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Protections hygiéniques gratuites dans les écoles et à l’UNIL

Autrice: Céline Rosat

 

Le 9 mars 2021, le Grand Conseil vaudois a accepté le postulat Thalmann visant à mettre à disposition gratuitement des protections hygiéniques dans les écoles. 

 L’OMS et l’UNICEF estiment qu’au moins 500 millions de personnes dans le monde vivent dans la précarité menstruelle. Dans les milieux où les tabous autour des menstruations sont très présents, certaines jeunes filles ont leurs règles pour la première fois sans même comprendre ce qui leur arrive. En Suisse, il existe certaines femmes (et tout autre personne ayant des menstruations) dont le budget est si serré qu’elles doivent parfois choisir entre se nourrir convenablement ou acheter des protections hygiéniques. Un grand nombre d’entre elles se voient obligées de garder leurs protections plus longtemps que recommandé, s’exposant ainsi à des risques d’infections comme le choc toxique. Ce dernier est une maladie infectieuse rare due à une bactérie qui se développe dans le sang accumulé dans les tampons ou les cups1. Les premiers symptômes ressemblent à ceux de la grippe, puis on observe une tension artérielle très basse, une accélération du rythme cardiaque et des signes de confusion. Si l’infection n’est pas traitée immédiatement, les patientes peuvent devoir subir une amputation et risquent même la mort. 

Il n’existe aucune étude en Suisse quant à la proportion de femmes touchées par la précarité menstruelle, mais une recherche rapporte qu’en Ecosse, près d’une femme sur cinq s’est déjà vue dans l’impossibilité financière de se procurer des protections hygiéniques en quantité suffisante. Les sans-abris, les détenues et les étudiantes seraient les plus touchées. 

Plus grand que le canton 

La Suisse est loin d’être le premier pays à se soucier de la précarité menstruelle. En effet, l’écossaise Monica Lennon fait campagne depuis 2016 pour la distribution gratuite de produits hygiéniques dans tous les bâtiments publics. En novembre 2020, le projet de loi Period Products (Free Provision) (Scotland) Bill a été approuvé par le Parlement écossais, réalisant ainsi les demandes de la militante. 

Dans le même sens, le Canada, l’Angleterre et la Colombie ont déjà instauré un projet de loi visant à la disposition gratuite de produits hygiéniques dans les écoles et les universités. De leur côté, l’Australie, l’Inde, la Tanzanie, le Nicaragua, le Kenya, le Liban et le Nigeria ont arrêté toute TVA sur les protections hygiéniques. 

En Suisse, alors que le Valais et Berne ont largement refusé la proposition de loi pour des serviettes et tampons hygiéniques gratuits dans les écoles, le Jura l’a lui acceptée avec 40 voix pour, 11 voix contre et 7 abstentions. Genève a également accepté le projet, et a étendu la disposition des produits hygiéniques aux bibliothèques, musées, et lieux fréquentés par des personnes démunies. L’UNIGE a également installé 16 distributeurs de produits hygiéniques gratuits dans ses bâtiments principaux. 

Les discussions du Grand Conseil 

À la suite de la déposition d’un postulat par Muriel Thalmann, le Grand Conseil vaudois a dû discuter et voter sur le projet de loi visant à distribuer gratuitement les protections hygiéniques dans les écoles et au sein de l’administration cantonale. Le texte déposé commence comme suit : 

« Les protections relatives aux règles — serviettes, tampons, etc. — permettent de satisfaire un besoin élémentaire et impératif d’hygiène ; ce sont donc des produits de première nécessité, au même titre que le papier de toilette. Ne pas avoir accès à des protections hygiéniques au bon moment ou en quantité suffisante peut avoir des conséquences dramatiques pour les personnes concernées : atteinte à la dignité, atteinte à la santé, voire même exclusion sociale, certaines personnes renonçant à aller à l’école ou au travail. Cette problématique est donc à la source d’inégalités économiques, sociales et sanitaires, dans notre canton, qu’il convient de traiter. » 

Les discussions du Grand Conseil 

À la suite de la déposition d’un postulat par Muriel Thalmann, le Grand Conseil vaudois a dû discuter et voter sur le projet de loi visant à distribuer gratuitement les protections hygiéniques dans les écoles et au 

sein de l’administration cantonale. Le texte déposé commence comme suit : 

