Michaël Siggen

Régulation professionnelle dans un contexte de changement. Le cas des enseignants-chercheurs à l’Université de Lausanne

Après l’obtention d’un Master en science politique à l’UNIL, Michaël Siggen a travaillé pour la HES-SO Valais/Wallis en tant que collaborateur scientifique. Au sein de cette unité de recherche en management public, il a mené diverses études portant notamment sur la relation politico-administrative dans un contexte de Nouvelle Gestion Publique. Il a ensuite intégré l’IEPI (l’actuel IEPHI, UNIL) en qualité d’assistant diplômé où il a poursuivi ses recherches sur les réformes administratives et leurs conséquences sur les agents publics. Sa thèse de doctorat s’intègre dans ce domaine puisqu’il s’est intéressé à l’influence du régime managérial d’une organisation publique sur les pratiques professionnelles de ses agents.

Avec l’avènement d’une économie du savoir de plus en plus compétitive, le paysage universitaire suisse a connu de profonds changements ces dernières décennies. Afin d’améliorer la compétitivité de nos universités, les élites politico-administratives et universitaires ont accordé plus d’autonomie de gestion aux directions de nos universités. En contrepartie, ces dernières se sont alors engagées à réaliser un certain nombre d’objectifs stratégiques et à en rendre compte au travers de processus d’évaluation. Dans ce contexte de « Nouvelle Gestion Publique », les enseignants-chercheurs sont donc sensés orienter leur travail de manière à faire coïncider leurs objectifs scientifiques personnels avec les objectifs stratégiques définis entre leur direction et l’Etat. Face à ces changements, dans quelle mesure ce groupe professionnel, jouissant traditionnellement d’une autonomie et d’un pouvoir discrétionnaire élevés, est-il encore capable de maintenir une capacité de régulation autonome ? C’est à cette question que nous avons voulu répondre dans le cadre de cette thèse.

Pour ce faire, nous avons développé un modèle original d’analyse de la régulation professionnelle. Nous l’avons ensuite appliqué à trois facultés de l’Université de Lausanne. L’analyse de nos entretiens semi- directifs nous a alors montré que les enseignants-chercheurs de ces trois facultés étaient encore en mesure de maintenir une capacité d’autorégulation de leurs pratiques professionnelles. Certes, nous avons constaté une certaine « homogénéisation » de ces dernières, mais cette « homogénéisation » concerne avant tout des aspects marginaux du travail des enseignants-chercheurs. Autrement dit, les enseignants-chercheurs ont su adapter des aspects secondaires de leurs pratiques aux attentes externes afin de préserver le « cœur » de leur activité professionnelle. Cela nous a permis de conclure que ce groupe professionnel est toujours en mesure de maintenir un niveau d’autorégulation élevé malgré la mise en place d’une nouvelle gouvernance universitaire et des attentes toujours plus grandes en terme d’ « accountability ».