Trisomie 21 : une piste pour restaurer des fonctions cognitives

Une thérapie menée par le CHU du canton de Vaud en Suisse en collaboration avec l’Inserm a permis d’améliorer les performances cognitives de certains patients porteurs de trisomie 21, selon une nouvelle étude publiée jeudi.

Nelly Pitteloud, cheffe du service d’endocrinologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a présenté jeudi l’étude menée en collaboration avec l’Inserm et qui est porteuse d’espoir pour les personnes porteuses de trisomie 21.
Nelly Pitteloud, cheffe du service d’endocrinologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) a présenté jeudi l’étude menée en collaboration avec l’Inserm et qui est porteuse d’espoir pour les personnes porteuses de trisomie 21. (AFP)

Un espoir pour les personnes porteuses de trisomie 21 : une thérapie, testée sur un petit nombre de patients, a amélioré certaines de leurs fonctions cognitives, des résultats jugés « prometteurs » qui doivent encore être confirmés. « L’expérience est très satisfaisante, même si on reste prudents », a résumé Nelly Pitteloud, cheffe du service d’endocrinologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), en présentant à la presse l’étude publiée jeudi dans Science.

Son hôpital situé à Lausanne, en Suisse, a collaboré avec une équipe de l’Inserm (au sein du laboratoire Lille neuroscience et cognition) pour tester l’efficacité d’une thérapie fondée sur l’injection de l’hormone GnRH à des patients porteurs de trisomie 21, l’une des anomalies chromosomiques les plus fréquentes.

Des résultats sur la souris trisomique

De récentes découvertes ont en effet suggéré que les neurones exprimant l’hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), connus pour réguler la reproduction via l’hypothalamus, auraient aussi une action sur les fonctions cognitives (mémoire, langage, raisonnement, apprentissage, résolution de problèmes…). « On s’est demandé si cette hormone pouvait jouer un rôle dans la mise en place des symptômes présents chez les porteurs de trisomie 21 », a expliqué Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm.

Sur des souris, le laboratoire a établi que cinq brins de micro-ARN régulant la production de cette hormone et présents sur le chromosome 21 étaient dérégulés. Les scientifiques sont parvenus à démontrer que les déficiences cognitives et olfactives progressives de ces souris étaient étroitement liées à une sécrétion de GnRH dysfonctionnelle. Ils ont ensuite prouvé que la remise en fonction d’un système GnRH normal permettait de restaurer les fonctions cognitives et olfactives chez la souris trisomique.

Enthousiasmée par ces résultats, l’équipe de Nelly Pitteloud a pris le relais. Un essai clinique pilote a été mené sur sept hommes porteurs de trisomie 21, âgés de 20 à 50 ans, entre octobre 2020 et mai 2022. Les patients ont reçu une dose de GnRH toutes les deux heures en sous-cutané pendant 6 mois, via une pompe sur le bras.

Les performances de 6 patients sur 7 en augmentation lors du test

Des tests de cognition et d’odorat ainsi que des examens IRM ont été effectués avant et après le traitement. « On a constaté une amélioration comprise entre 10 % et 30 % des fonctions cognitives, notamment de la fonction visuo-spatiale, de la représentation tridimensionnelle, de la compréhension des consignes et de l’attention », a égrené Nelly Pitteloud. Ainsi, un patient qui peinait à reproduire le schéma d’un cube en 3D avant le début du traitement, est parvenu à dessiner correctement un lit à l’issue.

Cliniquement, les performances cognitives ont augmenté chez 6 des 7 patients, des améliorations confirmées par imagerie cérébrale. Cependant, contrairement à ce qui s’était passé avec la souris, le traitement n’a pas eu d’impact sur l’olfaction. Ces résultats « prometteurs » doivent être confirmés. « Le travail clinique s’est focalisé sur seulement 7 patients hommes ; pour prouver l’efficacité du traitement GnRH dans la trisomie 21, on a encore beaucoup de travail à faire », a reconnu Nelly Pitteloud.

Les auteurs de l’étude reconnaissent d’autres biais, comme la présence de patients déjà très stimulés par leurs parents. Ils souhaiteraient désormais inclure des personnes aux profils plus variés, dont certains avec des signes dégénératifs type Alzheimer. À l’automne, une plus vaste étude intégrant 50 à 60 personnes et un placebo devrait être lancée. Les chercheurs espèrent y inclure « un tiers » de femmes, qui ne devront pas être sous contraception - l’hormone GnRH régulant la reproduction - ni souhaiter tomber enceintes.

Une augmentation de la qualité de vie des personnes porteuses ?

« On ne va pas guérir les troubles de cognition des personnes porteuses de trisomie 21, mais dans nos résultats, l’amélioration semble déjà assez essentielle pour espérer augmenter leur qualité de vie », s’est réjouie Nelly Pitteloud. Les résultats de l’étude sont aussi salués par des experts indépendants.

La qualifiant de « tour de force », Fabian Fernandez, spécialiste de la cognition et la trisomie 21 à l’université d’Arizona (États-Unis), a jugé ses résultats « irréprochables ».

« Il est difficile d’imaginer comment cette stratégie de traitement pourrait être déployée chez les enfants et les adolescents encore dans la puberté ou chez les femmes en âge de procréer », a-t-il toutefois dit à l’AFP.

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Et « il est difficile de prévoir ce que ces améliorations laissent présager pour la vie quotidienne des patients. Pour certains, cela pourrait leur permettre d’être un peu plus indépendants », a-t-il estimé.

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