« Les protections relatives aux règles — serviettes, tampons, etc. — permettent de satisfaire un besoin élémentaire et impératif d’hygiène ; ce sont donc des produits de première nécessité, au même titre que le papier de toilette. Ne pas avoir accès à des protections hygiéniques au bon moment ou en quantité suffisante peut avoir des conséquences dramatiques pour les personnes concernées : atteinte à la dignité, atteinte à la santé, voire même exclusion sociale, certaines personnes renonçant à aller à l’école ou au travail. Cette problématique est donc à la source d’inégalités économiques, sociales et sanitaires, dans notre canton, qu’il convient de traiter. » 

A l’inverse, les députés favorables au postulat Thalmann rétorquent que la situation actuelle n’est pas suffisante pour lutter contre la précarité menstruelle. En effet, l’aide sociale ne prend pas en compte l’achat de protections hygiéniques, puisqu’elle n’accorde pas plus d’argent aux femmes ayant des filles à charge qu’aux hommes ayant des garçons. Le recours à l’infirmière scolaire, tout d’abord gênant pour un certain nombre de jeunes filles, ne peut être garanti, puisque l’infirmière scolaire ne peut pas être disponible tout le temps. De plus, le fait d’envoyer les jeunes filles chez l’infirmière scolaire perpétue l’idée que les règles sont une maladie et n’aide donc pas à briser les tabous qui les entourent. Ils soulignent de plus le fait que les mêmes arguments défavorables au postulat pourraient être utilisés contre la mise à disposition de papier toilette ; abus, responsabilité personnelle, etc. Une députée souligne même avec regret que le postulat aurait été accepté depuis bien longtemps si les hommes avaient des règles. Les personnes favorables au postulat voient cette proposition de loi comme une nécessité pour briser le tabou des règles et lutter contre une inégalité importante dont souffrent les femmes. 

Au vu du refus auquel le postulat faisait face, les députés favorables ont proposé de modifier légèrement le projet de loi, limitant la distribution aux établissements scolaires, et non pas aux bâtiments communaux. 68 députés se sont alors opposés au projet, contre 68 députés qui y étaient favorables. Il y eut une seule abstention. Comme le veut la loi en cas d’égalité, la présidente a alors dû trancher sur la question et a choisi d’accepter le postulat. 

De ce fait, plusieurs écoles du canton sont actuellement soumises à une étude pilote, consistant à un questionnaire soumis aux filles et aux garçons quant à leurs besoins et avis sur les protections hygiéniques, ainsi qu’à la mise à disposition de protections hygiéniques dans les toilettes des femmes. 

Bon à savoir 

A l’Unil, à la fin de l’année scolaire 2020-2021, grâce à un projet solidaire, on pouvait observer dans certaines toilettes un petit sachet en papier suspendu derrière la porte. Un écriteau encourageait les utilisatrices des 

toilettes à déposer si elles en avaient un produit hygiénique dans le cornet et invitait celles dans le besoin à se servir. Aujourd’hui, chaque bâtiment dispose, en général au niveau 0 mais parfois également dans les étages supérieurs, d’un distributeur gratuit. Ces toilettes sont marquées d’un petit logo collé sur la porte représentant soit une goutte de sang soit un carré violet arborant une serviette et un tampon hygiéniques. 

1Cup : alternative au tampon, c’est un petit récipient en caoutchouc qui est inséré dans le vagin et récolte le sang. Il doit être vidé et rincé toute les 5-8h et stérilisé dans l’eau bouillante à la fin de chaque cycle. 

Sources : 

Agir contre la précarité menstruelle. (s. d.). Etat de Vaud. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/departements/departement-de-la-formation-de-la-jeunesse-et-de-la-culture-dfjc/rentree-scolaire-2020-2021/troisieme-partie-lactualite-de-la-rentree/agir-contre-la-precarite-menstruelle/ 

Postulat Muriel Thalmann et consorts- Pour des protections hygiéniques en libre accès dans nos écoles et au sein de l’administration cantonale. (2021, 9 mars). Etat de Vaud. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/seances-du-grand-conseil/point-seance/id/4e40a72a-42f4-4f1e-9b1a-58b5368fffbe/meeting/1000552/ 

Muriel Thalmann. (2020, 3 mars). Postulat Thalmann. https://ps-vd.ch/wp-content/uploads/2021/03/Postulat_Thalmann.pdf 

Protections périodiques gratuites en ville de Genève et à l’UNIGE. (2021, 31 août). Blick. https://www.blick.ch/fr/news/suisse/produits-dhygiene-protections-periodiques-gratuites-en-ville-de-geneve-et-a-lunige-id16793484.html 

