Tendres missives de deux épistoliers passionnés

La correspondance entre l’écrivaine romande Monique Saint-Hélier et l’intellectuel bernois Jean Rodolphe de Salis fut longtemps inaccessible. La voici révélée dans un ouvrage riche et surprenant.

Monique Saint-Hélier. L’auteure photographiée dans les années 20. © CLSR, UNIL

Les admirateurs de l’écrivaine Monique Saint-Hélier – née Berthe Eimann en 1895 à La Chaux-de-Fonds – vont découvrir une facette inédite de son œuvre et de sa personnalité: sa longue et riche correspondance avec l’historien Jean Rodolphe de Salis. Ils se rencontrent en 1923 à Berne où elle étudie avant de s’installer à Paris. Il n’a que 22 ans. Elle en a six de plus. Mariée à Blaise Briod depuis quelques années, elle est déjà malade – elle passera la plus grande partie de sa vie alitée – et n’a pas encore commencé à écrire. Leur relation sera passionnée, comme en témoigne la tendresse de leurs missives. 

Elle l’appelle «Jeannot mio», il la nomme «Minette chérie». Elle signe aussi quelques fois Amarante. À certaines périodes, ils s’écrivent tous les jours, parlent de leur vie, de littérature, des artistes qu’ils admirent, notamment de Rilke qu’ils ont tous deux bien connu. Elle évoque aussi ses souffrances, parfois ses soucis domestiques. Ils correspondront jusqu’à la mort de Monique Saint-Hélier en 1955 à Chambines, en Normandie, avec une interruption entre la fin des années 30 et les années 50.

Magnifiques, souvent intimes, ces 175 lettres auraient pu disparaître après la mort des deux épistoliers. Par bonheur, Jean Rodolphe de Salis, devenu l’intellectuel, professeur et journaliste de renom que l’on connaît, a pris des dispositions pour les conserver. En précisant: «J’interdis formellement que ces lettres soient montrées à quiconque ferait des recherches sur Mme Briod ou sur moi-même. Ces lettres, sans exception, ne pourront être consultées que vingt ans après ma mort.» Le temps a passé. Publiés à l’Aire, ces textes sont désormais accessibles à tous dans une édition établie, annotée et présentée par Stéphane Pétermann, responsable de recherche au Centre des littératures en Suisse romande. Dans l’ouvrage, les missives de Monique de Saint-Hélier sont beaucoup plus nombreuses. L’écrivaine a en effet détruit une partie des lettres de Jean Rodolphe de Salis, n’en conservant qu’une vingtaine. On y apprend beaucoup de choses sur l’un et l’autre, notamment sur les débuts de Monique Saint-Hélier et sur le rôle qu’elle joua dans le développement intellectuel de son ami. À ces découvertes «biographiques» s’ajoute un grand plaisir de lecture. «Ce sont de vraies lettres d’écrivain, reconnaît Stéphane Pétermann. Elles sont très bien construites, stylistiquement fort intéressantes, avec une qualité d’écriture et une intensité que l’on retrouve dans toute son œuvre. Monique Saint-Hélier était incapable de vivre à moitié, elle allait jusqu’au bout, et je crois que c’est une chose qui a beaucoup marqué ses contemporains.»

Monique Saint-Hélier -Jean Rodolphe de Salis. Ce qui n’est qu’à nous deux. Correspondance 1923-1954. Édition établie, annotée et présentée par Stéphane Pétermann. Éditions de l’Aire (2024), 200 p. 

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