Autrice: Céline Rosat
Le 9 mars 2021, le Grand Conseil vaudois a accepté le postulat Thalmann visant à mettre à disposition gratuitement des protections hygiéniques dans les écoles.
L’OMS et l’UNICEF estiment qu’au moins 500 millions de personnes dans le monde vivent dans la précarité menstruelle. Dans les milieux où les tabous autour des menstruations sont très présents, certaines jeunes filles ont leurs règles pour la première fois sans même comprendre ce qui leur arrive. En Suisse, il existe certaines femmes (et tout autre personne ayant des menstruations) dont le budget est si serré qu’elles doivent parfois choisir entre se nourrir convenablement ou acheter des protections hygiéniques. Un grand nombre d’entre elles se voient obligées de garder leurs protections plus longtemps que recommandé, s’exposant ainsi à des risques d’infections comme le choc toxique. Ce dernier est une maladie infectieuse rare due à une bactérie qui se développe dans le sang accumulé dans les tampons ou les cups1. Les premiers symptômes ressemblent à ceux de la grippe, puis on observe une tension artérielle très basse, une accélération du rythme cardiaque et des signes de confusion. Si l’infection n’est pas traitée immédiatement, les patientes peuvent devoir subir une amputation et risquent même la mort.
Il n’existe aucune étude en Suisse quant à la proportion de femmes touchées par la précarité menstruelle, mais une recherche rapporte qu’en Ecosse, près d’une femme sur cinq s’est déjà vue dans l’impossibilité financière de se procurer des protections hygiéniques en quantité suffisante. Les sans-abris, les détenues et les étudiantes seraient les plus touchées.
Plus grand que le canton
La Suisse est loin d’être le premier pays à se soucier de la précarité menstruelle. En effet, l’écossaise Monica Lennon fait campagne depuis 2016 pour la distribution gratuite de produits hygiéniques dans tous les bâtiments publics. En novembre 2020, le projet de loi Period Products (Free Provision) (Scotland) Bill a été approuvé par le Parlement écossais, réalisant ainsi les demandes de la militante.
Dans le même sens, le Canada, l’Angleterre et la Colombie ont déjà instauré un projet de loi visant à la disposition gratuite de produits hygiéniques dans les écoles et les universités. De leur côté, l’Australie, l’Inde, la Tanzanie, le Nicaragua, le Kenya, le Liban et le Nigeria ont arrêté toute TVA sur les protections hygiéniques.
En Suisse, alors que le Valais et Berne ont largement refusé la proposition de loi pour des serviettes et tampons hygiéniques gratuits dans les écoles, le Jura l’a lui acceptée avec 40 voix pour, 11 voix contre et 7 abstentions. Genève a également accepté le projet, et a étendu la disposition des produits hygiéniques aux bibliothèques, musées, et lieux fréquentés par des personnes démunies. L’UNIGE a également installé 16 distributeurs de produits hygiéniques gratuits dans ses bâtiments principaux.
