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Amazing stories vol. 1 (1926). © coll. Maison d'Ailleurs / Agence Martienne
Amazing stories vol. 1 (1926). © coll. Maison d’Ailleurs / Agence Martienne

La SF prend du galon

Un ouvrage richement illustré met en valeur les collections de la Maison d’Ailleurs, le musée de la science-fiction, des utopies et des voyages imaginaires. Plusieurs chercheurs de l’UNIL y ont participé.

Musée aussi intelligent que punk, la Maison d’Ailleurs a inauguré ce printemps un nouvel espace d’exposition, baptisé «?Souvenirs du futur?». C’est également le titre d’un ouvrage jubilatoire, qui met en valeur une partie nanométrique des 100?000 documents conservés à Yverdon. Le lecteur regrette presque que l’ouvrage – pourtant bien illustré – n’exploite pas davantage cette mine d’or – ou plutôt de kryptonite. Des gravures du XVIIe siècle à une couverture modèle 1976 de Métal hurlant tournant la fusée lunaire de Tintin en dérision, l’iconographie constitue à elle seule une excursion dans l’imaginaire.
Si l’on en juge par les couvertures des pulps, ces magazines américains des années 20 à 50, le futur avait l’air plutôt excitant vu du passé?: les journées des Terriens consistaient à explorer des planètes lointaines et merveilleuses, dézinguer des extraterrestres baveux à grands coups de laser, déjouer des complots cosmiques ou flirter avec des Vénusiennes en tenue moulante (dans n’importe quel ordre).
De tout cela, il n’est hélas plus question aujourd’hui. Place au cauchemar?: les représentations de la fin du monde (admirez les horrifiques splendeurs tirées des ouvrages de Camille Flammarion) parlent davantage aux esprits contemporains. Il en est ainsi de la science-fiction, qui a souvent traité d’ici et maintenant tout en mettant en scène l’ailleurs et le demain.
Neuf textes jalonnent l’ouvrage. Parmi les contributeurs figurent plusieurs chercheurs de l’UNIL, qui apportent l’éclairage de leurs domaines?: principalement la littérature et le cinéma. Même si les essais décollent de l’Utopie de Thomas More (1516) et traversent le temps et l’espace jusqu’aux blockbusters récents comme Avatar, l’ouvrage ne constitue pas une histoire de la science-fiction. Mais plutôt une série d’instantanés sur des aspects particuliers?: le merveilleux scientifique, la naissance du genre ou la bande dessinée franco-belge, par exemple.
Ces textes savants, mais accessibles, sont complétés par des «?zooms?», soit des coups de projecteur jetés sur des points précis. Au choix, on y trouve H. G. Wells, les illustrateurs de couverture de pulps ou, plus fou encore dans un livre à forte teneur en minerai académique, le jeu de rôle. La Maison d’Ailleurs possède visiblement une belle collection de ces objets ludiques qui permettent, sans pixels ni manettes, de vivre en science-fiction, ainsi que l’écrivent les auteurs.
Même après avoir été lu et relu, l’ouvrage possède encore une fonction cachée. Son format et son poids permettent d’estourbir le cuistre qui ose encore affirmer que la science-fiction, «?c’est pour les débiles?».

SOUVENIRS DU FUTUR. Sous la dir. de Marc Atallah, Frédéric Jaccaud, Francis Valéry. Presses polytechniques et universitaires romandes (2013), 223 p.