Eric Budry. (2021, 20 mai). Des protections hygiéniques seront disponibles dans les écoles genevoises. TDG. tdg.ch/les-protections-hygieniques-seront-disponibles-dans-les-ecoles-106781856140 

Aurélie Toninato. (2021, 8 avril). Pour la première fois, des protections hygiéniques seront gratuites à l’école. TDG. https://www.tdg.ch/pour-la-premiere-fois-des-protections-hygieniques-seront-gratuites-a-lecole-461572738815 

Vaud offre à son tour des protections menstruelles à ses élèves. (2021, 2 juin). RTS info. https://www.rts.ch/info/regions/vaud/12246965-vaud-offre-a-son-tour-des-protections-menstruelles-a-ses-eleves.html 

Le grand Conseil vaudois veut des protections hygiéniques gratuites dans les écoles. (2021, 10 mars). RTS info. https://www.rts.ch/info/regions/vaud/12032997-le-grand-conseil-vaudois-veut-des-protections-hygieniques-gratuites-dans-les-ecoles.html 

Avoir ses règles sans serviettes, une précarité qui pénalise les femmes. (2020, 2 décembre). RTS info. https://www.rts.ch/info/monde/11791894-avoir-ses-regles-sans-serviettes-une-precarite-qui-penalise-les-femmes.html 

Des protections hygiéniques gratuites disponibles à l’école. (2021, 31 mars). Le 24 heures. https://www.24heures.ch/des-protections-hygieniques-gratuites-disponibles-a-lecole-731486248458 

Claire Diamond. (2020, 25 novembre). Menstruations : l’Ecosse, le premier pays à rendre les produits d’hygiène féminine gratuits. BBC News. https://www.bbc.com/afrique/monde-55074824 

Pas de serviettes hygiéniques gratuites dans les écoles valaisannes. (2020, 11 novembre). Le nouvelliste. https://www.lenouvelliste.ch/valais/pas-de-serviettes-hygieniques-gratuites-dans-les-ecoles-valaisannes-1004032 

Les étudiantes n’auront pas de tampons gratuits. (2020, 10 mars). Le 20 minutes. https://www.20min.ch/fr/story/les-etudiantes-n-auront-pas-des-tampons-gratuits-105792469449 

Le Neuchâtelois Jacques-André Maire s’attaque de nouveau à la « taxe rose ». (2018, 14 décembre). ARC Info. https://www.arcinfo.ch/neuchatel-canton/le-neuchatelois-jacques-andre-maire-s-attaque-de-nouveau-a-la-taxe-rose-807170 

Anne Xaillé. (2020, 21 janvier). Syndrome du choc toxique : symptômes, comment l’éviter ou le soigner ?. Le journal des femmes. https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sexo-gyneco/1352232-syndrome-choc-toxique-tampon-cup-symptome-traitement-prevention/ 

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La préparation que demande un combat en boxe anglaise

Manon Andreatta, Février 2021

La boxe est un sport de combat pratiqué à un contre un. Elle représente de nombreuses disciplines comme la boxe américaine, le kickboxing, la savate boxe, la boxe française ou encore la boxe thaï. Nous allons nous intéresser plus particulièrement à la boxe anglaise.

La boxe anglaise est un style qui n’utilise que les poings, mais il ne faut pas négliger le bas du corps qui est tout aussi important pour la puissance des coups. Ce sport demande une condition physique importante sur plusieurs points, au niveau de la rapidité, de la force, des réflexes, de l’explosivité et nécessite une grande coordination entre le bas et le haut du corps. Mais la condition physique ne fait pas tout, elle exige d’avoir de la technique afin de pouvoir faire des enchainements de coups de façon précise et automatique.

Le plus gros travail dans le sport, qui représente environ 80% de la performance est le mental.

Il joue une place centrale, de même qu’une confiance en ses capacités et dans l’estime de soi, qu’on acquière par l’entrainement.

Des pensées négatives ou une faible estime de soi chez un athlète peut engendrer sa défaite, alors même qu’il possède des capacités physiques supérieures.

La confiance de l’athlète peut dépendre de l’environnement dans lequel il s’entraine, dans lequel il a vécu ainsi que de ses liens sociaux. Des événements de la vie quotidienne peuvent également venir perturber la préparation du sportif et faire entrave à sa réussite.

Pour ces raisons, on va donc s’intéresser à la préparation mentale que demande un combat et les conséquences potentielles d’une défaite sur l’athlète. Différentes techniques pour la préparation ont été validées théoriquement, telles que la communication, la relaxation type yoga ou la visualisation, qui consiste à se voir en train de combattre et à imaginer tous les points techniques et physiques dans leurs moindres détails.

