La prospective comme enjeu science, politique et société

En août 2008, dans le prolongement de l’article 72 de la nouvelle Constitution vaudoise de 2003, un Arrêté porte sur la création de l’Organe de prospective (OP) du Conseil d’Etat vaudois. Le Prof. Jean-Philippe Leresche, qui en fait partie, en souligne la mission et interroge les liens entre expertise scientifique et action publique.

L’Organe de prospective est composé de neuf membres (3 Conseillers d’Etat, dont le Président du Conseil d’Etat, le Chancelier, le Recteur de l’UNIL, le Président de l’EPFL, 1 représentant de la HES-SO et 2 professeurs de l’UNIL) et a une mission très générale : « identifier les évolutions sociales, techniques, scientifiques, économiques, politiques, environnementales, culturelles et philosophiques et d’en rendre compte aux autorités politiques ».

A vrai dire, la présence dans l’OP de cinq représentants des hautes écoles domiciliées dans le canton de Vaud s’inscrit davantage dans la problématique des relations entre science et politique qu’entre science et société. Elle soulève en effet la double question du rôle de l’expertise scientifique dans l’action publique et de la possibilité de transférer des travaux des hautes écoles « pour appuyer les autorités étatiques à long terme ». Autrement dit, cela soulève la question à la fois du lien entre décision politique et résultats des travaux de chercheurs/euses, et de la possibilité de valoriser ces savoirs scientifiques à différents horizons temporels, dans un exercice de prospective piloté par un gouvernement cantonal.

En sollicitant plusieurs collègues de la Faculté des sciences sociales et politiques dans le cadre de conférences, d’ateliers thématiques et de focus groupes organisés par l’OP, l’idée était de valoriser des savoirs spécialisés auxquels la politique n’accède pas toujours. Ces interventions appréciées ont permis de nourrir les travaux de l’OP et notamment les « scénarios » élaborés dans le cadre du rapport final « Vaud 2030 » rendu fin 2011 au Conseil d’Etat et approuvé par le Grand conseil  en janvier 2013.

Conscient des limites de la prospective qui ne prédit pas l’avenir mais qui en esquisse les possibles, le rapport identifie quatre « scénarios » principaux pour le canton de Vaud à l’horizon 2030 : statu quo, récession, maîtrise de la croissance, dynamisme par la croissance. S’ils reposent beaucoup sur les variables de croissances économiques et démographiques, ces scénarios prennent aussi en considération les évolutions du rôle de l’Etat, des modes de vie, des politiques territoriales et de cohésion sociale.

A la suite de cette première période expérimentale, l’OP a été reconduit par Arrêté du 29 août 2012 pour la législature 2012-2017 avec la même composition. Parmi d’autres, ses principaux défis seront d’enrichir les bases de données cantonales constituées dans le premier exercice et de consolider la méthodologie prospective, tout en gardant à l’esprit les très fortes interdépendances entre les espaces cantonaux, nationaux et internationaux.