Giuseppe Sorrenti est né à Sanremo et conserve un lien fort avec Turin – il a grandi dans les environs – et Milan, où il se rend pratiquement chaque semaine depuis son nouveau fief lausannois, où son tout jeune fils est accueilli à la crèche sur le campus de Dorigny. Giuseppe Sorrenti enseigne l’économie publique en HEC, en particulier l’ensemble des décisions politiques et fiscales qui permettent de financer l’action publique.
Sa recherche porte sur la formation du capital humain, spécialement durant l’enfance. « Chaque personne a un potentiel, un talent à découvrir et à développer, mais chacun ne peut pas le faire pleinement », amorce-t-il. Il s’intéresse donc aux milieux socio-économiques qui favorisent ou, au contraire, limitent l’épanouissement des enfants, et tente de dégager des pistes pour sortir de la spirale qui enferme les jeunes dans des parcours prédéterminés.
Deux exemples. Dans l’une de ses recherches, lui et son équipe ont exploité des données récoltées par l’Université de Zurich il y a une vingtaine d’années. Constat : les enfants qui avaient suivi à l’époque un programme scolaire fondé sur l’enseignement des aptitudes sociales et émotionnelles s’en sortent mieux aujourd’hui que ceux qui n’ont pas bénéficié du même programme. Une autre étude l’occupe en ce moment, fondée sur le concept des styles de parentalité, créé par la psychologie comportementale. Trois genres de parents se proposent, tous, d’élever leur progéniture en lui offrant le maximum de chances grâce à une éducation permissive (plus typique des pays européens nordiques), ou alors autoritariste (comme en Chine…) ou encore persuasive (représentative des États-Unis ou d’autres pays européens, dont la Suisse).
Une éducation en fonction du contexte
De manière générale, les parents agissent en fonction de ce qu’ils pensent être le mieux dans un contexte donné. Lorsque l’environnement est moins inégalitaire sur le plan économique et social, explique le chercheur, « les parents peuvent laisser leurs enfants décider, apprendre de leurs échecs et se relever ». Face à un cadre plus inégal, voire dangereux, les parents auront tendance à jouer le rôle d’« hélicoptères » en surveillant constamment leurs enfants et en adoptant un style autoritaire pour leur imposer le choix d’une école, d’une formation, d’un mode de vie en vue de limiter les risques. Enfin, dans l’entre-deux, on trouve des parents mi-confiants et mi-inquiets qui vont opter plutôt pour la persuasion, laissant à leurs enfants la possibilité de discuter avec eux tout en les encadrant. « Nos choix sont influencés par le contexte socio-économique », souligne Giuseppe Sorrenti, qui étudie, par exemple, les conditions et les effets d’une politique de mixité impliquant de déplacer des enfants dans une école et un quartier différents de leur lieu d’habitation.
Les femmes sur le marché du travail
Giuseppe Sorrenti développe aussi ses recherches sur l’encouragement du travail des femmes et les façons de réduire les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail. « C’est intéressant et essentiel de faire de la recherche sur ce sujet », affirme l’économiste en poste précédemment à l’Université d’Amsterdam. En Suisse, il débute ainsi une étude cantonale comparative sur « l’empouvoirement des femmes » à partir des scrutins successifs qui leur ont accordé, dans divers contextes, le droit de vote. Comment ces décisions ont-elles fait évoluer la vie politique, celle des citoyens, notamment des femmes ? Tout un programme ! – NR