Du point de vu de l’entraineur du boxing club Evian et ancien boxeur professionnel Aissat Chaoiki, la préparation à un combat respecte des phases de préparation mentale et physique qui s’étalent sur deux mois, avec une fréquence de deux entrainements par jour.

Lors de la sixième, cinquième et quatrième semaine avant le combat, les entrainements seront difficiles, avec des adversaires dont le niveau est supérieur, ayant pour but de créer un conditionnement psychique pour optimiser la réussite du sportif. D’après Aissat Chaoiki cela consiste à « utiliser une répétition de gestes et de situations pour créer un engrenage, de l’automatisation, augmenter la confiance en soi et la gestion des émotions (notamment le stress) ».  En revanche, durant la troisième et deuxième semaine, l’entrainement deviendra plus simple avec des adversaires « moins difficiles », pour que l’athlète puisse tenter d’appliquer ce conditionnement psychique entraîné au cours des semaines précédentes.

De plus, dans la phase de préparation mentale est prise en compte également l’exigence d’arriver au poids demandé pour la pesée afin que l’athlète rentre dans sa catégorie de poids. Les principales méthodes utilisées pour une perte de poids rapide sont la restriction alimentaire et hydrique, l’augmentation de l’activité physique (notamment des activités qui font travailler le cardio), les environnements chauds (sauna, …) ainsi que la prise de médicaments (diurétiques, laxatifs, réduction d’appétit). La déshydratation entraine alors des pertes de poids brutales qui peuvent aggraver les commotions cérébrales ou causer des tendinites, du fait que les tendons ne seront pas suffisamment irrigués. Les restrictions alimentaires peuvent également conduire à des problèmes de suralimentation après les pesées ou engendrer des TCA (Troubles du comportement alimentaire). Elles peuvent aussi avoir des répercussions plus ou moins importantes sur la performance et la santé (déséquilibre hormonal, électrolytique ou même des problèmes cardiaques, une déficience immunitaire et une augmentation de la mortalité).

De plus, la restriction pour atteindre le « poids idéal », bien souvent inférieur au poids de forme de l’athlète, provoque des sentiments de colère, de confusion, de tension ainsi qu’une diminution de la mémoire et de la concentration, impactant la performance physique.

Parfois, même avec une grande préparation et de la détermination, on peut tomber sur plus fort que soi ou être confronté à des événements imprévus venant perturber la préparation et impacter le résultat du combat. À la suite d’une défaite, l’athlète va travailler avec l’aide de son entraineur et de son entourage autour de l’acceptation du combat et va procéder à une décharge émotionnelle consécutive aux sentiments de déception, peur (si le boxeur a reçu des coups violents), tristesse, dégoût face au résultat après des mois d’entrainement. Après ses premières étapes d’acceptation, le boxeur doit se recentrer et fixer de nouveaux buts et des objectifs intermédiaires comme l’explique Chaoiki.

Kylian un boxeur en catégorie amateur (sous la catégorie professionnelle) du Boxe club Villards-sur-Glanes, avec un actif de 7 combats nous raconte sa préparation avant chaque combat :

« La préparation mentale et physique est très déterminante pour l’appréhension du stress avant le combat ». Sa préparation physique commence déjà deux mois avant le combat à une fréquence de 6 entrainements par semaine pendant trois semaines et 3 entrainements par semaine pendant une semaine.  Quant à la préparation psychologique, deux semaines avant le combat, Kylian va pratiquer de la sophrologie (10 à 15min tous les deux à trois jours) et effectue un travail de visualisation. Pour être au poids, Kylian va favoriser différentes techniques, telles que le jeune intermittent et les entrainements cardio.

La boxe néanmoins est une activité physique avec des risques et des sacrifices mais elle a un apport positif pour la vie quotidienne, que décrit Kylian : « Ce qui me pousse à continuer de faire ce sport c’est les bienfaits physiques, mentaux qui sont incroyables. Au niveau physique le corps change, on se muscle et on a un meilleur cardio.

