Après les fastes du Nouvel Empire, les pharaons renoncent à la nécropole de la vallée des Rois pour s’installer à Tanis, plus au nord, laissant derrière eux les prêtres d’Amon voulant demeurer à Thèbes. La période qui s’ouvre est nettement moins connue que les deux précédents millénaires. « L’Égypte jadis grandiose et solide est en proie à une instabilité politique qui favorise les invasions, or les pharaons étrangers ne sont pas des bâtisseurs de pyramides. Plus modestes, leurs tombeaux restent cependant richement dotés en textes, images, masques en or et en argent ainsi que d’autres éléments de mobilier », décrit l’égyptologue Giuseppina Lenzo, qui travaille avec Enrico Pozzi, doctorant à l’Institut romand des sciences bibliques, et deux collègues français, Raphaële Meffre et Frédéric Payraudeau.
La tombe d’Osorkon II
Elle dirige un projet FNS débuté en 2024 et centré sur les textes funéraires de ce premier millénaire dont les tombes découvertes juste avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale sont restées relativement peu explorées, pour les raisons qu’on imagine. Il y a notamment celle du pharaon Osorkon II, à Tanis. Mais aussi des tombes collectives à Thèbes, découvertes à la fin du XIXe siècle, d’où provient le plus long papyrus connu, un rouleau de 37 mètres élaboré par une prêtresse du temple de Karnak et conservé au British Museum, où Giuseppina Lenzo a pu l’étudier en décryptant cette écriture hiératique plus hâtive que les hiéroglyphes. Le livre qu’elle a signé en 2023 sous le titre The Greenfield Papyrus connaîtra un prolongement en 2025 avec un ouvrage en préparation sur la tombe d’Osorkon II, riche en images et textes gravés sur la pierre (uniquement en hiéroglyphes).
« À travers des scènes de la vie dans l’au-delà, peuplées de personnages, il s’agit de formules qui aident le pharaon à obtenir le soutien des dieux et les offrandes nécessaires à assurer son long voyage au royaume de la mort. »
Giuseppina Lenzo, Maître d’enseignement et de recherche
La vie cachée du dieu Rê
Le projet FNS porte plus précisément sur les versions du Livre de l’Amdouat postérieures à celles plus connues de la vallée des Rois (Nouvel Empire, soit l’apogée de cette civilisation). Au Musée égyptien de Turin et au Metropolitan Museum of Art, Enrico Pozzi va en analyser les papyrus, tandis que Giuseppina Lenzo se concentrera sur les hiéroglyphes qui exposent le même récit cette fois sur la pierre elle-même, dans la tombe d’Osorkon. « Oui, parfois c’est oppressant, il faut se glisser dans des cavités mal éclairées », concède l’égyptologue.
Cette histoire qui a traversé les longs siècles égyptiens relate la vie cachée du dieu Rê, qui incarne le soleil : que se passe-t-il dans la période invisible entre son coucher à l’ouest et sa renaissance à l’est ? se demande Le Livre de l’Amdouat. Et comment accompagner au mieux le pharaon décédé afin qu’il puisse vaincre ses ennemis divers et multiples du monde souterrain pour renaître un jour avec le soleil victorieux des ténèbres ?
Un récit plurimillénaire
Alors que la nuit noire de jadis, associée à la mort, inspirait moins les créateurs, l’approche du jour offre les illustrations les plus riches imaginées par les auteurs successifs de L’Amdouat. « Le moment le plus important se situe dans les quatre heures précédant le lever du soleil, qui est la chose essentielle aux yeux des Égyptiens », conclut Giuseppina Lenzo, dont la passion pour l’Égypte ancienne ne faiblit pas depuis son enfance. Il s’agit ainsi d’étudier les adaptations et les ajouts apportés à ce récit funéraire dans le premier millénaire, dont la chercheuse de l’UNIL s’est fait une spécialité. – NR
