
© Nathalie Morisod
UNE COMÉDIE TAOÏSTE
Théâtre La Grange de Dorigny, Lausanne
18-22 juin 2002
Ont donné corps au texte : Evelyne Braun, Eleonora Gianetta, Jérôme Giller, Roelof Overmeer, Laure Salamolard, Pierric Tenthorey
L’ont décortiqué, apprivoisé, torturé, digéré, mis en scène, en musique et au pilori les jours moins inspirés : E.B., L.F., E.G., J.G., R.O., J.R., L.S, et P.T
L’ont monté, paré, habillé, commenté, éclairé, fait résonner, se sont transformés tour à tour en paparazzis, standardistes émérites, scribes quasi pharaoniques, dresseurs de punaises, de chaises et de matériel informatique souvent récalcitrant : Samuel Cheseaux, Lucienne Favre, Vincent Marolf, Nicolas Mayoraz, Joëlle Richard

© Nathalie Morisod
“Aussi sonne, sent sur un fil les ondes, les ombres se déversant, elle. Aussi au lever et au lever et au coeur de l’éclair se tend, sans sens, sans histoire.” UnTropPeu-, Prologue
UnTropPeu-, c’est, justement, l’histoire de JeuneVieuxFou. D’un conteur. D’un héros local et d’un papillon. Entre deux battements d’ailes, tous se croisent, s’opposent, improvisent et finalement se complètent, avec comme uniques témoins, spectatrices et complices, deux rangées de chaises – blanches. Paradoxe pour le seul fil rouge d’une pièce qui se refuse – et c’est un comble – qui se refuse à expliquer. Le seul ? Peut-être que non. Loin du traité entomologique ou d’une quelconque apologie de la folie, UnTropPeu- oscille pourtant entre les extrêmes – jeunesse et vieillesse, masculin et féminin, comédie et tragédie. Dans son désir tour à tour de construire puis de réduire à néant un sens qui nous échappe, elle se refuse toujours à trancher et trouve finalement son équilibre au sein même de leur réconciliation. Il y a là, peut-être, un peu de Lear, de taoïsme et de jeux d’enfant. Non sans violence. Non sans magie. Non sans humour. Alors, UnTropPeu- certes, mais un trop peu – de quoi? Certainement pas du plaisir qu’il y a à redécouvrir un langage, notre langage, dans ce qu’il a de libre, de ludique et de non conventionnel, alors même que souvent on cherche à tout comprendre, à tout maîtriser – un peu trop.
Joëlle Richard

© Nathalie Morisod
UnTropPeu- est née d’une rencontre, celle d’une lecture cherchant l’illisible avec l’écriture d’un ancien Chinois, Tchouang Tseu, qui – on se permet de l’imaginer – pensait, et pense toujours, que tous les éléments qui forment l’univers sont équivalents, tout en étant très différents. En outre, pour Tchouang Tseu, équivalence et différence sont les seules qualités qui ne changent pas, puisque tous les éléments qui forment l’univers sont pris dans des devenirs, des devenirs qui n’arrivent jamais à l’être, des devenirs qui admettent toutes les contradictions. Ainsi, le sens du plaisir de vivre et de mourir ne se trouve pas dans (l’illusion de) l’éternel et (de) la stabilité mais dans la recherche de l’équilibre, toujours momentané, au milieu des forces qui déferlent. Comme des surfeurs, sauf que pour Tchouang Tseu, l’être humain ne peut jamais surfer seul. Par conséquent, comme le dit le conteur de la pièce :

© Nathalie Morisod
Aussi sonne, sent sur un fil les ondes, les ombres se déversant, elle. Aussi au lever et au lever et au coeur de l’éclair se tend, sans sens, sans histoire. L’indicible se transforme dans la lumière, reprise par des voix affairées, elles, battant des ailes dans une inspiration du regard. Chaque nuance encline, une magie faisant songeuse, puis sourire, puis rire en cascades. L’eau roule, seule, elle court, approche…
Car les langages qui se parlent sur une scène de théâtre doivent chercher les trous et les ouvertures plutôt qu’accepter la triste fermeture du pouvoir.

© Nathalie Morisod
La pièce propose donc deux suites d’histoires :
La suite de l’histoire du vieux chinois qui ne savait pas s’il était un homme qui rêvait qu’il était un papillon, ou s’il était un papillon qui rêvait qu’il était un homme qui rêvait qu’il était un papillon.
puis :
La suite de l’histoire du jeune papillon qui ne savait pas s’il était un papillon qui rêvait qu’il était un nouveau né, ou s’il était un nouveau né qui rêvait qu’il était un papillon qui rêvait qu’il était un nouveau né.

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Des histoires, mais des histoires qui se rient de la linéarité, tout en cherchant leur ligne de force, une ligne tout sauf linéaire, qui ne se trouvera, si elle se trouve, que lors des répétitions qui transformeront le texte en pièce de théâtre.
Roelof Overmeer

© Nathalie Morisod