« Notre fil directeur, c’est le potentiel que recèle chaque projet de nourrir les échanges entre chercheuses, chercheurs et artistes », résume Bénédicte Brunet. Aux commandes de La Grange depuis la rentrée 2021, elle en a fait une condition présidant au choix des spectacles créés sur place – un bon quart de la vingtaine programmée chaque saison dans le théâtre-laboratoire créatif de l’UNIL. Des propositions qui émanent désormais aussi bien des artistes que des scientifiques :
« Elles et ils saisissent comment leurs spécialités peuvent s’articuler, l’identité du lieu est comprise et une communauté s’intéressant à ces collaborations transversales et aux objets culturels qui en découlent a pu voir le jour. »
Bénédicte Brunet, directrice artistique
Des initiatives comme Agora, qui encouragent les chercheuses et chercheurs à communiquer leur travail à un public non spécialiste, servent également à faire émerger des projets.
« Avec Aurélien Maignant, mon binôme pour la partie créations arts / sciences, nous réfléchissons à l’aspect scénique et aux personnes à inviter ou impliquer pour structurer la proposition », poursuit-elle. Tout démarre généralement par une résidence de recherche dans une période de six mois à un an avant le spectacle. Détachée de la production, celle-ci permet aux chercheuses, chercheurs et artistes de brasser leurs idées.
Un festival multiévénement
Un processus dont résulte parfois une publication commune, comme celle du projet « Écotones », présentée en mars 2024 par le collectif MALM. Le travail mené dans le val Ferret par ce groupe de quatre artistes et scientifiques se prolonge sous la forme d’un journal. Et la cuvée 24-25 du désormais traditionnel festival multiévénement qui ouvre la saison a aussi débouché sur un ouvrage réalisé en partenariat avec les éditions Hélice Hélas. Intitulée « La Mixtape du Multivers », cette édition du festival a multiplié les propositions – deux pièces de théâtre et autant de fictions sonores, plus une installation, avec l’humour pour trait d’union. Le grand public a apprécié.
Émotions fortes et scène « Relax »
Autres temps forts de l’année, Le cerveau mou de l’existence, une création entre danse et performance du collectif Foulles présentée en avril 2024 invitant à expérimenter la lenteur – un thème très en vogue en ce moment – et en novembre la pièce Toute intention de nuire, d’Adrien Barazzone, qui explorait les liens entre droit et littérature, a aussi fait le plein.
L’année s’est achevée avec HIKU, un dispositif déambulatoire imaginé par Anne-Sophie Turion et Éric Minh Cuong Castaing. Cette immersion dans le monde des hikikomoris, des personnes ayant choisi de s’isoler de la vie sociale au Japon, a touché les visiteuses et visiteurs. Rien d’étonnant à cela, la pandémie de Covid-19 et les semi-confinements nous ayant rappelé que « les questions liées à la solitude nous concernent toutes et tous », relève Bénédicte Brunet. Émotions fortes au rendez-vous grâce à des avatars robotiques qui permettaient des rencontres avec des hikikomoris en réinsertion par écrans interposés.
À l’intersection des genres, La Grange se veut aussi un carrefour, ouvrant largement ses portes à un public très mélangé. « Historiquement, nous sommes très proches du milieu culturel lausannois et nous tenons à ce que cela perdure. Mais nous recevons par ailleurs de plus en plus de visiteurs et visiteuses de la communauté UNIL », se réjouit-elle. L’institution met en outre un point d’honneur à faire preuve d’inclusivité avec des représentations labellisées « Relax ». Au cours de celles-ci, les codes du spectacle sont assouplis – « la salle reste légèrement éclairée et l’on peut bouger, parler ou exprimer librement ses émotions » – ce qui permet d’accueillir également un public moins conventionnel telles des personnes avec handicap ou TDAH, ainsi que des enfants. – SUn
