De la poésie à déguster sans modération

Cette année, le printemps aura une saveur particulière. Un fruit bleu, qui se goûte autrement : par l’esprit, du 19 mars au 2 avril.

Cette année, le printemps aura une saveur particulière. Un fruit bleu, qui se goûte autrement : par l’esprit. Une manière différente, mais tout aussi savoureuse, de célébrer l’équinoxe du 19 mars au 2 avril.

« La Suisse est bleue comme une orange. » Ce vers du poète Paul Eluard, un brin transformé, annonce l’éclosion du printemps en terres helvétiques, et surtout l’éveil de la vallée lyrique. Pour sa nouvelle et septième édition, le Printemps de la poésie veut transformer le pays en un globe savoureux. Propulsée par l’Université de Lausanne, la manifestation fera à nouveau rayonner la pluralité de ce genre littéraire. Antonio Rodriguez, professeur de littérature française, fondateur et directeur du festival, se révèle en jardinier émerveillé de sa récolte.

Après sept années, vous continuez à faire fructifier les actes poétiques contemporains dans un terreau propice. Quel est votre rôle parmi cette floraison littéraire ?

Antonio Rodriguez : Dans cette vallée verdoyante qu’est la Suisse, la poésie est féconde. C’est un champ d’expérimentation très riche, où l’on explore les possibles, les marges, afin de nourrir la réalité. Ma fonction est d’amener cette orange bleue, ce fruit porteur de l’indicible, auprès du public. J’essaie de montrer qu’il existe, qu’il est là, à disposition pour être savouré. Vous remarquerez qu’il n’y a pas de serpent dans ce jardin, car il n’y a pas de faute. Je me sens aussi privilégié : c’est rare d’avoir une université qui soutient un festival de poésie depuis autant d’éditions. Alors que j’étais quasiment seul lors de son démarrage en 2015, le Printemps bénéficie aujourd’hui d’une équipe professionnelle, intégrée au Service culture et médiation scientifique, qui veille sur ses différentes semences.

Antonio Rodriguez, professeur de littérature française, fondateur et directeur du festival. © Félix Imhof / UNIL

Lors de cette quinzaine poétique, la pomme de la Genèse devient une orange bleue. Un fruit que vous voulez « à portée de main ». Comment se traduit cette accessibilité ?

La mission de ce festival littéraire est d’ouvrir des portes par la poésie, des trésors parfois difficiles d’accès. Cette année par exemple, le Palais des Nations à Genève est ainsi exceptionnellement ouvert au public (sur réservation), pour une soirée explorant les liens entre les arts poétique et diplomatique, « l’art du tact, l’art du texte ». Un autre critère important est la gratuité des événements jalonnant ces deux semaines. C’est un geste fort pour montrer que la poésie n’est pas seulement un luxe, mais qu’elle est à la portée de tout le monde.

Bien que ce fruit défendu détienne une dimension sacrée, il s’agit justement de le décloisonner sans sacrilèges. Adam et Ève sont les émissaires de cette nouvelle édition, chargés de propager la poésie en ville, là où se trouvent les gens. En outre, le festival montre la diversité du geste poétique, entre tradition et innovation. Cela se traduit notamment par des projections de films (soirée au cinéma CityClub Pully), des concerts, du slam, de la chanson ou encore des projets multimédia.

Vous nous encouragez donc à croquer dans cette orange, qui, comme le fruit de la connaissance, permet une nouvelle conscience du monde et de soi. Pourquoi, selon vous, devrions-nous céder à la tentation poétique ?

Nous vivons actuellement dans un « paradis artificiel » du storytelling et de Netflix. Contrairement au formatage opéré et perpétué par diverses plateformes de streaming, la poésie n’est pas un objet industriel. Elle permet des formes esthétiques qui vont échapper aux moules de la narration et de la diffusion industrielle. Elle offre un espace de créativité et une exploration du sublime. Si nous prenons ce fruit, nous découvrons alors un espace propice pour de nouvelles créations. Et nous nous rendons compte que ce fruit a une variété de goûts et de couleurs. C’est ça la poésie aujourd’hui : un renouvellement des possibles.

La septième édition du festival Printemps de la poésie fructifiera du 19 mars au 2 avril 2022 dans toute la vallée, avec plus d’une soixantaine d’événements en présence ou en ligne !

Lors de cette quinzaine de la poésie, la programmation propose un faisceau poétique large. Petit florilège des événements en lien avec le campus universitaire :

« Fruits, épices et nectars » : mille goûts et couleurs mettront en dialogue des univers poétiques lointains pour une lecture – à plusieurs voix et en musique – dans un caveau vigneron à Cully le vendredi 25 mars.

« Des feuilles aux feuilletés, poésie et gastronomie » : l’Université de Lausanne lance son concours de poésie en partenariat avec l’École de gestion hôtelière (EHL). Les participants peuvent proposer un poème original en français avant le 8 mars 2022. Le poème gagnant sera transformé en plat gastronomique.

« Verhaeren : le symbole et le symbolisme » : conférence ouverte au public d’Olivier Kachler, maître de conférence en littérature comparée à l’Université de Picardie-Jules Verne à Amiens (F), le lundi 28 mars, à 10h15, salle 3128 à l’Anthropole.

« Baudelaire, la dialectique de l’horreur » : conférence ouverte au public de John E. Jackson, professeur émérite en littérature comparée à l’Université de Berne et l’un des spécialistes de Baudelaire, le mardi 29 mars, à 10h15, salle 3028 à l’Anthropole.

Pour plus d’informations : https://printempspoesie.lyricalvalley.org/