Au niveau mental, la boxe développe la confiance en soi, on connait nos limites et ce qu’on vaut, si je devais recommander un sport à des personnes timides, qui manquent de confiance en elles, je leur recommanderais clairement un sport de combat, un sport individuel. Quand tu te retrouves face à l’adversaire, c’est celui qui a le plus faim qui va gagner et ça, ça motive. »

La boxe anglaise demande une grande préparation physique mais aussi mentale comme nous avons pu le constater. Il faut être capable d’encaisser les coups, les donner, accepter d’en recevoir et gérer son stress, qui peut bloquer plus d’un sportif avant et pendant un combat. Sans oublier la pression de la pesée qui demande des sacrifices alimentaires. Mais cela apporte des forces pour la vie quotidienne. On peut noter aussi que c’est un milieu où le respect, la solidarité et l’entraide est essentielle entre les boxeurs.

Sources:

Santé – Quels sont les risques de la boxe ?

https://doc.rero.ch/record/327606/files/TB_AM_RB_2018-2019_PDF.pdf

https://www.pinterest.fr/pin/540291286519468293/

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Consentante jusqu’à preuve du contraire

Flavia von Xylander

Tout d’abord, parlons de mythes, les mythes sur le viol

C’est l’histoire d’une femme qui marche dans la rue. Elle est seule et normalement vêtue. C’est l’histoire d’un homme qui marche dans la rue, il est seul mais on ne se demande pas comment il est vêtu. Cet homme rencontre cette femme et soudain il n’y voit plus. Le viol advient et personne n’y aurait cru.

Au cœur des thématiques actuelles sur le consentement, le viol et le harcèlement de rue, il est important d’avoir conscience qu’il existe de nombreux mythes planant autour du viol et que ceux-ci engendrent énormément de conséquences.

Le scénario venant d’être décrit fait partie de la représentation majoritaire que l’on se fait lorsque nous pensons au viol[1]. Mais celui-ci est appelé mythe car il est loin de représenter la majorité des viols qui adviennent réellement[2]. En fait, nous nous retrouvons dans une étrange situation où la norme est donnée par la minorité des situations, et non par la majorité.

En effet, dans le viol, on y voit quasiment toujours un inconnu aux mauvaises intentions qui voudrait faire du mal. Un individu anormal, car toute personne normale ne ferait jamais une chose pareille. Celui-ci agresserait la femme et serait tellement méchant qu’il ne prendrait même pas la peine de l’amener dans un lieu privé. Non. Il la violerait là, en public, et sera particulièrement violent[3].

Une vision du monde démunie de nuances, un certain nombre de stéréotypes vont de pair avec ce mythe du « vrai viol » : le violeur ne pourrait être qu’homme, il ne pourrait être qu’inconnu et la victime ne pourrait être qu’une femme qui n’aurait rien à se reprocher. Posant la question de ce qui est reprochable ou non, nous pouvons y voir un idéal du comportement féminin peu représentatif de la réalité mais surtout, très influencé par les dictats de la société.

Le Victim Blaming

Parce qu’un mythe est perçu par certain·e·s comme une réalité, toute agression sexuelle advenue mais n’entrant pas dans la norme invoquée par ce mythe serait sujette à interprétation. Celle-ci donnerait même naissance à un flou qui dérange. Selon des psychologues sociaux, la motivation à réduire l’incertitude serait une des motivations principales de tout individu : le monde doit être prévisible et compréhensible, sinon il engendre un profond inconfort.

Motivé·e·s par la volonté de se libérer de cet état d’inconfort le plus rapidement et le plus efficacement possible, les stratégies employées sont nombreuses mais peuvent mener à des conclusions erronées. Ce mécanisme est, selon les psychologues, déclenché par la croyance en un monde juste[4] : le monde serait un environnement profondément juste et donc on ne pourrait qu’obtenir « ce qu’on mérite ou mérite[r] ce qu’on obtient »[5].

Il ne s’agit donc pas de trouver des arguments réels pour expliquer un phénomène pour nous incompréhensible, mais il s’agit de trouver des arguments – pas toujours solides – nécessaires pour ne pas devoir remettre en question cette croyance sous-jacente. En effet, si tout le monde mérite ce qu’il·elle obtient, alors comment cela peut-il arriver à quelqu’une qui n’a rien à se reprocher ?

Dans le cas du viol, le victim blaming est une des stratégies principales mises en œuvre par les individus afin de réduire leur inconfort. Celle-ci consiste à blâmer la victime à la place de se concentrer sur l’agresseur lui-même[6]. Conséquence directe du stéréotype de la « vraie victime », elle semblerait être particulièrement efficace. Il s’agit de tous les comportements cherchant à trouver les causes de l’incident en amont du crime, mettant la femme au centre des préoccupations : on lui demandera comment elle était vêtue, si elle avait bu, ou si elle a fait quoi que ce soit pour instiguer son agresseur.

