Maître d’enseignement et de recherche à la Faculté des lettres, depuis février 2022, Raphaëlle Ruppen Coutaz a travaillé sur les réseaux éducatifs proeuropéens en Suisse et le rôle de la SSR dans la diplomatie de notre pays durant la Seconde Guerre mondiale, sous l’angle des relations culturelles internationales.
En ce moment, elle s’intéresse plus particulièrement à l’histoire des médias dans une perspective croisée (presse écrite et radiophonique) grâce à un projet soutenu notamment par le FNS pour rassembler sur une interface unique des archives de presse et de radio d’Europe occidentale ; il s’agit également de développer des outils novateurs au bénéfice des recherches historiques transmédias et transnationales ; outre l’UNIL et l’EPFL, ce projet rassemble les universités de Zurich et du Luxembourg et suscite une collaboration avec 21 partenaires institutionnels et culturels européens (bibliothèques nationales, archives, grands médias…).
L’historienne spécialisée sur le monde contemporain a lancé, avec sa collègue de l’Université de Fribourg Pauline Milani, le Dictionnaire sur l’histoire des femmes en Suisse (FS-DS.ch). Cette plateforme digitale comprend des notices biographiques succinctes et percutantes, dont certaines issues du projet national Hommage 2021 lancé pour le cinquantième anniversaire du droit de vote et d’élection des femmes ; la plateforme hébergée à l’UNIL vise à pérenniser et prolonger ce travail avec des portraits inédits et enrichis au fil du temps, rédigés notamment par les étudiantes et étudiants des deux enseignantes, sous la supervision d’une responsable éditoriale, Carmen Crozier, assistante diplômée à la Section d’histoire.
Une présence méconnue mais bien réelle
Ce dictionnaire comprend également des articles un peu plus longs pour éclairer les divers contextes, ainsi que de nombreuses sources numérisées, écrites ou audiovisuelles, permettant de plonger dans la vie de ces femmes méconnues mais actives et engagées dans des métiers, des institutions, des activités sociales, culturelles, religieuses ou politiques.
« Quand on s’intéresse aux femmes du passé, on s’aperçoit de leur présence par exemple à côté d’un homme sur la photo ou dans une archive familiale centrée sur un conjoint ou un père, parfois à travers des textes de leur plume, des activités commerciales qu’elles reprennent à la mort d’un mari, des initiatives ou des objets façonnés de leurs mains… Ces femmes d’autrefois sont bel et bien présentes jusque dans nos musées, mais il faut leur prêter attention pour pouvoir ensuite visibiliser leur histoire. »
Raphaëlle Ruppen Coutaz, Maître d’enseignement et de recherche
Un travail qu’elle entend poursuivre en relation avec d’autres chercheurs et chercheuses en histoire ancienne, par exemple, pour remonter encore plus loin dans le temps, ou alors en section d’histoire et esthétique du cinéma, où des liens sont déjà noués pour illustrer les femmes dans l’histoire de la télévision en Suisse romande. Une collaboration est en cours avec la Commune de Nyon, notamment, pour révéler une histoire régionale au féminin. « Nous avons des échanges avec le Dictionnaire historique de la Suisse, qui est un instrument de base pour tout historien mais où les parcours féminins, plus lacunaires et modestes, peinent à émerger face aux hommes. Petit à petit il s’agit de corriger ces biais, sachant que 24’000 notices portent aujourd’hui sur des hommes pour moins de 1300 concernant des femmes », souligne-t-elle.
Être plus inclusif avec le passé
Il s’agit de se montrer « plus intégratif avec le passé », un défi qui passionne cette historienne et alimente autant sa recherche que son enseignement. La plateforme a déjà nourri un séminaire de master en 2023. Son envergure nationale suppose que tous les portraits ou notices biographiques, à terme, soient traduits dans les trois langues, notamment grâce à un partenariat conclu avec le Programme de spécialisation en traduction littéraire de l’UNIL. Un comité de pilotage soutient le développement stratégique du projet, son intégration dans les enseignements universitaires et le déploiement d’activités de médiation scientifique dans les différentes régions linguistiques. Raphaëlle Ruppen Coutaz se réjouit, en outre, de la reconnaissance symbolique de FS-DS.ch par la Société suisse d’histoire, association faîtière des historiennes et historiens de ce pays. – NR
