L’Institut des sciences du Sport de l’UNIL (ISSUL) et le FC Lausanne-Sport ont coconstruit une nouvelle formation centrée sur les aspects psychologiques dans l’accompagnement à haut niveau. Une première en Suisse.
C’est un projet de longue date qui a vu le jour cet hiver: l’envie de coconstruire une formation a germé sur les pelouses du club de football et de l’UNIL en 2017. Mais avant qu’elle puisse prendre forme, il a fallu «convaincre les décideurs et disposer d’un contexte de développement favorable», résume Yannick Fankhauser, responsable administratif au FC Lausanne-Sport et coordinateur sportif de la structure. L’arrivée d’un nouveau président à la tête du club l’an dernier a donné le coup d’envoi de cette réalisation. Résultat, ce mois de juin, une première volée de 15 «intervenants développeurs de talents en sport», composée d’entraîneurs, physiothérapeutes et préparateurs physiques de l’équipe des juniors du LS, a obtenu son diplôme. Cette formation – «une première en Suisse dans le domaine de la préparation mentale», souligne Yannick Fankhauser – est le fruit d’un véritable travail commun. Denis Hauw, professeur en psychologie du sport à l’ISSUL, qui a assuré l’apport académique, rappelle que ses doctorants vont régulièrement mettre leurs théories à l’épreuve du gazon. Et ce n’est pas un hasard: lui-même vient du terrain – il fut entraîneur dans le sport à haut niveau – et a à cœur que leurs recherches soient utiles et ne se déroulent pas uniquement en laboratoire. «C’est un de mes engagements éthiques en tant que chercheur», souligne-t-il.
En toute logique, c’est donc au FC Lausanne-Sport que les travaux ont démarré à l’automne dernier: «Nous avions identifié un manque au niveau des enjeux psychologiques dans le domaine du sport d’élite, tout spécialement chez les juniors. À partir de là, nous avons déterminé les axes sur lesquels nous souhaitions concentrer nos efforts», résume Yannick Fankhauser. En contact direct avec les jeunes, les entraîneurs sont les plus à même de repérer une situation délicate. Comment gérer la pression, une blessure ou le stress liés à une compétition, comment faire face à ses émotions ou à un contexte privé délicat? «Autant d’aspects que l’on se contente d’effleurer lors des formations d’entraîneur, qui mettent principalement l’accent sur la partie technique. Or, les coachs y sont confrontés au quotidien et, faute de disposer de suffisamment d’éléments théoriques en la matière, ils doutaient parfois de la bonne approche à privilégier.»
Progressivement vers la performance
«Gérer ces potentiels en tenant compte tout à la fois du bien-être des sportifs et de leurs résultats de façon à ce que l’engagement humain et financier soit justifié»: tel est, pour Denis Hauw, le défi que doivent relever les personnes accompagnant ces jeunes joueurs qui, pour la plupart, rêvent de devenir professionnels et subissent de très fortes pressions. Le FC Lausanne-Sport a donc rendu un résumé de la situation à partir duquel l’équipe du professeur Hauw a travaillé, orientant la formation sur deux axes: d’un côté, une série de onze master class réalisant une synthèse des connaissances nécessaires dans le contexte, complétées par des applications sur le terrain et des discussions permettant aux participants d’assimiler la matière.
Ensuite, chaque entraîneur, physiothérapeute et préparateur physique a été suivi à deux ou trois reprises par une caméra dans la mise en pratique de ces nouvelles compétences. «Ce matériel a été étudié au cours d’entretiens d’autoconfrontation dans un second temps. Grâce à ces enregistrements, nous étions en mesure de voir comment chacun s’appropriait et utilisait la théorie», précise Denis Hauw. Rarement exploitée en Suisse, cette méthode est monnaie courante en France et au Canada. «Nous recourons déjà à la vidéo pour analyser les matchs, mais dans ce contexte, c’était une première», reconnaît Yannick Fankhauser. La démarche a donc suscité quelques interrogations dans un premier temps, avant d’être plébiscitée: «Lorsque les participants ont compris que l’idée n’était pas de se juger, mais de réfléchir à sa propre pratique sous le regard d’une personne qui connaît les standards, ils ont adopté cette façon de procéder. Échanger sur leur manière de travailler, aborder avec des collègues certaines situations auxquelles ils ont été confrontés, tout cela les a beaucoup aidés», conclut-il.
Un modèle reproductible?
Taillée pour répondre aux besoins spécifiques d’un club, cette formation n’est pas reproductible en tant que telle. Mais le processus l’est tout à fait: «Nous ne cherchons pas la quantité, mais la qualité. L’idée donc est plutôt de répéter l’exercice de façon sélective», souligne Denis Hauw. Il envisage aisément que ce modèle puisse être utile et adapté à d’autres disciplines – «pourquoi pas le basket, le ski ou la gym?» Une affaire à suivre!