Ceci est mon corps de Lucienne Peiry sur les parures d’art brut. Et l’on ne manquera pas le très beau portfolio consacré à Charles August Albert Dellschau, dont l’univers flamboyant lié à l’aviation reste encore méconnu. /MD

Les Cahiers du Musée national d’art moderne. Hiver 2023/2024 No 166. 152 p.

L’École de français langue étrangère (Faculté des lettres) constitue le cadre de cet ouvrage collectif. L’apprentissage de notre langue représente une «aventure» pour les apprenants non francophones qui y étudient. Par exemple, la linguiste Stéphanie Pahud s’intéresse aux accents. Est-ce qu’il faut n’en posséder aucun pour bien parler le français, comme le souhaitent certains étudiants? La chercheuse détaille certaines expériences qu’elle a menées à ce sujet en classe, en tant qu’enseignante. /DS

Notice sur le site Labelettres (Faculté des lettres)

FLE : français langue en expérience(s). Éd. par Stéphanie Pahud et Magali Cécile Bertrand. Études de lettres 323 (2024), 326 p.

Christine de Pizan a grandi et vécu dans les milieux du pouvoir. Née en 1365 à Venise, elle part très vite rejoindre son père appelé en France comme médecin et astrologue de Charles V. Elle s’y marie à 15 ans, mais connaît ensuite une succession de malheurs et de déboires financiers. Poétesse et philosophe, elle devient aussi une éditrice fort active. Moins connus que La Cité des dames, les cinq textes réunis dans ce volume sont des œuvres de jeunesse, «des discours sur l’amour autant que des écritures de soi». Ils ont été édités et traduits par Sarah Delale et Lucien Dugaz. /MD

Écrire d’amour. Parler de soi. Par Christine de Pizan. Le Livre de poche (2024), 780 p.

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