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Culture, seuil du sens, barbarie

Je ne sais jamais tout à fait, à titre individuel, en conscience singulière, ce que recouvre ma culture: elle est toujours plus vaste que moi, plus complexe, plus profonde que je ne l’imagine, écrit Carole Maigné, professeure de philosophie à l’Université de Lausanne

Artiste et illustrateur français vivant à Paris, Julien Pacaud a été tour à tour astrophysicien, joueur de snooker international, hypnotiseur et professeur d’espéranto. Il illustre notre semaine de débats autour de la philosophie. — © Julien Pacaud pour Le Temps
Artiste et illustrateur français vivant à Paris, Julien Pacaud a été tour à tour astrophysicien, joueur de snooker international, hypnotiseur et professeur d’espéranto. Il illustre notre semaine de débats autour de la philosophie. — © Julien Pacaud pour Le Temps

Cet été, «Le Temps» a confié ses espaces dévolus aux opinions à six personnalités, chacune sur un thème et une semaine. Le philosophe Martin Morend anime cette cinquième semaine, consacrée à son sujet de prédilection. Retrouvez toutes les contributions de ses invités.

Comment définir la culture? est-ce un objet? ou un ensemble d’habitudes? une substance éternelle? une identité? Rien de tout cela et moins elle rentre dans une définition fermée et plus on l’attrape dans sa réalité. Là est le paradoxe… Il est clair qu’on ne s’en débarrasse pas: on n’échappe pas à sa culture, même si on peut rompre avec certaines dimensions de cette culture: devenir athée dans une culture très religieuse, devenir une femme émancipée dans une culture patriarcale, devenir tout simplement autre que ce que certains auraient voulu que l’on soit…

Or si on ne s’en débarrasse pas, c’est que la culture n’est pas un contenant, n’est pas une somme d’objets mais un ensemble de significations. Ce n’est pas un grand sac avec des pommes et des poires et des scoubidous, selon le refrain de la chanson, mais des strates de significations qui me précèdent et me survivront. «L’esprit ne peut pas enlever, comme une peau de serpent, les formes dans lesquelles il vit et existe, dans lesquelles non seulement il pense mais aussi il sent et perçoit, voit et donne forme aux choses» (Cassirer). Ce n’est donc pas une substance: ce n’est pas une entité par soi, c’est un quelque chose qui ne tient que par les relations que les hommes tissent. Le tissu, le tissage définissent bien mieux la culture que toute opération de délimitation, que toute découpe raide et péremptoire. On parle bien de la culture européenne, de la culture indienne, de la culture islamique, etc., mais cela recouvre en fait des entités tout à fait disparates, qui n’ont pas l’homogénéité que ce genre d’appellation leur prête. Il ne s’agit pas de dire que ces désignations ne font pas sens ou n’ont pas un effet, notamment politique: c’est bien ainsi qu’on oppose les cultures, en faisant de la culture une série de cultures antagonistes où chaque culture est mesurée à une idée de la culture qui en serait la norme; toute culture est pourtant une des modalités possibles de la culture en général.

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