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Guy de Pourtalès portant l’uniforme kaki qu’il s’est fait faire en vue de son affectation auprès de l’armée britannique. Le port de la moustache est alors de rigueur dans les troupes anglaises. ©  J. Lalouette (Le Havre) / Laurent Dubois / BCU Lausanne / CRLR
Guy de Pourtalès portant l’uniforme kaki qu’il s’est fait faire en vue de son
affectation auprès de l’armée britannique. Le port de la moustache est alors de rigueur dans les troupes anglaises. © J. Lalouette (Le Havre) / Laurent Dubois / BCU Lausanne / CRLR

Guy de Pourtalès, au milieu de la guerre

Aristocrate francophile issu d’une famille cosmopolite, l’écrivain genevois a consigné quatre ans et demi de sa vie quotidienne lors de la Première Guerre mondiale. Un Journal étonnant, publié pour la première fois dans son intégralité. 

Entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1919, Guy de Pourtalès a tenu, au quotidien ou presque, un journal de la Grande Guerre. Dans de petits carnets, il a consigné sa vie militaire de manière factuelle et directe. Le cœur de l’écrivain genevois battait pour la France, qui est devenue sa patrie d’adoption en 1912. Mobilisé à 33 ans, il a traversé le conflit sous différentes affectations: automobiliste, interprète pour les Britanniques et les Américains, chargé de la propagande en Suisse par le Ministère des affaires étrangères et officier informateur dans l’Alsace libérée.

Additionné d’une intéressante iconographie, doté de notes, d’un index et d’un répertoire précieux, ce témoignage vient d’être publié chez Zoé. Le texte propose le regard sur la Grande Guerre d’un intellectuel au riche réseau personnel, bien informé des évènements grâce à ses lectures et à ses relations. Il éclaire également une déchirure plus intime, qui se joue parmi les proches de l’auteur. «Huguenote d’origine française, installée à Neuchâtel, la famille de Guy de Pourtalès a compté de nombreux officiers au service de la Prusse, ainsi son oncle Max, son père Hermann et ses deux frères, Raymond et Horace», explique Stéphane Pétermann, éditeur de l’ouvrage et responsable de recherche au Centre de recherches sur les lettres romandes (où sont conservées les archives de l’écrivain). Une photographie émouvante prise le 17 juillet 1914 à Yvoire rassemble des membres français et allemands de la famille, très peu de temps avant les premiers combats.

Même si ce grand libéral a évolué très loin de la témérité d’Ernst Jünger ou de l’engagement d’Henri Barbusse, Guy de Pourtalès a vu des bombardements de près et a côtoyé la mort et la maladie. Bien décidé à accomplir son devoir, il n’a mené son existence sous les drapeaux ni à l’arrière, ni au fond d’une tranchée, mais dans une sorte «d’entre-deux», en intermédiaire. Ironiquement, la proximité de sa famille avec l’Allemagne lui valut, malgré son patriotisme, sa disgrâce auprès des Autorités françaises fin 1917. Un parcours passionnant.

Journée d’étude le 11 novembre 2014. Détails sous www.unil.ch/crlr.

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La capitale vaudoise est riche en parcs et jardins publics. Comment sont nés ces lieux très appréciés des habitants? Quelle est leur histoire? Que signifient-ils? Fruit des recherches menées par des étudiants de master, un ouvrage de poche dirigé par Dave Lüthi répond à ces questions. Une iconographie abondante, ainsi que les belles photographies de Jeremy Bierer permettent de tout apprendre des espaces verts. Cinq itinéraires, soit autant d’idées de balades, sont proposés.

Lausanne – Parcs et jardins publics. Dirigé par Dave Lüthi.  Société d’histoire de l’art en Suisse, coll. Architecture de poche (2014), 223 p.

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Intermédiaires entre les joueurs et les clubs de football, les agents exercent une profession méconnue et entourée d’un nuage de fantasmes. Chercheur à l’Institut des sciences du sport, Stanislas Frenkiel s’est livré à une longue enquête pour lever le voile sur un milieu secret, très difficile d’accès et qui brasse des sommes importantes. La majorité des agents en France connaît pourtant la précarité, ainsi qu’une vie infernale passée au téléphone et en innombrables déplacements.

Une histoire des agents sportifs en France. Les imprésarios du football (1979-2014). Par Stanislas Frenkiel. Editions CIES (2014), 186 p.

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Vice-président du Conseil national et diplômé de l’UNIL, Stéphane Rossini (PS/VS) a mené des travaux sur les politiques de santé dans les cantons latins et Berne. Un accent particulier a été porté sur la cohérence et les dimensions éthiques du sujet, dans un contexte fédéral. Avec une équipe de chercheurs, il s’est intéressé à l’allocation des ressources dans cinq domaines: la planification hospitalière, la réduction des primes d’assurance maladie, la clause du besoin en matière de démographie médicale ambulatoire, le financement des soins et les médicaments.

La gouvernance des politiques suisses de santé. Par Stéphane Rossini. Réalités sociales (2014),  224 p.

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Même s’il vise plutôt les étudiants en Sciences criminelles et les spécialistes, l’ouvrage d’Olivier Ribaux, professeur à l’Institut de police scientifique, s’avère passionnant pour toute personne intéressée par le domaine. Enrichi de nombreux exemples, il détaille la crise que traverse la police scientifique et propose des idées pour sa reconstruction, notamment en mettant l’accent sur l’importance des «généralistes» de la trace, dans un milieu peuplé de spécialistes.

Police scientifique. Le renseignement par la trace. Par Olivier Ribaux. Presses polytechniques et universitaires romandes (2014), 479 p.

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Au début des années 2000, Marie-Claude Hofner, médecin au CHUV, et l’infirmière Nataly Viens Python initiaient «C’est assez», un programme de détection et de prévention liées aux violences domestiques dans le canton de Vaud. Les deux spécialistes de la santé font le bilan du projet dans un ouvrage consacré plus généralement à un thème longtemps peu rendu public. Le livre dresse ainsi un large panorama d’une problématique en cause pour près de 17 000 infractions recensées en Suisse en 2013.

Violences domestiques, prise en charge et prévention. Par Marie-Claude Hofner et Nataly Viens Python. Presses polytechniques et universitaires romandes (2014), 144 p.

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Prolonger Foucault

Cet ouvrage exige une certaine connaissance de la pensée protéiforme de Michel Foucault (1926-1984), mais peut apporter aussi son lot de découvertes aux débutants désireux de comprendre l’importance du philosophe et les prolongements actuels de son œuvre dans les sciences humaines et sociales. Coordonné par Jean-François Bert, enseignant à l’UNIL, et Jérôme Lamy, chercheur à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, ce livre prône sous son intitulé Michel Foucault, un héritage critique la nécessité de répertorier les multiples usages des concepts foucaldiens de biopolitique, par exemple, de gouvernementalité ou encore d’infamie, tout en les explicitant sous la plume de différents connaisseurs et usagers de cette pensée.

Dans ses rapports complexes avec la philosophie, la psychologie, l’ethnologie, l’histoire, Foucault n’a cessé de déplacer les lignes. Ainsi, l’histoire doit interroger les agencements contemporains qui nous paraissent si évidents, nécessaires, voire immuables. Comme la réalité de la prison ou celle de l’hôpital psychiatrique. Son histoire des fous, des prisonniers ou de la sexualité questionne les moments de bascule – entre le Moyen Age et le XVIIe siècle, qui annonce les techniques pour «conduire la conduite» des hommes, le XIXe siècle humaniste et le XXe qui voit émerger le structuralisme – et explore ainsi la manière dont se sont constitués les savoirs d’une époque. Les archives auxquelles il s’intéresse témoignent alors de la rencontre entre des vies obscures et le pouvoir qui surveille, interdit, punit mais aussi suscite la parole. L’histoire dès lors ne va pas sans la littérature, capable précisément de raconter «la vie des hommes infâmes» pour reprendre le titre d’un célèbre article de Michel Foucault. En 1981, il projetait de poursuivre son exploration des corps livrés au pouvoir dans une autre occurrence qui se répète au fil de l’histoire, la guerre ou «ce qui fait qu’une Nation peut demander à quelqu’un de mourir pour elle» (propos tiré d’un complément au DVD Foucault contre lui-même).

Questionner l’ordre établi, intervenir dans l’espace social, capter le surgissement de forces inédites, des «pratiques de liberté» plus ou moins réussies… Cité dans l’ouvrage foisonnant dont il est question ici, Michel de Certeau résume bien le nomadisme de Foucault, pour qui penser «c’est passer; c’est interroger cet ordre, s’étonner qu’il soit là, se demander ce qui l’a rendu possible».

Michel Foucault – Un héritage critique. Sous la direction de Jean-François Bert et Jérôme Lamy. CNRS Editions (2014), 373 p.

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