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Les eaux sombres du Léman

Collectées par Marius Daniel Popescu, éditées par Giuseppe Merrone (BSN Press) sous le titre Léman Noir, ces nouvelles nous entraînent dans le monde du crime, passionnel ou professionnel, situé entre Villeneuve et Genève, sur les rives d’un lac réputé touristique, considéré dans ses abords immédiats, les rochers, les bains, les quais, ou observé depuis les hauteurs lausannoises. Le charme d’un tel recueil réside dans sa façon de nous inviter tour à tour dans un univers qui se donne avec humour et clarté, ou qui se laisse approcher un peu plus mystérieusement, voire difficilement, dans un style sombre sans rémission.
Au lecteur de jouer, de se laisser glisser sur ces rivages travaillés par des auteurs universitaires ou pas, en provenance du milieu comme Jean Chauma (reconverti depuis longtemps dans la littérature), de l’UNIL comme Jérôme Meizoz, Raphaël Baroni et Myriam Moraz, ou d’ailleurs.
Avec pas moins de vingt écrivains romands réunis, la variété est au rendez-vous, genre, génération, langage. Parfois l’on tombe sur une phrase comme celle-ci?: «?Il y a neuf ans, j’ai quitté ma femme pour une sirène, et aujourd’hui je désommeille brutalement à côté d’une baleine?» et l’on songe trop rapidement à un auteur masculin, confondu avec son narrateur obsessionnel, et puis non?: ce texte intitulé La casquette rouge de Federer est signé Virginie Oberholzer, dont la biographie en fin d’ouvrage nous apprend qu’elle «?vit actuellement à Lausanne, où elle partage activement sa vie entre le frigo, son lit et la TV?»… Ce charmant recueil ne manque pas de surprendre?; d’un récit à l’autre nous basculons dans l’horreur ou demeurons suspendus à un fil tranché d’une manière insolite, énigmatique. Les corps évoqués sont démembrés, éventrés, emballés, déterrés, déplacés, engloutis, endoloris, emprisonnés, alcoolisés, surpris par les éléments, rattrapés par la fatalité ou simplement fatigués. Même les personnages convaincus d’avancer se trompent, se perdent, s’en sortent parfois, mais de peu et uniquement parce que le hasard, alors, fermait les yeux. Comme le rappelle Marius Daniel Popescu, citant dans son introduction le romancier canadien Christopher G. Moore?: «?J’aime considérer le noir comme le produit de contradictions et de désillusions qui condamne des êtres à vivre sans aucun espoir de les atténuer jamais. Peu importe alors qu’ils luttent, car ils ne s’en sortiront pas?». Sombre, on vous dit. NR

Léman Noir. Nouvelles inédites réunies par Marius Daniel Popescu. Giuseppe Merrone Editeur (2012), 221 p.

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C’est à d’étonnantes balades que nous invitent les auteurs de ce guide pas comme les autres. A l’occasion d’un séminaire de master, une vingtaine d’étudiants de l’UNIL se sont intéressés aux écoles lausannoises. Dirigé par Dave Lüthi, professeur assistant en section d’Histoire de l’art, cet ouvrage en petit format met en lien l’architecture et les théories pédagogiques des XIXe et XXe siècles. Bien illustré, pourvu de cartes et agréable à lire, ce livre présente les nombreux bâtiments scolaires de la capitale vaudoise sous un regard tout à fait original.

Lausanne – Les écoles. Par Dave Lüthi (dir.).  Société d’histoire de l’art en Suisse, coll. Architecture de poche (2012), 255 p.

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Sous-titré «?Les insectes sur la scène du crime?», cet ouvrage de référence traite de la manière dont les nécrophages peuvent être utilisés pour élaborer la datation de la mort, dans le but d’aider la justice pénale. Cette deuxième édition, revue et augmentée, est le fruit de la collaboration entre l’inspecteur de la Sûreté Claude Wyss et l’entomologiste Daniel Cherix, Prix de l’Université 2013. Si le texte s’adresse plutôt aux professionnels du domaine, il peut également intéresser les curieux et les amateurs de séries télévisées.

Traité d’entomologie forensique. Par Claude Wyss et Daniel Cherix. Presses polytechniques et universitaires romandes (2013), 317 p.

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En 21 chapitres brefs, Manon Jendly, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de criminologie et de droit pénal, livre un tour d’horizon de la prévention de la criminalité. L’auteur soutient fortement l’idée que cette dernière est bien plus prometteuse, à terme, que la répression. La recherche montre que la perspective de la sanction, même celle de la peine de mort, n’a que peu d’influence sur les comportements. Pire?: l’effet de «?brutalisation?» qu’elle génère peut favoriser un climat de violence dans la société.

Prévenir la criminalité?: oui… mais comment?  Par Manon Jendly. Les Editions de l’Hèbe (2013), 90 p.

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Rédigé par Taline Garibian et Vincent Barras (respectivement chargée de recherche et directeur de l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique), cet ouvrage permet de prendre du recul, en pleine polémique sur le nombre de médecins étrangers exerçant en Suisse. L’impact de la migration sur le système de santé, que l’on parle du personnel soignant ou des patients, agite les esprits depuis un siècle au moins, avec des moments de grande crispation avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Migration et système de santé vaudois, du19e siècle à nos jours. Par Taline Garibian et Vincent Barras. Editions BHMS (2012), 72 p.

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Maître assistant à l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines, Claude-Alexandre Fournier s’est intéressé à sa grand-mère, Odette Fournier. Sage-femme à Haute-Nendaz entre 1936 et 1973, cette figure importante de la communauté était présente aux deux extrêmes de la vie, la naissance et la mort. Elle a également contribué au passage vers la modernité, en adoptant rapidement le téléphone et l’automobile. Un ouvrage passionnant, enrichi de nombreux témoignages.

Odette Fournier, sage-femme. Attitudes religieuses face  à la naissance en Valais entre 1930 et 1970. Par Claude-Alexandre Fournier. Editions Labor et Fides (2013), 234 p.

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