Les discussions du Grand Conseil
À la suite de la déposition d’un postulat par Muriel Thalmann, le Grand Conseil vaudois a dû discuter et voter sur le projet de loi visant à distribuer gratuitement les protections hygiéniques dans les écoles et au sein de l’administration cantonale. Le texte déposé commence comme suit :
« Les protections relatives aux règles — serviettes, tampons, etc. — permettent de satisfaire un besoin élémentaire et impératif d’hygiène ; ce sont donc des produits de première nécessité, au même titre que le papier de toilette. Ne pas avoir accès à des protections hygiéniques au bon moment ou en quantité suffisante peut avoir des conséquences dramatiques pour les personnes concernées : atteinte à la dignité, atteinte à la santé, voire même exclusion sociale, certaines personnes renonçant à aller à l’école ou au travail. Cette problématique est donc à la source d’inégalités économiques, sociales et sanitaires, dans notre canton, qu’il convient de traiter. »
Les discussions du Grand Conseil
À la suite de la déposition d’un postulat par Muriel Thalmann, le Grand Conseil vaudois a dû discuter et voter sur le projet de loi visant à distribuer gratuitement les protections hygiéniques dans les écoles et au
sein de l’administration cantonale. Le texte déposé commence comme suit :
« Les protections relatives aux règles — serviettes, tampons, etc. — permettent de satisfaire un besoin élémentaire et impératif d’hygiène ; ce sont donc des produits de première nécessité, au même titre que le papier de toilette. Ne pas avoir accès à des protections hygiéniques au bon moment ou en quantité suffisante peut avoir des conséquences dramatiques pour les personnes concernées : atteinte à la dignité, atteinte à la santé, voire même exclusion sociale, certaines personnes renonçant à aller à l’école ou au travail. Cette problématique est donc à la source d’inégalités économiques, sociales et sanitaires, dans notre canton, qu’il convient de traiter. »
A l’inverse, les députés favorables au postulat Thalmann rétorquent que la situation actuelle n’est pas suffisante pour lutter contre la précarité menstruelle. En effet, l’aide sociale ne prend pas en compte l’achat de protections hygiéniques, puisqu’elle n’accorde pas plus d’argent aux femmes ayant des filles à charge qu’aux hommes ayant des garçons. Le recours à l’infirmière scolaire, tout d’abord gênant pour un certain nombre de jeunes filles, ne peut être garanti, puisque l’infirmière scolaire ne peut pas être disponible tout le temps. De plus, le fait d’envoyer les jeunes filles chez l’infirmière scolaire perpétue l’idée que les règles sont une maladie et n’aide donc pas à briser les tabous qui les entourent. Ils soulignent de plus le fait que les mêmes arguments défavorables au postulat pourraient être utilisés contre la mise à disposition de papier toilette ; abus, responsabilité personnelle, etc. Une députée souligne même avec regret que le postulat aurait été accepté depuis bien longtemps si les hommes avaient des règles. Les personnes favorables au postulat voient cette proposition de loi comme une nécessité pour briser le tabou des règles et lutter contre une inégalité importante dont souffrent les femmes.
Au vu du refus auquel le postulat faisait face, les députés favorables ont proposé de modifier légèrement le projet de loi, limitant la distribution aux établissements scolaires, et non pas aux bâtiments communaux. 68 députés se sont alors opposés au projet, contre 68 députés qui y étaient favorables. Il y eut une seule abstention. Comme le veut la loi en cas d’égalité, la présidente a alors dû trancher sur la question et a choisi d’accepter le postulat.
De ce fait, plusieurs écoles du canton sont actuellement soumises à une étude pilote, consistant à un questionnaire soumis aux filles et aux garçons quant à leurs besoins et avis sur les protections hygiéniques, ainsi qu’à la mise à disposition de protections hygiéniques dans les toilettes des femmes.
Bon à savoir
A l’Unil, à la fin de l’année scolaire 2020-2021, grâce à un projet solidaire, on pouvait observer dans certaines toilettes un petit sachet en papier suspendu derrière la porte. Un écriteau encourageait les utilisatrices des
toilettes à déposer si elles en avaient un produit hygiénique dans le cornet et invitait celles dans le besoin à se servir. Aujourd’hui, chaque bâtiment dispose, en général au niveau 0 mais parfois également dans les étages supérieurs, d’un distributeur gratuit. Ces toilettes sont marquées d’un petit logo collé sur la porte représentant soit une goutte de sang soit un carré violet arborant une serviette et un tampon hygiéniques.
1Cup : alternative au tampon, c’est un petit récipient en caoutchouc qui est inséré dans le vagin et récolte le sang. Il doit être vidé et rincé toute les 5-8h et stérilisé dans l’eau bouillante à la fin de chaque cycle.
