«Astérix et le Griffon», le 39e album d’Astérix sorti en librairie le 21 octobre dernier, cartonne. «Nos ventes d’Astérix représentent quatre fois plus que notre deuxième meilleure vente», confirme Noémie Rochat, responsable de la librairie Payot à Neuchâtel. En Suisse, aucun chiffre absolu n’est divulgué. En France, on parle déjà de plus d’un demi-million d’albums écoulés.

«C’est parti très rapidement. C’est toujours un événement», confirme Yannick Zürcher, propriétaire de la librairie Impressions à La Chaux-de-Fonds. Ecrit par Jean-Yves Ferri et dessiné par Didier Conrad, la nouvelle aventure «reste plutôt commerciale», dit ce spécialiste de bande dessinée. Et il en a vu passer des BD, lui qui a ouvert son magasin il y a plus de 20 ans.

Jean-Yves Ferri, le scénariste du dernier Astérix, dessiné par Didier Conrad. Photo: Keystone

Un universitaire passionné

Professeur aux Universités de Neuchâtel et de Lausanne, Alain Corbellari dévore aussi le 9e art. Il a été chroniqueur pour «L’Impartial» et «L’Express» pendant plusieurs années. Astérix? «J’ai une telle passion que je reste à l’affût.»

Cette nouvelle potion, dont nous ne divulguerons pas la recette, est-elle digeste? «Ce que j’apprécie est qu’il n’y a pas trop de vulgarité», répond Alain Corbellari. «Mais c’est gentillet. L’intrigue n’est pas intéressante. Les jeux de mots, on en cherche.»

Astérix, ça marche avec Uderzo, le dessinateur, et Goscinny, le scénariste.

Alain Corbellari, universitaire, spécialiste de bande dessinée

«Ce nouvel Astérix est conçu un peu selon un modèle qui existait déjà. Il ne faut pas heurter le public, rester dans la ligne», relève Yannick Zürcher. «Personnellement, je trouve que ça s’améliore un petit peu par rapport au dernier album qu’Uderzo a fait tout seul. Ferri et Conrad ont une bonne entente.»

Invraisemblance et outrance

Alain Corbellari est plus sévère. «Astérix, ça marche avec Albert Uderzo, le dessinateur, et René Goscinny, le scénariste. Uderzo est plus mauvais seul que ses successeurs. Goscinny fait de la magie pour rire. Uderzo, dans «Le grand fossé» (réd: le premier album qu’il a réalisé seul en 1980) fait une magie complètement invraisemblable. La nouvelle équipe ne semble pas faire dans l’invraisemblance et l’outrance. En contrepartie, au fond, ils ne font pas grand-chose.»

Astérix, juge Yannick Zürcher, ne se renouvelle pas. Ce que d’autres auteurs et dessinateurs «font avec Spirou ou Lucky Luke, des interprétations très intéressantes, très marquantes». C’est notamment le cas de Spirou par Emile Bravo, qui recueille un beau succès d’estime.

L’exemple Blake et Mortimer

Un renouvellement? «Pour Blake et Mortimer, les divers intervenants ont fait beaucoup d’efforts. Le mythe se renouvelle ou perdure», concède Alain Corbellari. «Spirou, c’est plus simple. Le créateur de la série, Rob-Vel, l’a très vite abandonné.» Franquin l’a repris. Il a révolutionné l’univers et le graphisme de la série. A son décès, «il était logique que d’autres la reprennent.»

La nouvelle potion n’en génère pas moins du cash. «Astérix et le Griffon» a été tiré à cinq millions d’exemplaires dans 17 langues. De quoi renflouer les caisses de son éditeur.

Depuis que Hachette a acheté les droits à ses créateurs et leurs descendants en 2008, plus de 360 millions d’albums ont été écoulés dans le monde. Ce qui en fait la BD la plus vendue sur la planète.

Deux Neuchâtelois jugent la nouvelle potion Astérix, qui fait recette

Le 39e album des aventures d’Astérix cartonne. Deux spécialistes neuchâtelois de la BD posent leurs regards critiques sur cette potion, véritable machine à cash.