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Pas de cadeau pour le jeu «Cyberpunk 2077»

Sorti le 10 décembre, le titre de l’éditeur polonais CD Projekt était présenté comme le jeu de la décennie. Pourtant, «Cyberpunk 2077» est une déception et illustre les problèmes d’une industrie qui voit toujours plus grand

Attendu depuis 2012, "Cyberpunk 2077" a déçu plus d’un joueur. — © Ina Fassbender/AFP
Attendu depuis 2012, "Cyberpunk 2077" a déçu plus d’un joueur. — © Ina Fassbender/AFP

Attendu depuis plus de huit ans, Cyberpunk 2077 aurait dû occuper une place de choix parmi les cadeaux de Noël cette année. Mais depuis sa sortie le 10 décembre, celui qui était présenté comme le «jeu de la décennie» enchaîne les déboires. Malgré un budget annoncé de plus de 300 millions de dollars, les joueurs ont vite fait part de bugs le rendant injouable, particulièrement sur console.

Au point que le constructeur de consoles japonais Sony a décidé le 18 décembre de retirer la version dématérialisée du jeu de son catalogue en ligne. Tout comme son concurrent américain Microsoft, qui continue de proposer le titre, il s’est engagé à rembourser les clients déçus. «Le fait que les constructeurs de consoles prennent la main pour les remboursements, c’est une première dans l’histoire du jeu vidéo», souligne David Javet, cofondateur du GameLab UNIL-EPFL.

Un faux pas sanctionné en bourse

Pour CD Projekt, l’éditeur polonais du jeu, la sanction ne s’est pas fait attendre. Depuis le début du mois, son titre a perdu près de 40% de sa valeur en bourse. Pour rassurer ses investisseurs, il a publié mardi les premiers chiffres des ventes qui s’élèvent à 13 millions d’exemplaires, un chiffre loin d’être mauvais. A titre de comparaison, GTA V, l’un des plus gros succès du secteur, avait atteint les 25 millions d’exemplaires en deux semaines.

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Avant même la sortie officielle du jeu, l’éditeur indiquait que ce dernier était rentable avec 8 millions de précommandes. Mais entre les demandes de remboursement qui s’accumulent et de possibles suites judiciaires, Cyberpunk pourrait coûter cher à CD Projekt. D’autant qu’avec un rythme de développement plutôt lent, il ne peut pas compter sur une autre sortie pour se rattraper.

Le (pire) jeu de la décennie

Le studio s’est fait connaître grâce à la trilogie The Witcher, dont le dernier opus sorti en 2015 avait été largement encensé. Les bugs signalés sur Cyberpunk, présenté comme une prouesse technique et graphique, se comptent en centaines. Pourtant, sa sortie avait été repoussée à plusieurs reprises.

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«C’est un produit qui n’est pas fini, estime David Javet, qui est également game designer. Il y a des problèmes techniques majeurs comme des consoles qui s’éteignent ou des sauvegardes inutilisables. Pour avoir une version stable, il aurait sans doute fallu un an de travail supplémentaire.» Mais ce délai aurait signifié se couper des revenus du jeu sur PlayStation 4 et Xbox One alors que la nouvelle génération de consoles vient de sortir. Depuis la sortie du jeu, le studio a déjà proposé plusieurs mises à jour pour tenter de corriger les problèmes.

Un contre-exemple pour l’industrie?

Quels que soient les chiffres des ventes, Cyberpunk pourrait porter un coup à l’image de l’éditeur dont il ne se remettrait pas. «C’est un studio qui a construit sa marque sur le principe du respect des consommateurs, en s’opposant à certaines logiques de l’industrie comme les microtransactions», rappelle David Javet. Aujourd’hui, il est reproché au studio d’avoir voulu dissimuler ses difficultés. Notamment en empêchant la presse spécialisée d’avoir accès en amont aux versions consoles, qui présentent le plus de défauts.

Pour respecter les délais annoncés, le studio a aussi soumis ses équipes de développement à une très forte pression. Un phénomène courant dans l’industrie, appelé crunch, aujourd’hui dénoncé par les développeurs de CD Projekt. «Le coût n’est pas seulement financier, mais aussi humain, souligne David Javet. Un développeur qui a passé six ans de sa vie sur le jeu et qui voit la sortie de son œuvre prendre cette tournure, va aller voir ailleurs.»

Cet échec d’un des studios les plus en vue ne devrait avoir qu’un impact limité sur les pratiques du secteur, estime David Javet. «Le Game award de la meilleure direction de jeu a été remis à The Last of us Part II qui a été pointé du doigt pour avoir poussé ses employés à bout», conclut-il.