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Entretien : "Jean Genet a cherché un salut dans la littérature"
Jean Genet cheminait entre la rage et le raffinement et fait figure de déflagration aussi bien que d’anomalie dans le paysage littéraire.
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Entretien : "Jean Genet a cherché un salut dans la littérature"

Entrée dans la Pléiade

Propos recueillis par

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Emmanuelle Lambert, écrivaine et commissaire d’exposition, et Gilles Philippe, linguiste et enseignant-chercheur, ont supervisé l’édition des romans et poèmes de Jean Genet qui paraissent dans « La Pléiade ». Ce grand entretien croisé est l’occasion d’approfondir, pour certains, et de découvrir, pour d’autres, cet écrivain qui cheminait entre la rage et le raffinement et fait figure de déflagration aussi bien que d’anomalie dans le paysage littéraire.

Comme le sang alimente les veines, la poésie, qu’il concevait « volontaire » et soucieuse, en ce que « occupée par le mal », irrigue les textes de Genet et circule donc dans ses romans. Son style, résume le binôme qui a réalisé l’édition de cette Pléiade, « était la pourpre dont il drapait les indignes, les malfrats et les honteux », l’écrivain ayant en effet rendu les enfers féeriques et la marginalité héroïque, glorifié les bannis, chanté les négligés, sanctifié les méprisés… sauvant ces destins de l’oubli, passant « d’une cellule de la Santé aux salons des éditions Gallimard », représentant à son tour l’« irreprésentable », levant toutes les censures, sa définition même de la littérature.

Marianne : Quand et comment êtes-vous entrés dans l’œuvre de celui qui, tout en forçant (clandestinement d’abord) les portes du domaine de la littérature française, jurait ne jamais avoir cherché à en faire partie ?

Emmanuelle Lambert : J’ai commencé par lire les Bonnes à vingt ans et en ai éprouvé une émotion si forte que j’ai lu tout Genet, avec beaucoup de difficulté au départ, car c’est une œuvre à la fois hermétique et violemment poétique. De chaque livre, je sortais bouleversée. J’ai alors commencé des recherches jusqu’à faire une thèse sur son théâtre, ou, plus précisément, sur la réécriture constante de son théâtre. Je me suis ensuite tournée vers les expositions et l’écriture, mais n’ai jamais lâché Genet. C’est une œuvre qui n’a cessé de me poursuivre, et que j’ai retrouvée en 2016 avec l’exposition du Mucem, dont j’étais la commissaire avec Albert Dichy, le plus grand spécialiste de Genet, qui nous a d’ailleurs beaucoup aidés pour notre édition. L’exposition m’a menée à faire deux livres : le catalogue Jean Genet, l’échappée belle (Mucem/Gallimard), et un petit livre personnel, Apparitions de Jean Genet, paru aux Impressions nouvelles en 2018. Si bien que lorsque Gilles m’a appelée pour me proposer de faire l’édition des Romans et poèmes de Genet dans « La Pléiade » avec lui, j’ai tout de suite accepté.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne