La Bastille revue et corrigée par Linguet

La Bastille revue et corrigée par Linguet
Mémoires sur la Bastille et sur la détention de M. Linguet, écrits par lui-même (A Londres : de l’imprimerie de T. Spilsbury, 1783)

L’avocat Simon-Nicolas-Henri Linguet fut l’un des plus brillants publicistes des années pré-révolutionnaires. Son esprit caustique et sarcastique lui valut de nombreux ennemis, et il préféra quitter la France. On le retrouve en Suisse, en Hollande, à Londres, où il publie en 1777 sa célèbre feuille, les Annales civiles, politiques et littéraires. Suite à son enlèvement par la police française à Bruxelles en 1780, il passera deux années à la Bastille qui lui inspireront la rédaction de ces Mémoires dont la publication fit grand bruit.

Parmi la dizaine d’éditions publiées en 1783 sous l’adresse supposée de Londres, deux le furent à Lausanne. Celle-ci sort des presses d’Abraham-Louis Tarin, identifiable à son matériel typographique, probablement pour le compte du libraire-éditeur François Grasset.

Frontispice représentant l’auteur, en compagnie d’autres personnages se prosternant devant la statue élevée à la gloire de Louis XVI avec, à l’arrière-plan, la Bastille en ruine. La prémonition ne se vérifia pas complétement : la Bastille fut bien détruite, mais pas par Louis XVI, et Linguet fut décapité en 1794…

Des fleurs et des fruits à profusion…

Des fleurs et des fruits à profusion…
Raoul Adrien Fréard du Castel, L’école du jardinier fleuriste, nouvelle édition, corrigée et augmentée par un membre de la Société œconomique de Berne (Yverdon, 1767)

Imprimée par F.-B. de Félice, cette édition revue par le pasteur yverdonnois Jean Bertrand témoigne de l’engouement, à la faveur des théories énoncées par les physiocrates, pour les jardins fruitiers et les plantations florales.

Exemplaire doté d’un frontispice gravé par Le Veau d’après Gravelot représentant deux gentilshommes devant une plantation de tulipes.

« L’heureux jour » contrefait à Lausanne

« L’heureux jour » contrefait à Lausanne
Masson De Pezay, L’heureux jour, épître à mon ami (A Paris, et à Lausanne : chez François Grasset, 1768)

Contrefaçon lausannoise d’un opuscule publié la même année à Paris. La vignette et le fleuron ont été gravés en taille-douce  à Lausanne par Chovin sur le modèle parisien, oeuvre d’Eisen ; le titre gravé et le frontispice illustrant l’édition originale n’ont pas été repris.

Né à Genève en 1718, Jacques-Antony Chovin est le premier taille-doucier établi à Lausanne, en 1761, après avoir été actif à Bâle, où il signe des travaux dès 1748 au moins.  Auparavant, les planches illus­trant des ouvrages imprimés à Lausanne étaient confiées à des professionnels parisiens, lyonnais ou genevois.

Masson

Un incunable de l’aquatinte

Un incunable de l’aquatinte
Coqueley de Chaussepierre, Le roué vertueux (Lauzanne, 1770)

Cette pochade littéraire prétend réduire à quelques exclamations le texte de l’auteur («En n’y mettant rien, en n’en pourra pas critiquer le style»), laissant le soin à quelque bonne plume de «s’exercer et remplir, en vers ou en prose, ce grand sujet». Prisé par les dadaïstes, qui y virent une préfiguration de leurs idées, ce livre étonnant est illustré de cinq planches anonymes attribuables à Jean-Baptiste Le Prince, considéré comme l’inventeur de la technique de l’aquatinte.

L’aquatinte, grâce à un procédé de grainage au sable des plaques permettant d’obtenir un effet de lavis, constituera un mode de représentation très apprécié à la fin du 18e siècle, avant d’être relayé par la lithographie puis par les procédés photomécaniques, moins coûteux. L’adresse de Lauzanne figurant est fictive. L’ouvrage a paru à Paris.