Puisqu’il est plus facile de trouver une faute chez la victime plutôt que chez l’agresseur, celle-ci serait de toute façon reprochable et donc, elle serait en partie responsable[7]. De ce fait, l’agresseur se verrait béni d’une certaine empathie, lui retirant ainsi une part de responsabilité sur les évènements : il n’a juste pas su lire les messages contradictoires dégagés par la femme. Elle avait qu’à être plus claire après tout, ne pas montrer ses jambes, sa poitrine ou son fessier ; ne pas être trop discrète ou au contraire trop se montrer ; ne pas être seule, ne pas être ivre, ne pas être en train de dormir… Ou bien, tout simplement, ne pas exister.

La législation suisse

Les mythes sur le viol sont nombreux et il est malheureusement impossible de tous les évoquer dans cet article. Mais rien que le mythe d’un viol violent et ses stéréotypes associés nous permettent de comprendre qu’il y a un réel problème de fond à éradiquer dans nos sociétés. Un problème qui nous empêche de pouvoir reconnaître l’action subie par certaines victimes et agir sur toute action pouvant être menée par un·e agresseur·seuse.

Car l’Inconscient collectif, ce n’est pas seulement les citoyens, c’est les institutions elles-mêmes qui fondent leurs lois, leurs attitudes et leurs décisions par rapport aux croyances partagées. Ainsi, se déploie tout le problème de la crainte de la dénonciation et donc, celui du silence des victimes.

Il n’a pas été très dur de voir inscrit, noir sur blanc, la représentation totalement réductrice que la loi elle-même donne à voir sur ce que nous considérons comme un viol. Et donc, ce sur quoi il est possible d’avoir un pouvoir d’action.


[8]« Viol – Article 190

1Celui qui, notamment en usant de menace ou de violence, en exerçant sur sa victime des pressions d’ordre psychique ou en la mettant hors d’état de résister, aura contraint une personne de sexe féminin à subir l’acte sexuel, sera puni d’une peine privative de liberté de un à dix ans. »


En effet, la première chose sautant aux yeux est le côté genré de l’article : celui-ci suppose qu’une victime de viol ne peut être que de sexe féminin. Les hommes, eux, passeraient donc totalement à la trappe. Deuxièmement, on y voit également se manifester une représentation du viol ne pouvant qu’être violent : il y a nécessité de « menace » et de « violence » explicite pour considérer un viol comme tel. Ceci renforce l’idée d’une domination forte de l’agresseur sur la victime, étant tellement puissante qu’il la mettrait « hors d’état de résister ». En d’autres termes, si la personne avait pu résister et qu’elle ne l’a pas fait, on ne l’a pas violée. Les autres raisons qui pourraient amener une victime à ne pas résister, comme l’amour que l’on peut porter à une personne, le fait de ne pas se rendre compte tout de suite de ce qu’il se passe, ou bien simplement d’être pris·e par une paralysie, demeurent encore des oubliés.

Ainsi, la victime aurait presque intérêt à être gravement blessée/marquée par l’acte lorsque celui-ci se passe, pour avoir l’infime espoir d’être crue et que ce qu’il·elle a subi lui soit reconnu. Sans preuve de résistance ou de lutte de sa part, sans preuve de vrai traumatisme, en d’autres termes, sans séquelles visibles, la victime ne sera pas considérée comme crédible. Ainsi, elle demeurera consentante jusqu’à preuve du contraire.


[1] Du Mont, 2003

[2] http://www.victimedeviol.fr/concernant-les-victimes.html

[3] Du Mont, 2003

[4] Burt, 1980

[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Croyance_en_un_monde_juste

[6] Burt, 1980

[7] Carmody & Washington, 2001

[8] Code pénal suisse, page 90

Références :

  • Burt, M. R. (1980). Cultural Myths and Supports for Rape. Journal of personality and Social Psychology, 38 (2), 217-230.
  • Carmody, D.C. & Washington, L.M. (2001). Rape Myth Acceptance Among College Women: The Impact of Race and Prior Victimization. Journal of Interpersonal Violence, 16, 424-436.
  • Code penal Suisse, version révisée (2020)
  • Du Mont, J. D., Miller, K.-L., & Myhr, T. L. (2003). The Role of « Real Rape » and « Real Victim » Stereotypes in the Police Reporting Practices of Sexually Assaulted Women. Violence Against Women, 9(4), 466-486.
  • Image : https://thecreative.cafe/four-years-ago-i-was-sexually-molested-4bc4e8e886fc