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#Dentisteàpoil: nus pour la cause, ça la sert?

Nu pour la cause ca la sert

«C’est une sorte d’acte ultime, on montre qu’on est prêt à prendre sur soi, il y a un côté sacrifice, donc le geste reste fort» résume Gianni Haver, sociologue de l’image à l’Université de Lausanne (UNIL).

© Tolga Akmen / Anadolu Agency / Getty-Images

Fin avril 2020, ils ont répondu à l’appel de la campagne #Dentisteàpoil, qui les invite à poster sur les réseaux sociaux une photo d’eux dans le plus simple appareil. S’estimant mal équipés pour la réouverture de leurs cabinets en toute sécurité, des dentistes français souhaitent interpeller les autorités sur leur manque de protection et obtenir un renfort de matériel. La démarche peut faire sourire? Elle est loin d’être un acte isolé.

De plus en plus de campagnes militantes utilisent la nudité pour attirer l’attention et faire entendre leurs revendications dans l’espace médiatique. Des profs français en 2011, des pompiers espagnols, des étudiantes québécoises ou encore des élus slovaques en 2012, des artisans du nord de la France en 2015, des manifestants à New York en 2019… et il y a quelques jours, des médecins allemands ont suivi l’exemple des dentistes hexagonaux.

Attentat à la pudeur

Tomber la chemise, voire plus, le buzz est garanti, mais quid des résultats? «Avec internet, tout le monde a déjà vu des gens à poil, mais la nudité dans l’espace public demeure quelque chose qui dérange, estime Gianni Haver, sociologue de l’image à l’Université de Lausanne (UNIL). C’est une manière de prendre soudain les devants de la scène, un peu comme poser une bombe, mais en bien plus soft, même si le but est assez similaire, en l’occurrence imposer l’écoute d’un discours. Le procédé est antique, reste qu’il marche encore. La pub, notamment, a du mal à s’en passer même aujourd’hui.»

Sauf que justement, ce réflexe un peu facile et la diversité des messages font de la méthode un fourre-tout contre-productif pour Stéphanie Pahud, linguiste à l’UNIL et auteure du livre Chairissons-nous:

«Oui, la nudité attire le clic, le like, mais elle demeure souvent à l’état de petite provoc. Son pouvoir réel dépend du contexte. Les Femen l’avaient par exemple intégrée à une démarche plus vaste, avec l’écriture d’un manifeste, le choix de lieux symboliques, qui donnaient au nu féminin un discours aussi percutant qu’ironique. En revanche, utilisée n’importe comment, la nudité est souvent inutile. La campagne Free The Nipple, contre la censure des réseaux sociaux, n’a ainsi pas servi à grand-chose.»

Godiva, la pionnière

Poser nu, acte de la dernière chance qui a donc de fortes probabilités d’avoir surtout donné un peu froid. «C’est une sorte d’acte ultime, on montre qu’on est prêt à prendre sur soi, il y a un côté sacrifice, donc le geste reste fort, résume Gianni Haver, mais encore faut-il que les revendications elles-mêmes soient en mesure de toucher leur audience. Si les spectateurs ne peuvent adhérer au discours, l’acte restera vain.»

Bien avant les féministes du XXe siècle, une Anglaise aurait fait usage de la nudité comme arme politique peu après l’an mil. Selon un récit populaire où se mêlent faits historiques et légende, Lady Godiva, épouse du seigneur de Coventry, traversa la ville à cheval et nue pour convaincre son mari de diminuer la pression fiscale sur les habitants.

Devant la détermination de sa bien-aimée, l’aristocrate finit par accepter. Une fable? Aucune source sérieuse ne décrit l’événement, même si les historiens ont prouvé qu’une Godiva a bien existé et que les impôts avaient subitement été annulés en 1057…

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