Ce que les objets font à la littérature… et réciproquement

Les objets sortent du placard pour révéler grâce à la littérature ce qu’ils nous font, pour le meilleur et pour le pire. Un colloque à l’Anthropole.

Beau colloque qui sortira les objets du placard pour révéler grâce à la littérature ce qu’ils nous font, pour le meilleur et pour le pire. Petit tour d’horizon avec la professeure Marta Caraion, directrice du projet FNS «Littérature et culture matérielle, 1830-2020».

Elle a invité Sophie-Valentine Borloz (postdoctorante) et Joséphine Vodoz (doctorante) à nous rejoindre, car toutes deux sont fortement impliquées dans l’organisation de ce colloque commun à la section de français et au Centre des sciences historiques de la culture. Marta Caraion est une spécialiste de la littérature française du XIXe siècle et ses recherches font écho à celles d’un historien comme Manuel Charpy (CNRS), dont les travaux sur la culture matérielle de la bourgeoisie contribuent à éclairer les pratiques d’un quotidien disparu. Au nombre des invités, il présentera une conférence : ce colloque international en comprendra une bonne vingtaine à suivre en présentiel (Anthropole, salle 3185) du 16 au 18 février 2022. 

L’objet banal ou déniché

L’objet en littérature répond à des visées diverses : volontiers militant dans la littérature contemporaine, il se prête d’abord à la minutie des écrivains réalistes, ce qui n’exclut pas la distance critique : « On trouve chez Balzac, par exemple, beaucoup d’ironie dans la description de ce monde consumériste naissant », souligne Marta Caraion. Elle évoque une époque marquée par plusieurs Expositions universelles à la gloire du capitalisme industriel et des inventions qui font imaginer un futur technologique débridé. C’est aussi un moment où la distinction consiste à fuir cette production en série pour se plonger, en quête d’antiquités et de curiosités, dans les ventes aux enchères et les brocantes, des « lieux de bonheur descriptif pour ces écrivains ».

De Jules Verne à Annie Ernaux

La professeure a publié en 2020 un ouvrage intitulé Comment la littérature pense les objets. Théorie littéraire de la culture matérielle (Champ Vallon, collection Détours) et cite – au-delà du XIXesiècle de Balzac, Zola ou Jules Verne, notamment – des auteurs et autrices qui ont prolongé jusqu’à nous cette interrogation autour des mythologies, de l’esprit ou du système des objets : Barthes, Baudrillard, Perec, Tisseron, Ernaux…

Histoire collective et intime

De l’archive (matérielle ou dématérialisée) qui valorise les traces collectives à l’objet intime qui porte le culte du souvenir à un point parfois morbide, comme dans le roman du Belge Georges Rodenbach Bruges-la-Morte (1892), de l’objet bourgeois à l’objet utilitaire comme l’outil de travail ou, donnant accès au passé, la trace forensique, sans oublier ces maisons familiales vidées après la mort d’un parent, comme dans Avant que j’oublie (2019) d’Anne Pauly, ce colloque se présente comme une histoire de la vie matérielle qui nourrit tous les aspects de nos existences : de la survie dans certains contextes tragiques à la fantaisie, l’imagination, la fiction. La littérature dit l’intime via tous ces objets, mais aussi le social, le culturel, l’économique, le politique ; elle exprime le manque et le pléthorique (thématique des déchets qui sera explorée à partir de Michel Tournier…). Ce colloque ambitionne d’en donner un panorama sur pratiquement deux siècles.