Coqueley

Un « erotica » lausannois

Un « erotica » lausannois
Aphrodisiaque externe ou Traité du fouet et de ses effets sur le physique de l’amour, ouvrage médico-philosophique; suivi d’une dissertation sur les moyens capables d’exciter aux plaisirs de l’amour (1788)

Attribué au médecin François-Amédée Doppet (né à Chambéry en 1753), cet ouvrage fait partie de ce que les libraires de l’époque appelaient pudiquement les « Livres philosophiques ». Il témoigne de la mode du libertinage et de la curiosité que suscitent les thématiques hédonistes pour les contemporains du marquis de Sade.

Cette édition, sortie des presses lausannoises d’Henri Vincent, identifiable à son matériel typographique (selon Pascal Delvaux, étude en cours), constitue un des rares exemples connus de tels livres imprimés en terre vaudoise.

Des Hurons lausannois qui n’en sont pas…

Des Hurons lausannois qui n’en sont pas…

L’Ingénu, histoire véritable tirée des manuscrits du Père Quesnel

Ce texte, l’un des plus célèbres de Voltaire, a paru à Genève, chez les frères Cramer, sous l’adresse fictive d’Utrecht en 1767.  Parallèlement, une édition pirate a été publiée à Paris sous le titre Le Huron, ou l’Ingénu et l’adresse, tout aussi fictive, de Lausanne. Ces deux éditions ont été réimprimées l’année même une douzaine de fois par des ateliers restés anonymes. On dénombre 8 éditions différentes datées de Lausanne en 1767…

La Terreur à Lyon…

La Terreur à Lyon…
Liste générale des dénonciateurs et des dénoncés, tant de la Ville de Lyon que des Communes voisines et de celles de divers Départemens (Lausanne : Société typographique, 1795)

« Plusieurs Citoyens de Lyon, qui s’étoient réfugiés dans notre Ville, et à qui nous avons donné l’hospitalité pour les soustraire à la hache triumvirale, nous ont fait-parvenir, après leur retour dans leurs foyers, les listes des dénonciateurs et dénoncés, avec prières de les faire imprimer. Nous avons acquiescé à leur demande, et nous nous sommes persuadés que non seulement nous rendions service aux braves Lyonnais, en publiant ce recueil qui leur fera connoitre les bons et les mauvais Citoyens, et dont nous garantissons l’autenticité par les pieces originales et en bonnes formes, qui sont entre nos mains, mais nous croyons encore avoir préparé des matériaux à l’homme de lettres qui donnera l’histoire impartiale de la Révolution de la France.

Description de la gravure :

A droite, une mère avec ses enfans arrosant de leurs larmes un Mausolée qui renferme les restes d’un époux fidelle, d’un père tendre, égorgé par les Robespierriens. Des cyprès ombragent le Mausolée. Un génie planant dans les airs, ceint de la couronne de l’immortalité, une urne cinéraire, qui surmonte la pyramide. A gauche, un canon, pour désigner le genre de mort, inventé par le sanguinaire Collot, pour punir les prétendus rebelles de Lyon. »

L’origine lausannoise de cette liste dénonçant les méfaits des parti­sans de la Terreur à Lyon est douteuse : la Société typographique, censé l’avoir imprimée, a cessé toute activité en 1783 déjà.

Cervantès imprimé à Lausanne

Cervantès imprimé à Lausanne
Nouvelles exemplaires de Michel de Cervantes Saavedra, traduction et édition nouvelle augmentée de trois nouvelles qui n’avoient point été traduites en françois & de la vie de l’auteur par Mr. l’abbé S. Martin de Chassonville (Lausanne : Marc-Michel Bousquet, 1759, 2 vol.)

Le libraire-éditeur lausannois Marc-Michel Bousquet, dont le com­merce s’étendait à l’Europe entière, a publié les Nouvelles exem­plaires de Cer­vantès à plusieurs reprises, en espagnol (1743) et en français (1744 et 1759), dans la traduction publiée par l’abbé Saint-Martin de Chas­sonville à Amsterdam de 1705 à 1707.

Le frontispice gravé et les 10 planches qui ornent cette parution sont identiques dans toutes les éditions de ce livre publiées par Bousquet.