Prix Nobel de littératureAnnie Ernaux fascine autant qu’elle divise
Trois auteurs et une metteuse en scène de Suisse romande réagissent à l’attribution du fameux prix littéraire à la Française. Trois pour et un contre.
Jérôme Meizoz: «Ses textes ont eu une influence majeure»
Jérôme Meizoz, auteur valaisan installé à Lausanne, Prix suisse de littérature pour «Faire le garçon» (Éd. Zoé): «C’est une autrice que j’admire depuis extrêmement longtemps. Ses textes, que j’ai beaucoup lus, ont eu une influence majeure. Je me suis inscrit dans son sillage, avec un mariage des sciences sociales et de la littérature, en développant évidemment des thèmes différents. Aussi, quand elle a accepté de préfacer «Temps mort» (2014), sur proposition des Éditions d’en bas, j’ai été profondément touché. Ce prix vient saluer la cohérence et la longévité d’une œuvre qui a creusé son sillon. Elle a observé la France des années 40 jusqu’à aujourd’hui avec un regard à la fois méticuleux et subjectif, et une grande inventivité. Ce prix célèbre aussi le courage qu’elle a eu de sortir du roman. Ses textes restent malgré tout profondément littéraires car il y a un ton, un point de vue assumé comme une expérience subjective, un regard émotionnel sur le passé, sans tabou. C’est une littérature très démocratique, mais pas du tout démagogique. Elle a atteint le grand public sans faire de marketing littéraire, par une sorte de correspondance heureuse entre le type d’expérience qu’elle racontait, comme le transfuge social, et le lectorat.»