Sources :
Agir contre la précarité menstruelle. (s. d.). Etat de Vaud. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/departements/departement-de-la-formation-de-la-jeunesse-et-de-la-culture-dfjc/rentree-scolaire-2020-2021/troisieme-partie-lactualite-de-la-rentree/agir-contre-la-precarite-menstruelle/
Postulat Muriel Thalmann et consorts- Pour des protections hygiéniques en libre accès dans nos écoles et au sein de l’administration cantonale. (2021, 9 mars). Etat de Vaud. https://www.vd.ch/toutes-les-autorites/grand-conseil/seances-du-grand-conseil/point-seance/id/4e40a72a-42f4-4f1e-9b1a-58b5368fffbe/meeting/1000552/
Muriel Thalmann. (2020, 3 mars). Postulat Thalmann. https://ps-vd.ch/wp-content/uploads/2021/03/Postulat_Thalmann.pdf
Protections périodiques gratuites en ville de Genève et à l’UNIGE. (2021, 31 août). Blick. https://www.blick.ch/fr/news/suisse/produits-dhygiene-protections-periodiques-gratuites-en-ville-de-geneve-et-a-lunige-id16793484.html
Eric Budry. (2021, 20 mai). Des protections hygiéniques seront disponibles dans les écoles genevoises. TDG. tdg.ch/les-protections-hygieniques-seront-disponibles-dans-les-ecoles-106781856140
Aurélie Toninato. (2021, 8 avril). Pour la première fois, des protections hygiéniques seront gratuites à l’école. TDG. https://www.tdg.ch/pour-la-premiere-fois-des-protections-hygieniques-seront-gratuites-a-lecole-461572738815
Vaud offre à son tour des protections menstruelles à ses élèves. (2021, 2 juin). RTS info. https://www.rts.ch/info/regions/vaud/12246965-vaud-offre-a-son-tour-des-protections-menstruelles-a-ses-eleves.html
Le grand Conseil vaudois veut des protections hygiéniques gratuites dans les écoles. (2021, 10 mars). RTS info. https://www.rts.ch/info/regions/vaud/12032997-le-grand-conseil-vaudois-veut-des-protections-hygieniques-gratuites-dans-les-ecoles.html
Avoir ses règles sans serviettes, une précarité qui pénalise les femmes. (2020, 2 décembre). RTS info. https://www.rts.ch/info/monde/11791894-avoir-ses-regles-sans-serviettes-une-precarite-qui-penalise-les-femmes.html
Des protections hygiéniques gratuites disponibles à l’école. (2021, 31 mars). Le 24 heures. https://www.24heures.ch/des-protections-hygieniques-gratuites-disponibles-a-lecole-731486248458
Claire Diamond. (2020, 25 novembre). Menstruations : l’Ecosse, le premier pays à rendre les produits d’hygiène féminine gratuits. BBC News. https://www.bbc.com/afrique/monde-55074824
Pas de serviettes hygiéniques gratuites dans les écoles valaisannes. (2020, 11 novembre). Le nouvelliste. https://www.lenouvelliste.ch/valais/pas-de-serviettes-hygieniques-gratuites-dans-les-ecoles-valaisannes-1004032
Les étudiantes n’auront pas de tampons gratuits. (2020, 10 mars). Le 20 minutes. https://www.20min.ch/fr/story/les-etudiantes-n-auront-pas-des-tampons-gratuits-105792469449
Le Neuchâtelois Jacques-André Maire s’attaque de nouveau à la « taxe rose ». (2018, 14 décembre). ARC Info. https://www.arcinfo.ch/neuchatel-canton/le-neuchatelois-jacques-andre-maire-s-attaque-de-nouveau-a-la-taxe-rose-807170
Anne Xaillé. (2020, 21 janvier). Syndrome du choc toxique : symptômes, comment l’éviter ou le soigner ?. Le journal des femmes. https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-sexo-gyneco/1352232-syndrome-choc-toxique-tampon-cup-symptome-traitement-prevention/
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